Qui n’est pas conscient que dans la Tunisie post-14 janvier, la grande frustration des adolescents et des jeunes adultes privés de perspectives, rongés par le désespoir et confrontés aux désillusions de promesses presque jamais tenues est due à un leadership politique que l’on pensait clairvoyant, visionnaire, porteur d’espoir et qui s’est avéré plus soucieux de ses ambitions personnelles que de leur bien-être? Pire, le leadership a échoué, à ce jour, à inciter les jeunes à s’impliquer dans les débats publics et à s’engager pleinement dans les processus politiques. La culture de l’engagement des jeunes n’existe pas ou peu. Ils sont en total déphasage avec les leaders politiques.

C’est pour que les jeunes occupent une place prépondérante dans la gestion des affaires de la Nation, pour qu’ils se réapproprient leur patrie et leur pays, pour qu’ils se projettent en Tunisie et non ailleurs et pour qu’ils retombent amoureux d’une patrie qui a besoin d’eux pour se remettre des blessures du passé et construire le futur, que Faten Kallel a accepté d’être secrétaire d’Etat à la Jeunesse. Pour elle, il n’est pas question que la Tunisie soit le pays du désespoir et de la désillusion mais celui où tous les rêves sont non seulement permis mais doivent voir le jour.

Entretien

WMC: Ne pensez-vous pas que la Tunisie souffre de l’indifférence des jeunes par rapport à la chose publique ou politique ?

Faten Kallel: Je pense qu’avant 2011, les pouvoirs publics ne s’intéressaient pas à nous. Et nous le leur rendions bien. Personnellement j’ai suivi des études en comptabilité et j’ai fait un MBA. Il y a quelques semaines, je déclarais dans une conférence avec des jeunes traitant sur le thème du leadership, qu’avant le 14 janvier pour moi la Tunisie symbolisait l’inertie. Rien ne bougeait et à l’époque, la politique ne m’intéressait pas. L’espace de liberté qui nous était «autorisé» ne nous permettait pas de changer les choses en profondeur.

Comment faire? Comment identifier les moyens à mettre en œuvre pour transformer notre société?

Et puis il y a eu le 14 janvier et j’y ai vraiment cru, et avant bien entendu le mois de décembre et tous ces événements dramatiques qui l’ont marqués. Alors même que mon entourage n’y croyait pas, moi j’y croyais à fond.

Je considérais que c’était le début de la fin. J’ai commencé par participer aux manifestations et aux mouvements de rue bien que ma famille ait eu peur pour moi et considérait que mon nouvel activisme était dangereux. Mais j’ai tenu bon. Je voulais comprendre ce qui se passait dans notre pays et à quoi tous ces mouvements sociaux allaient aboutir.

Après le départ de Ben Ali, nous étions livrés à notre destin. Nous devions prendre les choses en main. Pour l’anecdote, à l’époque, je ne connaissais même pas le visage de Mohamed Ghannouchi, notre Premier ministre. Je n’avais aucune idée sur ceux qui nous gouvernaient parce que pour moi c’était une dictature et de toutes les façons qu’il y ait tel ou tel ministre ça ne changeait pas grand-chose à notre situation. Je les considérais comme des marionnettes.

Et c’est là où j’ai commencé à découvrir les visages des prétendus tortionnaires, lesquels, somme toute, n’étaient pas du tout différents de nous. Ils étaient des gens ordinaires, ni technocrates génies ni des méchants bourreaux. La peur était chez nous, nous la portions en nous et nous devrions peut-être un jour faire une évaluation et répondre à cette question: pourquoi étions-nous aussi paralysés par la peur de Ben Ali?

Les nouveaux arrivants en politique comme moi avaient vraiment envie de faire les choses proprement, et de créer des traditions démocratiques au niveau interne des structures du parti

Qu’est-ce qui a changé après le 14 janvier?

C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à sortir, à voir du monde et à participer à des débats politiques. J’ai été au PDP et Afek Tounes. J’ai choisi le PDP qui était le parti le plus ancien, le plus intéressant d’après moi, et j’ai commencé à militer au sein de ce parti. Je reconnais que j’y ai beaucoup appris, et puisque j’étais consultante sur l’organisation, j’ai commencé à y travailler sur l’organisation, sur le management, sur la gouvernance et la démocratie interne.

