La révolution a été domptée grâce à l’esprit des réformes. Il ne faut pas en rater le train. Cela pourrait renflammer les esprits et réveiller les vents mauvais de la contestation. Présentée comme l’année de tous les risques, si les réformes vont vite, 2017 peut tout aussi bien devenir l’année de l’accomplissement de la révolution.
L’an VI de la révolution nous conforte dans une certitude. L’exception tunisienne a fait qu’on a canalisé l’euphorie révolutionnaire vers l’esprit de la réforme. Il ne faut pas avoir peur des mots, c’est bel et bien un exercice de génie national. De ce fait, on a désamorcé le risque de retour de l’agitation généralisée, une vis sans fin, aux lendemains toujours incertains. Elle épuise nos forces vives et la plupart du temps mène vers des confrontations civiles.
C’est un vrai miracle qu’on ait pu tasser toute l’énergie négative de la contestation vers le deal des réformes. Et quand bien même on n’a qu’une stabilité relative, la confiance est malgré tout de retour. Une vision existe. Et, la visibilité s’est dégagée. Il y a bien un projet qui prend forme. Tunisia 2020 le préfigure d’une certaine façon.
Quel rôle à l’Etat ?
Longtemps, nous nous sommes égosillés dans des joutes interminables à débattre dans tous les sens. Enfin, le pays a fécondé le dialogue national. Le retour à la planification a été salutaire. C’est un bon réflexe qu’on a su activer, car il faut reconnaître que l’Etat de l’indépendance l’a bien inculqué dans la mentalité nationale. La trouvaille était qu’il faut reconfigurer l’Etat. Et même si l’on n’a pas arrêté une idée définitive sur le sujet, on a abouti à la conclusion qu’il faut hâter le train des réformes pour profiler l’Etat qui nous donnera un modèle de société citoyen. Ce sera une œuvre de profilage dynamique. On sait qu’il faut aller vers mieux d’Etat. On le fera par petites touches.
Une priorité, toutefois, s’impose dans l’esprit de tous les Tunisiens –ou presque: l’Etat devra garantir l’unité nationale. L’on pourrait, vraisemblablement, aboutir à une forme de démocratie singulière. Le penchant pour le dialogue et le consensus feront que le pays évitera les grands chocs et les affrontements. L’énergie de la réforme a fini par triompher. Mais comme en toute discipline, il y a l’esprit et la lettre, c’est-à-dire la vision et la façon de s’y prendre.
Le Discours et la méthode
Plus qu’à aucun autre moment, la Tunisie a besoin d’une feuille de route. Dans ce pays où la mémoire nationale est marquée par cette devise de “l’essentiel et de l’important” (“Al Aham wal Mouhim), le train des réformes doit se mettre sur rails et éviter de se retrouver “hors-la voie“. L’essentiel est qu’il ne faut pas s’arrêter et forcer le pas.
La transition démocratique nous a donné un tissu institutionnel national, mais le pays doit aller vers la démocratie locale à vive allure. Ce sera l’étape suprême. La démocratie de proximité assure la prise en mains des problèmes des citoyens. Le chef du gouvernement a étudié la question dans tous ses aspects pendant deux ans au ministère du Développement régional. On le voit en train de calmer les esprits mais il ne faut pas qu’il perde de vue l’impératif de concrétiser la décentralisation.
La refondation territoriale finira par convaincre le bon peuple, qu’il a enfin prise sur le système. Et c’est au système d’être proactif pour enfin assurer la prise en charge des citoyens. Il faut que le deal fonctionne de manière efficace, pour ne pas être remis en cause. Et le meilleur indicateur de performance, d’entre tous, c’est l’avancement du train des réformes.
Commencer une réforme et la finir
En tout, il faut de la cohérence. Quand l’Etat entame une réforme, il doit la finir. Restructurer les banques publiques prendra tout son sens si on sait faire les fusions utiles et aller vers l’application des accords de Bâle. Autrement, la place de Tunis restera dans une posture figée, impuissante à répondre aux appels de financement du nouveau modèle économique.
Le champ économique est encore engourdi par des obstacles et des inerties en tous genres. La liberté de l’industrie et du commerce doit accélérer l’instauration de la concurrence et éloigner le spectre de la rente. Bien entendu la lutte contre l’informel doit également donner des résultats. L’Etat joue gros sur cette question. L’opinion est impatiente de le voir endosser les habits de puissance publique et se faire respecter. L’opinion vit l’arrogance de l’informel comme un déni d’Etat et cela nourrit l’esprit d’irrévérence et d’indiscipline qui font énormément de tort à la cohésion nationale.
Dans la foulée la réforme de la fiscalité sonne comme un impératif. Et le basculement vers le digital comme une urgence. Le “e-gov” puis le “open-gov“ pourraient nous délivrer de la tyrannie de l’administration et de la bureaucratie.
On a répété à satiété que l’année 2017 est l’année de toutes les menaces graves. Au gouvernement d’en faire l’année des réalisations concrètes. Il inverserait la tendance, retrouverait la main, reprenant l’initiative, recouvrant ainsi la plénitude de ses pouvoirs.
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