Sous le patronage de l’Académie Beït Al-Hikma, du Cercle Kheireddine et de l’Association des économistes tunisiens, le Professeur Mahmoud BEN ROMDHANE a donné une conférence, samedi 21 janvier, au siège de l’Académie sur le thème “La Tunisie face à ses grandes crises économiques: les voies de sortie”.
Au cours de sa présentation, il a montré que la Tunisie a connu depuis l’indépendance deux grandes crises économiques: celle de 1986, qui a été traitée par une politique d’austérité, caractérisée par le gel des salaires et des recrutements dans la fonction publique, la réduction brutale des investissements publics et une limitation sévère des importations, et la crise actuelle, qui a cours depuis 2011.
Le conférencier a montré les points communs et les dissemblances entre ces deux crises et la voie utilisée pour sortir de la crise de 1986. Il a analysé l’intensité et les caractéristiques des deux crises et montré que les deux crises se distinguent par leur nature, leur intensité et leur traitement.
En effet, selon l’auteur, si la crise actuelle se présente comme une crise aigüe des finances publiques, la crise précédente se présente comme une crise des paiements extérieurs; et l’intensité de la crise actuelle apparaît bien plus dramatique.
La crise actuelle n’est pas une crise comme les autres crises. Elle s’inscrit dans le cadre des crises des transitions politiques. Le conférencier a passé en revue l’expérience de tous les pays qui ont connu une transition démocratique au cours des 40 dernières années; la conclusion qu’il livre est que le recul de la croissance est notablement plus important en Tunisie et que la reprise semble prendre bien plus de temps que dans les autres pays qui ont expérimenté la même transition.
L’accent particulier porté sur la crise actuelle a mis en relief ses coûts considérables.
Les coûts économiques sont appréhendés à travers les pertes de produit intérieur brut, les pertes des entreprises publiques et des caisses de sécurité sociale, mais aussi à travers les pertes de compétitivité globale et les pertes de rang dans l’économie mondiale.
La situation se présente sous un jour particulièrement préoccupant: les finances publiques se trouvent dans un état de très grande tension, les entreprises publiques et les caisses au bord de l’effondrement, la perte de compétitivité est sans pareil.
Les coûts sociaux ont été amortis par une politique de dépenses publiques, qui a atteint ses limites et dont les effets négatifs commencent à se faire durement ressentir. Mais la crise sociale est là, profonde: une augmentation spectaculaire du chômage, en particulier des diplômés, dont le nombre approche les 250 mille et des régions moins développées confrontées à des difficultés encore plus dramatiques: une quasi-absence de créations d’emplois, des entreprises qui ferment ou licencient une grande partie de leurs employés, des investissements publics et privés en panne. La crise frappe encore plus fortement les femmes, en particulier celles qui sont diplômées et qui représentent aujourd’hui plus des 2/3 des bataillons des chômeurs diplômés.
Le caractère exceptionnellement dramatique et global de la crise actuelle exige un traitement non moins exceptionnel. Ce ne sont, ni des politiques, ni des réformes sectorielles qui pourront en venir à bout. L’œuvre exigée est considérable: elle a ses préalables, elle requiert une vision partagée, elle implique la participation de toute la société, ce que le Conférencier appelle un «New Deal tunisien», dont il a brossé les contours dans sa dernière partie.