Nous avons fait énormément de travail avec les jeunes et des consultants comme moi.  Mais les leaders «historiques» n’étaient pas toujours de notre avis. Et c’est là que j’ai arrêté net avec le PDP et décidé d’intégrer Afek Tounes.

Ensuite, il y a eu l’expérience de la Fusion avec le PDP pour la création du parti Joumhouri.

Je me doutais déjà que cela n’allait pas aboutir et j’ai décidé de prendre du recul. J’ai observé de l’extérieur ces deux entités de nature tout à fait différentes. Les nouveaux arrivants en politique comme moi avaient vraiment envie de faire les choses proprement, et de créer des traditions démocratiques au niveau interne des structures du parti d’abord avant de prôner la démocratie dans le pays.

Mais ce que j’ai réalisé est que les partis auxquels j’ai adhéré ou que ceux que j’observais sur la scène politique avaient d’autres batailles à mener. Ils n’avaient pas encore évalué leur parcours dans la vie politique en tant qu’opposant ou tranché avec leur passé. Ils continuaient à gérer un passif dont ils ne parvenaient ni à se démarquer ni à dépasser.  C’est ce qui m’a encouragé à m’engager à Afek.

C’est là où j’ai commencé ma véritable aventure politique, et où j’ai trouvé ma voie. Nous n’avons pas une grande expérience politique, au plus 6 ans en tant que parti mais nous avons la volonté de créer et d’instaurer une démocratie d’une manière participative, d’asseoir les idées, les idéologies et les programmes.

D’après moi, le problème de la classe politique, c’est une perte de repères et de valeurs. Tenez : la valeur travail n’existe pas chez nous…!

Quelle est votre perception du rôle du leadership politique dans la Tunisie d’aujourd’hui?

Le leadership politique sert à changer les choses dans le sens positif. Nous avons bien sûr tous des idéologies différentes, des visions différentes et des approches également différentes les unes des autres, mais le diagnostic est le même. Dans notre pays, il y a un contexte socioéconomique délicat auquel il va falloir trouver des solutions, et c’est à un leadership conscient de ses responsabilités, mûr, visionnaire que revient cette mission.

Partout où il se trouve, un leader doit être capable de conduire un groupe de personnes, une entreprise ou un pays, grâce à une vision positive, à un mieux social et à une prospérité économique. C’est son rôle.

D’après moi, le problème de la classe politique et ce n’est pas que celui de la classe politique mais plutôt de tout le pays, c’est une perte de repères et de valeurs.

Tenez : la valeur travail n’existe pas chez nous ! Quand j’évalue mon parcours professionnel, je me rappelle les mois où je travaillais beaucoup de 6h du matin jusqu’à 11h du soir ou minuit et sans des résultats vraiment probants, mais il fallait le faire que ce soit pour mon apprentissage ou pour évoluer dans mon parti et travailler dans la campagne électorale.

Ce que je constate, que ce soit dans ma génération ou celle d’avant, c’est que la valeur travail n’existe pas. Nous voulons faire peu et gagner beaucoup. Cet état d’esprit m’inquiète énormément. Dans les réunions du parti (Afek) je disais très souvent : partageons-nous les tâches. Si jamais la tâche qui m’incombe après les réunions est celle de nettoyer les bureaux et qu’elle est importante dans l’ensemble du travail que nous fournissons et va nous permettre d’évoluer dans un environnement sain et reposant, pourquoi pas.

En politique, dans un groupe, ou même un parti, il faut être capable de tout faire, tout en étant un leader. Parce qu’on lead dans l’opinion et par l’opinion. Nous ne pouvons pas être tous des chefs mais nous pouvons être des leaders. Nous pouvons être des chefs de file là où nous sommes et influencer, par nos opinions, tout en mettant en avant les qualités et les compétences des uns et des autres. Il faut accepter sa place là où on est utile parce qu’une charrette ne marche pas sans ses 4 roues.

Nos égos démesurés font que nous n’avons pas assez d’humilité pour être efficients là où nous sommes placés. Nous ne sommes pas assez humbles pour nous dire que nous pouvons changer les choses de là où nous sommes parce que nous luttons pour une idée et idéal dont nous sommes convaincus et que ce sont notre volonté et nos convictions qui nous permettront de convaincre les autres de nous suivre.

