Le doyen de l’arbitrage commercial en Tunisie raconte comment il en est venu, presque par hasard, à exercer ce métier. Et à en devenir un grand spécialiste. Paradoxalement, toujours sollicité à l’étranger, mais plus du tout en Tunisie.
WMC : Vous qui en êtes en quelque sorte le «père» de l’arbitrage commercial en Tunisie, comment l’êtes-vous devenu?
Habib Malouche : L’arbitrage commercial et, surtout, l’arbitrage commercial international, a démarré en Tunisie d’une façon concrète en 1974, lorsque la Tunisie a décidé d’adhérer à la Chambre de Commerce Internationale (CCI) de Paris, dont une des grandes sections est celle de l’arbitrage commercial international.
A cette occasion, il a été créé un Comité national à Tunis, présidé à l’époque par feu Mahmoud Zerzeri, mais dirigé sur un plan politique par Hédi Nouira (alors Premier ministre, ndlr) qui voulait concrétiser la libéralisation de la politique économique par l’adhésion à la Chambre de Commerce Internationale.
C’est ainsi que j’ai été amené, bien que fonctionnaire de l’Etat, à participer à la CCI où j’ai été coopté en tant que membre de la Commission de l’arbitrage commercial international à Paris et suppléant de Mahmoud Zerzeri en qualité de membre du Conseil d’administration de cette organisation.
En 1974 il y a eu le boom du pétrole. Ses prix ayant augmenté, les pays arabes ont engrangé beaucoup d’argent, et ont commencé à investir. Or, là où il y a investissement il y a forcément litige. C’est pour cette raison que certains émirs arabes ont demandé à la CCI d’avoir un arbitre arabe. Celle-ci m’a alors demandé d’être arbitre international. Ce que j’ai refusé dans un premier temps parce que le fonctionnaire, économiste, et docteur en sciences économiques de la Faculté de droit de Paris que j’étais ne connaissait pas ce monde-là .
Comment alors avez-vous changé d’avis pour finalement accepter la proposition?
Parce que feu Hédi Nouira m’a dit que ce n’est pas Habib Malouche qui a été désigné mais la Tunisie, et que je devais participer activement aux travaux des commissions –y compris bancaire, parce que c’est moi qui ai créé l’Association Professionnelle des Banques en Tunisie.
J’ai donc accepté tout en formulant des réserves auxquelles les gens de la CCI ont répondu en me disant qu’ils allaient mettre en place un programme de séminaires d’initiation à l’intention des nouveaux arbitres.
Depuis, j’ai suivi des dizaines –voire plus- de séminaires internationaux pour apprendre l’arbitrage commercial international. C’est pour cette raison qu’on prétend que je suis l’initiateur, le «père», de cette discipline. Béji Caïd Essebsi a d’ailleurs dit il y a une année que Habib Malouche est le doyen de l’arbitrage commercial international.
La Tunisie a véritablement brillé dans ce domaine par quatre ou cinq arbitres, qui sont devenus des arbitres internationaux. Personnellement, la CCI m’a proposé depuis des arbitrages, dont une partie en arbitre unique, ce qui est une grande confiance de cette instance, surtout que je suis arabe.
D’ailleurs, lorsque j’avais été désigné président du premier tribunal arbitral –j’ai effectivement été le premier arbitre arabe à présider un tel tribunal- beaucoup de barreaux se sont étonnés, se demandant qui j’étais pour pouvoir assumer cette fonction.
A ce titre, j’ai notamment eu à arbitrer dans une grande affaire, celle du Transgabonais. Depuis et jusqu’en 1992, la CCI et à chaque fois qu’elle a eu une affaire d’une certaine importance et nécessitant du doigté m’a chargé de la résoudre.
Grâce à Dieu, j’ai pu introduire d’autres collègues dans ce circuit et même initier de grands juges tunisiens à l’arbitrage commercial international.
En Tunisie, j’ai contribué à l’élaboration du code tunisien de l’arbitrage commercial, dans le cadre d’une commission qui a travaillé de 1989 à 1993, année de promulgation de ce texte.
Propos recueillis par Moncef Mahroug