Pour la deuxième fois en un peu plus de trois ans, les architectes descendent dans la rue. A l’appel de l’association «Architectes Citoyens», soutenue dans sa démarche par l’Ordre des architectes de Tunisie (OAT), un «rassemblement citoyen» des architectes a eu jeudi 12 janvier 2017 devant le siège du ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire. Par cette action, les architectes entendent «tirer la sonnette d’alarme sur les dangers d’une gestion du territoire sans une vraie politique préétablie d’aménagement du territoire, et les graves conséquences qui en découlent», souligne un communiqué d’Architectes Citoyens».
Le bras de fer entre ces derniers et le ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire porte essentiellement sur la politique d’aménagement du territoire et plus particulièrement sur le projet de Code y afférent que le gouvernement a récemment envoyé à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Et que les architectes rejettent, ainsi que l’ont clamé leurs représentants mercredi 11 janvier 2017, lors d’une conférence de presse organisée par Architectes Citoyens, présidée par Ilyes Bellagha.
«La souveraineté de l’Etat sur les terres nécessite une politique d’aménagement du territoire. Or, cette politique n’existe pas et les lois y afférentes sont faibles», décrète cet architecte expérimenté. Mais aujourd’hui, ce n’est pas contre ce vide juridique que les architectes se révoltent, mais contre les nouveaux textes de lois que le ministère de l’Equipement a déjà ou est en train d’élaborer –ou pas- et plus particulièrement le projet de nouveau Code de l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme (CATU).
«Ce texte ne répond pas aux attentes», juge Aymen Zribi, président de l’Ordre des architectes tunisiens (OAT). Qui relève au moins deux problèmes posés par ce projet qui, après sa validation par le gouvernement, a été envoyé à l’ARP.
«Nous avons étudié ce texte, à propos duquel les différents organismes concernés n’ont pas été consultés, et y avons trouvé de nombreuses failles. D’abord, nous nous orientons vers la décentralisation et ce texte consacre la centralisation. Ensuite, les outils d’application font défaut». Un point de vue que partage Mahmoud Gdoura.
Aujourd’hui à la retraite après avoir exercé au sein du ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire «pendant trente-quatre ans, il rappelle qu’après le 14 janvier 2011 «nous avons à amender le Code d’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme afin d’y introduire certains principes consacrés par la nouvelle Constitution». Le ministère a mis sur la table un premier projet en décembre 2015. «Mais ayant senti qu’il n’emportait pas l’adhésion, ils l’ont amendé et en ont sorti un deuxième en octobre 2016». Auquel Mahmoud Gdoura trouve plus d’une faiblesse.
D’abord, le nombre des «outils d’aménagement a été augmenté de 3 à 10, et certains d’entre eux n’ont pas fait l’objet d’une étude préalable». Ensuite, le nouveau CATU parle de 50 textes d’application qui n’ont pas encore été élaborés. Or, «pour publier 20 des 24 décrets d’application prévus par l’ancien code, il a fallu vingt ans. Nous faudra-t-il attendre 50 pour que ceux mentionnés dans le nouveau voient le jour?».
L’architecte retraité partage également le reproche que «n’est pas consacré comme il faudrait» puisque le nouveau CATU autorise les ministres, par exemple, à intervenir dans l’aménagement qui normalement devrait à l’avenir relever des autorités locales.
Aussi, les architectes appellent-ils le de ministre l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire à «revoir sa copie». Autrement, menacent-ils, leur prochaine manifestation ils l’organiseront devant le siège du gouvernement à La Kasbah.