Le malheur aujourd’hui est que le milieu politique cacophonique. Les politiciens ont du mal à se remettre en question et ont très peu de courage à affirmer leurs opinions. C’est une dualité bizarre qui existe et qui fait que finalement nous n’avons pas de véritables leaders dans notre pays.

Nos égos démesurés font que nous n’avons pas assez d’humilité pour être efficients là où nous sommes placés. Nous ne sommes pas assez humbles pour nous dire que nous pouvons changer les choses de là où nous sommes…

Et vous qu’avez-vous fait en tant que leader dans un parti politique?

Depuis 5 ans, je travaille toujours dans le calme et dans la discrétion, ce qui fait que très peu de gens me connaissent. Avant d’occuper le poste de secrétaire d’Etat chargée de la Jeunesse, j’ai beaucoup travaillé, que ce soit à Afek ou au PDP, mais surtout en back office. Comme je le répète trop souvent, il faut qu’il y ait des gens en front office et d’autres en back office. Tous ont la même importance.

J’ai occupé ce poste parce que j’ai œuvré à changer les choses dans mon parti. J’ai changé des comportements et dans Afek, cela était facile parce que nous avons tous vécu une nouvelle expérience avec une nouvelle mentalité.

Nous tolérons le changement, la différence, la remise en cause et en question, nous acceptons l’évolution. Nos conseils nationaux sont extrêmement embrasés et intenses, les avis sont très contradictoires parfois mais, in fine, quand on vote, nous sommes de beaux joueurs, nous passons à autre chose, nous ne nous détestons pas.

C’est aux parents de donner de l’espoir aux jeunes, ce sont les premières personnes à leur donner confiance en eux et en leur pays, c’est à eux de croire en eux…

Pourquoi d’après vous ce refus de la chose publique par les jeunes?

Je pense qu’il y a un vrai conflit générationnel. C’est la jeunesse qui s’est révoltée. La génération qui détient le pouvoir et qui a l’emprise sur ce pays a du mal à se positionner dans ce changement. Elle résiste et puisqu’elle a plus le pouvoir donc forcément et, sans le vouloir parfois, elle impose aux jeunes la posture à prendre, ce qui a pour conséquence le rejet.

Des fois les parents observent ce genre d’attitude. Il y a une génération qui écrase cette jeunesse et veut passer outre ses rêves et ses ambitions. Je le vois au quotidien dans l’exercice de mes fonctions. Il y a cette espèce d’infantilisation de nos jeunes. Et même en tant que jeune secrétaire d’Etat à la Jeunesse, on nous fait sentir que nous ne sommes pas capables d’avoir des idées.

Je parle de grandes idées pour édifier notre pays et réaliser ses intérêts par les actions qui s’imposent. C’est dramatique lorsque nous voyons les qualités de nos jeunes dotés de beaucoup d’imagination et de bon sens, intelligents et pleins de ressources. J’ai participé au dialogue sociétal autour des affaires de la jeunesse.

On veut souvent formater les jeunes alors que dans le monde on parle de la génération Z, la génération Z c’est une génération qui innove et qui crée des métiers d’avenir.

J’ai rencontré énormément de jeunes âgés de 15, 16 et 17 ans. Si vous prenez l’échelle individuelle, vous trouvez des personnes, très optimistes, qui portent en elles beaucoup d’espoir quant à l’avenir. Dès qu’ils sont en groupe, tout devient différent. Ils ne voient pas d’avenir ensemble et ils ne voient pas d’avenir pour le pays. Et c’est ce que j’appellerais conflit générationnel. C’est pour ça que je parle toujours des parents.

C’est aux parents de donner de l’espoir aux jeunes, ce sont les premières personnes à leur donner confiance en eux et en leur pays, c’est à eux de croire en eux, de les aimer et de ne pas axer leurs discussions sur le négatif ou ce qui ne va pas dans notre pays. Nous sommes dans une société traditionnelle où nous avons toujours tendance à mettre l’accent sur les erreurs et non pas sur les réussites. Nous sommes réglés “sanction”. Et c’est culturel. Je veux changer cette mentalité.

