Samedi 21 courant a eu lieu la 19ème édition de l’Open de Sigma. D’une année sur l’autre, ce rendez-vous se transforme en évènement à retentissement national. Chiffres à l’appui, on y prend le pouls du pays et la mesure des mouvements d’opinion. Les chiffres permettent un décryptage, ordonné et rationnel, de l’actualité sociale.

Karl Pearson, éminent mathématicien anglais, contemporain, disait que “La statistique est la grammaire de la science“. Et, Hassen Zargouni, DG de Sigma, de rajouter: “Ce qui ne se mesure pas n’existe pas“. Et de glisser avec un certain ravissement, pour souligner le pouvoir de réactivité de son agence: «on peut sonder l’opinion en une heure de temps. Et dans l’heure qui suit, on peut traiter cette info et donner les résultats sur n’importe quel thème d’actualité dans le pays».

 

La grille de lecture de l’actualité

L’analyse économique est devenue familière aux Tunisiens grâce au travail des nombreux think tank actifs sur la place. Mais le supplément fourni par les statistiques est cette capacité à reproduire les tendances. Et, le tableau d’ensemble présenté par SIGMA n’indique pas de rupture au niveau des tendances lourdes. La réussite de “Tunisia 2020“ est le résultat du volontarisme du gouvernement et du soutien politique généralisé des pays amis. Cependant, il faut s’atteler à rétablir l’attractivité réelle du pays pour le faire figurer, de façon naturelle, dans le radar des investisseurs.

Source: Open Sigma 2017

Les pépites de l’Open

L’examen des budgets des divers départements ministériels révèle que la Tunisie n’a pas lésiné sur les moyens quand il s’agit de l’école publique. Les budgets cumulés de l’Education et de l’Enseignement supérieur arrivent en première place malgré les arbitrages budgétaires en faveur des ministères de la Défense et de l’Intérieur pour raison de lutte contre le terrorisme.

L’école de la République est sauve. On découvre en même temps que l’Etat dépense 2.200 dinars par an par élève et 5.200 dinars par étudiant. On apprend que ces coûts sont les mêmes que ceux du privé. Alors qu’est-ce qui explique le déficit de standing du public surtout tel qu’il est mis en évidence par notre contreperformance dans le classement PISA? L’Etat est décidément mauvais gestionnaire, chiffres à l’appui.

D’autre part, on découvre que la Tunisie a accueilli 1,8 million de touristes algériens en 2016 et à peine 1,2 million de Tunisiens résidents à l’étranger.

On apprend que les Tunisiens à 50-50, soit qu’ils s’enflamment pour la cause syndicale, soit à la réprouver. Et ce clivage est constant.

On découvre également que le premier évènement marquant pour l’opinion, sur l’année 2016, a été l’assassinat de Mohamed Zouari. Cela a réveillé un certain sentiment d’inquiétude chez les Tunisiens qui se sentent peu protégés, dans leur pays. Mais on est rassuré de découvrir que “Tunisia 2020“ arrive en deuxième position. Par conséquent, sécurité et développement économique sont les premiers soucis des Tunisiens. Et Hassen Zargouni de décréter “voilà la feuille de route pour le gouvernement !“

Radioscopie des habitudesde consommation

Le ménage moyen en Tunisie se compose de 4 personnes, avec un PNB par habitant de 3.871 dinars, le budget familial s’élève ainsi à 15.000 dinars par an et par ménage. Cependant, le Tunisien ne dépense pas “malin“. L’alimentation lui bouffe 30% de son budget, contre 12,5% pour les ménages français, à titre d’exemple. L’ennui est que malgré cette proportion relativement élevée, le Tunisien se nourrit essentiellement de viande blanche (poulet et dinde) à hauteur de 80% pour le poste “Viandes“ -car la viande rouge est hors de porte monnaie. Le Tunisien, en moyenne, ne mangerait de la viande rouge qu’une fois tous les quinze jours.

Les dépenses de logement, en deuxième position, lui engloutissent 25% de ses revenus. Mais il faut rappeler que 80% des Tunisiens sont propriétaires de leur logement. Et, le transport, faute d’un transport public organisé, lui siphonne 10%. Cette dépense chuterait de moitié si le transport public s’améliorait, avec plus de fréquences et des bus qui arrivent à l’heure. Il s’agit d’un problème de confort national, sachant que 70% des Tunisiens empruntent les transports en commun.

L’humeur du Tunisien

Le Tunisien continue à stresser, à forte dose. Plus de 70% des Tunisiens vivent une certaine crispation et trouvent que “ça ne tourne pas rond“. Alors, ils se font du mauvais sang. Mais il ne faut pas s’en alarmer, outre mesure, car aux éditions passées, Hassen Zargouni apportait un zeste de bonne espérance. Les Tunisiens s’alarment, disait-il, sur le moment. Mais à terme, ils reprennent du poil de la bête, basculant vers l’optimisme, affirmant qu’ils ont bon espoir pour l’avenir. C’est ce qu’on appelle le pessimisme paradoxal! Il semble au rendez-vous, car les prévisions électorales pour les municipales ainsi que les législatives reproduisent exactement la même physionomie de la scène politique nationale. Nidaa, toujours en tête, suivi de la même cohorte que l’on connaît. Mais le fait notable est la persistance du bloc des nihilistes de la transition démocratique et qui représente environ 45% des électeurs, lesquels continuent, qui à bouder les scrutins, qui à avouer ne pas savoir pour qui voter.

Auparavant, Hassen Zargouni expliquait ce déni de transition par un effet de désenchantement. Le bloc des boudeurs est celui des frustrés, ceux qui trouvent que la révolution ne leur a rien apporté. Et si l’on refaisait le match? JFK a gagné les élections en s’adressant aux jeunes boudeurs, à rebrousse poil. Son slogan à l’adresse des grognards était on ne peut plus provocateur: “Ne demandez pas ce que votre gouvernement peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre gouvernement“. N’est-ce pas le moment d’implémenter ce slogan yankee chez nous?