Sur le chemin de retour d’une randonnée dans l’archipel des “îles Kneiss”, la forteresse byzantine de “Younga” (borj Younga) à Mahres et le site archéologique romain de Thyna, situés au Sud de la ville Sfax, s’entremêlent le sentiment d’appartenance ancrée dans la profondeur des civilisations à celui du regret de voir l’état lamentable auquel sont réduits ces sites archéologiques.
Un groupe de journalistes et photographes a effectué une visite le temps d’une journée organisée par la manifestation “Sfax Capitale de la culture arabe 2016”, dans le cadre du concours de photographie baptisé “Sfax Massarat” qui vise à valoriser le patrimoine matériel et immatériel de la région.
La vadrouille était une découverte de sites archéologiques de grande richesse historique et culturelle en proie à la négligence et à l’absence d’un circuit culturel et touristique susceptible de permettre aux visiteurs de tous bords et aux touristes de s’y rendre et de découvrir la richesse d’une partie de l’histoire du pays.
Ces lieux de mémoire sont des ruines de temples, demeures, églises et mosquées, bains maures (Hammams) et bassins construits par les ancêtres, pendant les époques successives des civilisations libyque, punique, romaine, vandale et byzantine et plus tard avec les arabes et sous le règne des Aghlabides.
Cet héritage considérable dans ces régions qui s’étendent sur toute la côte sud du gouvernorat de Sfax avec plus de 90 kilomètres, témoigne des gloires et de la dynamique ayant caractérisé cette partie de la Tunisie, avant que peu à peu ne s’éteigne tout signe de vie, pour lentement se transformer en une zone déserte vouée à l’oubli.
Même les fouilles menées auparavant- notamment sur le site de “Younga” et les “îles de Kneiss”- se sont arrêtées depuis longtemps laissant ces sites de nouveau voués à l’oubli. Pourtant, les archéologues -dont la plupart sont des étrangers- cherchaient à porter à jour des trésors culturels méconnus, mal ou peu connus.
A la lumière du paysage d’abandon qui enveloppe ces sites, Nebil Ben Mabrouk, conservateur conseiller en patrimoine relevant de l’Institut national du patrimoine (INP) a souligné que “les vestiges du monastère et le bassin sur l’île centrale du site des ” îles Kneiss” qui remontent à l’époque vandale, sont encore submergés par les eaux”.
Il a, toutefois assuré que l’INP avait auparavant intervenu pour l’entretien de la forteresse et de certains monuments historiques de la ville de “Younga”. Mais le site se trouve actuellement dans un état lamentable, surtout avec les roches éparpillées aux alentours de la forteresse- notamment au niveau de sa principale et unique entrée – ainsi que dans le bassin qui bien qu’étant bien construit, a subi les dégâts et risque de disparaitre à cause des quantités de roches et du sable.
Nebil Ben Mabrouk a raconté l’histoire de Younga en tant que ville qui a été témoin de ces valeurs de coexistence, cohabitation et tolérance entre les communautés des différentes religions qui se sont succédé. Eglise, mosquée et mausolée cohabitent sur le même lieu de Younga qui abrite une mosquée construite à l’intérieur de la forteresse militaire byzantine, le mausolée du “Sidi Ahmed Absa”, de son vrai nom “Abi khareja Ibn Anbassa Ben Abi Khareja Ghaafiqi”. A l’époque des conquêtes islamiques, ce saint venu de la Péninsule arabique s’y est installé et le mausolée où repose sa tombe est devenu un lieu de pèlerinage et une composante essentielle de la ville qui abrite également d’autres monuments historiques qui ont été bien conservées sous le règne des musulmans.
L’ultime étape de ce petit périple, a mené le groupe vers le site historique de Thyna, qui s’étend sur une superficie de 200 hectares, selon les historiens. Une fois arrivés sur les lieux, le premier constat est que l’abandon n’a pas exclu le lieu, malgré le phare qui triomphe au centre du site et sa célèbre boussole.
La ville de Thyna offre à voir une scène archéologique variée avec ses bains maures, maisons romaines et une arène de combat ainsi que ce mur de 3750 mètres qui protégeait la ville avec des synagogues et églises durant toute la période qui s’étalait entre les 5ème, 6ème et 7èmes siècles avant J.C.
L”image négative que dégage l’état des monuments archéologiques abandonnés et l’absence de fouilles, de restauration, de conservation et d’entretien du site- d’une ville qui était à l’apogée de la prospérité aux 2èmes et 3èmes siècles avant J.C-, se contredit avec le contenu des dépliants officiels qu’on distribue.
Idem pour les stratégies culturelles nationales annoncées qui parlent d’”un projet d’entretien du site archéologique de Thyna dans le cadre d’une stratégie, mise en oeuvre par l’INP, visant à valoriser la région et à l’intégrer dans tout un système environnemental, culturel et de réhabilitation territoriale”.
Même si le discours officiel évoque l’ “intégration des îles Kness au sein des régions protégées dans le bassin méditerranéen”, la visite des lieux ne laisse voir que cet état sauvage du lieu et l’absence totale de l’Etat.
La situation des sites historiques et archéologiques abandonnés s’étend également à d’autres sites et circuits culturels à l’instar du circuit Brarus, circuit de la rue ” Cheikh Tijani ” dans la médina de Sfax, protégé par une forteresse, elle-même menacée de disparition en l’absence de travaux de restauration.
Crédit photo Zaher Kammoun