Il faut aider nos enfants et les pousser de l’avant malgré leurs erreurs. Arrêtons cette autoflagellation qui détruit notre jeunesse. Nous sommes dans l’auto-flagellation et pas dans la valorisation. Qu’est-ce qu’un mauvais choix qui dure 1 mois ou deux mois, ou même un an, par rapport à toute une vie? Et la plupart du temps ce sont des erreurs qui expriment un mal-être et une détresse psychologique et renvoient à une absence totale d’encadrement et de repères. On veut souvent formater les jeunes alors que dans le monde on parle de la génération Z -la génération Z c’est une génération qui innove, qui crée des métiers d’avenir.

Nous faisons de la mauvaise propagande alors qu’il y a énormément de jeunes qui réussissent et qui innovent.

Quelles solutions préconisez-vous à cet état de fait?

Malheureusement il y a un petit complexe qui s’est créé depuis 6 ans qui fait qu’on ne parle jamais du positif. Auparavant, nous n’osions pas critiquer, maintenant c’est le contraire, nous avons du mal de parler du positif. Nous faisons de la mauvaise propagande, alors qu’il y a énormément de jeunes qui réussissent et qui innovent et même pour les jeunes en détresse il y a beaucoup de potentiel et d’espoir.

Au lieu de focaliser sur leurs espoirs et leurs potentiels et chercher des solutions justement pour qu’ils se réalisent, on fait tout pour briser leurs élans créateurs. Quand nous discutons avec les jeunes, nous sentons l’assimilation de des messages négatifs. On fait tout pour faire croire à nos jeunes qu’ils n’ont pas d’avenir.

Comment est-ce qu’un enfant de 12 ans seulement parle de chômage? Vous lui posez la question, il rétorque: “tout le monde dit que nous allons être des chômeurs et qu’il n’y a pas de travail”. Ce sont des messages qu’on véhicule tout le temps et qui ont un impact horrible sur les jeunes.

Il y a le problème de la perception de la citoyenneté, nous avons trouvé une très belle conscience de la citoyenneté, peut-être pas exprimée par les mots qui sont généralement basiques chez les jeunes.

Vous avez lancé la consultation nationale sur la jeunesse, quelles conclusions en avez-vous tirées?

D’abord, on nous a dit que personne ne va participer, que ça ne réussira pas, et que sans une véritable campagne de communication, personne ne viendra. Mais c’est tout le contraire qui s’est passé et avec très peu de moyens. 40.000 jeunes entre 15 et 50 ans ont participé à un dialogue qui a commencé le 1er octobre et fini le 13 novembre.

C’était un véritable dialogue sociétal sur tous les thèmes. Bien sûr, le thème du développement a été central et a été le plus évoqué. Les interventions à propos de l’exercice de l’Etat étaient sans pitié mais c’est normal. Nous avons un Etat qui, depuis 60 ans, n’a pas privilégié le bien-être des êtres mais plutôt un équilibre global. Donc il est évident que tout être se sente négligé par l’Etat et qu’il dégage ce ressentiment. Pour moi, l’essentiel est que les jeunes se sont exprimés et nous avons réussi à réinstaurer le dialogue avec eux.

L’étude qui a été commandée par l’Etat tunisien et réalisée dans un cadre tuniso-tunisien, avec des experts tunisiens est la première du genre dans notre pays depuis 6 ans. Nous ne réalisons pas l’importance de cet élément, parce que nombreux sont ceux qui ne sont pas conscients de la différence qui existe entre le fait que ce soit l’Etat tunisien qui assure une étude d’une telle envergure ou un bailleur de fonds ou une entreprise publique.

Les objectifs sont généralement différents et la stratégie est différente. Pour l’Etat, dans ce cas précis, l’intérêt réside dans la réflexion stratégique pour un mieux-être des jeunes au service du pays. Notre objectif stratégique aujourd’hui est de permettre à chaque jeune d’être au meilleur de son potentiel, et de protéger ses intérêts socio-économiques. Les jeunes sont au nombre de 4 millions dans notre pays.

Il faut qu’ils suivent des études qu’ils aiment, qu’ils trouvent le travail qu’ils souhaitent et qu’ils mènent la vie dont ils rêvent, c’est mon objectif. Je ne sais pas si la vision d’un syndicat ou d’un bailleur de fonds, local ou international corresponde à notre vision en tant qu’Etat ou que nos objectifs soient les mêmes. Un bailleur de fonds par exemple raisonnerait en ces termes: “mon objectif est combien je vais mettre d’argent pour mettre fin au fléau du terrorisme et me protéger par la même occasion…”.

Il y a des points négatifs, il y a beaucoup de problèmes sur le côté de l’éducation sexuelle, et c’est pour cela que nous vivons autant de drames aujourd’hui, il y a une vraie demande sur l’éducation sexuelle.

Vous avez donc mis en place des critères précis pour l’étude…

Bien évidemment et axés sur l’édification. Dans mon étude, il y a la partie développement, il n’y a pas que le chômage, parce que le chômage n’est que le résultat d’une situation bien déterminée. Et le fait que le jeune assimile le processus de développement économique, le processus de développement social et l’importance du travail et de son investissement personnel pour réussir dans la vie fait qu’à l’âge de 12 ans il voit déjà le chemin qu’il pourrait suivre. Il ne sera pas influencé par ce qu’on dit et on raconte sur le chômage et sur l’absence d’avenir. Le fait qu’il comprenne le parcours de sa vie dans un cadre général de développement économique et social est important.

Quand on parle de santé, de comportement à risque, de sexualité, de drogue, de culture, de loisirs, de sport, ce sont des sujets très importants pour lui. Ce sont des axes très importants pour son développement personnel. Quand on parle de technologie pour dire que finalement la technologie n’est pas un ordinateur ou Facebook, mais la technologie numérique est l’avenir du monde et un instrument important pour être compétitif dans la nouvelle économie mondiale, nous lui permettons d’appréhender les choses autrement. Lorsque nous débattons d’immigration, nous ne parlons pas d’immigration clandestine.

Des fois, il y a des intérêts économiques dans l’immigration, comme l’importation de nouvelles expertises ou le lobbying en faveur de notre pays. Nous sommes un pays qui a toujours exporté des compétences et des talents, et dans notre balance de paiement il y a une rubrique sur les rentrées de devises en rapport avec ce volet, et même pour l’image de pays il faut encourager ces jeunes à avoir des expériences dans des entreprises internationales, etc. Il faut que le jeune voie ça positivement.

Il y a le problème de la perception de la citoyenneté, nous avons trouvé une très belle conscience de la citoyenneté, peut-être pas exprimée par les mots qui sont généralement basiques chez les jeunes. Mais ils ont une manière d’exprimer leur sensibilité aux problèmes économiques sans s’arrêter au chômage.

Ils savent qu’il y a un problème dans l’éducation, dans le développement personnel, dans les soft skills, ils parlent de langues. Il y a un certain niveau de conscience sur lequel nous pouvons construire. Ils en veulent à l’Etat qui n’en fait pas assez. C’est normal mais ils savent qu’il y a un certain espoir dans le fait de trouver des solutions. La situation n’est ni noire ni blanche, ce n’est pas 0 ou 1. Il y a des points négatifs, il y a beaucoup de problèmes sur le côté de l’éducation sexuelle, et c’est pour cela que nous vivons autant de drames aujourd’hui, il y a une vraie demande sur l’éducation sexuelle.

Et concernant les drogues, ils sont tous ou presque unanimes, il y a une prise de conscience véritable à propos de la nocivité de la toxicomanie, mais ils sont contre la manière de punir et de juger, ils sont contre la loi, et ils pensent qu’un jeune ne doit pas être puni mais plutôt guéri, il y a une véritable prise de conscience.

Vous pensez qu’il y a une rupture entre la patrie et les jeunes?

Je ne pense pas qu’il y a une rupture avec la patrie, mais plutôt avec les gouvernants. La situation est beaucoup plus complexe. Ce que nous avons constaté est que les jeunes sont très fiers de leur appartenance à la Tunisie. Je n’ai pas vu de coupure avec la Tunisie, mais plutôt un malaise par rapport aux perspectives d’avenir et le fait de ne pas se projeter dans l’avenir ici dans leur pays.