L’industrie automobile aurait un pouvoir structurant sur l’économie nationale. C’est, en toute vraisemblance, le levier d’avènement du nouveau modèle économique. Il n’y a plus qu’à appuyer sur le champignon.
Vendredi 3 courant, s’est déroulé l’exposé public de l’étude «Le développement de l’écosystème de l’automobile en Tunisie», par son auteur, Andreas Paulicks, consultant allemand. Cette étude a été financée par la coopération allemande (GIZ).
Ziad Laadhari, ministre tunisien de l’Industrie et du Commerce a assisté à cette manifestation. Etaient également présents Raouf Ben Debba, président de la Chambre tuniso-allemande de l’industrie et du commerce (AHK), ainsi que Nebhène Bouchaala, président de la Tunisian Association Automotive (TAA).
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A rappeler que l’ATA ou TAA a été créée en février 2016 par le groupement des équipementiers, pour aider à l’émergence d’une synergie pour l’industrie des composants auto.
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En tandem avec l’AHK, elles ont été les chevilles ouvrières, des moult interviews et sondages, nécessités par l’étude, auprès des 229 entreprises opérant dans le secteur. Ces dernières emploient 80.000 personnes et totalisent 5,6 milliards de dinars tunisiens pour l’année 2016.
C’est un beau dispositif mais il est éparpillé. Ce n’est donc pas un levier d’attractivité. Les deux constructeurs français, Renault et PSA, devaient à l’origine se délocaliser en Tunisie, mais au bout du compte nous ont préféré le Maroc. Les raisons ont bel et bien été exposées par Andreas Paulicks. Mais d’abord revenons sur le cadre de l’étude. Celle-ci a été bordée par deux interrogations majeures. La première était de savoir si au vu de l’état des lieux, de grandes entreprises pouvaient se délocaliser en Tunisie. La seconde s’emboîte à la première parce qu’elle se penche sur les moyens de renforcer l’attractivité du site tunisien si la réponse est négative.
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Deux pistes de prospection
Andreas Paulicks a focalisé son travail sur deux pistes précises. La première est celle de la physionomie des clusters qu’il convient de promouvoir pour conforter un écosystème dédié. La seconde est celle des Fournisseurs d’équipements d’origine (FEO).
Compte tenu des dotations nationales et des têtes de ponts en place, l’auteur recommande quatre “Topics“: l’industrie électrique, l’électronique, les éléments d’intérieur et les véhicules utilitaires.
Il convient de souligner que ces éléments sont des pistes nobles. A titre d’exemple, les faisceaux électriques sont le troisième poste de valeur sur un véhicule, après la carrosserie et le moteur. La Tunisie y a enregistré une avancée confortable. Et le mérite revient au groupe COFICAB qui a lancé cette industrie en optant pour un choix audacieux de full process, d’entrée de jeu. En réussissant à rendre captive la totalité de la chaîne de valeur, il a décidé les autres marques internationales à le suivre et se délocaliser en Tunisie.
La deuxième piste, celle des FEO, est facile à résumer. Elle focalise sur la chaîne logistique car elle exige un port en eaux profondes. De plus, il lui faut une zone franche de proximité. Autant les filières de clusters sont déjà amorcées, autant celles de FEO sont inexistantes. Au mieux, elles sont en projet. Le port en eaux profondes d’Enfidha va démarrer fin 2018. La zone franche peut être prête, en parallèle. Et à bien examiner l’expérience marocaine, l’affaire se résume aux mêmes ingrédients, à peu près.
On doit à la vérité de rajouter quelques autres éléments. Dans le cas de Renault-Maroc, le royaume participe pour moitié dans le capital du projet. En plus, l’alimentation en électricité du site est faite avec de l’énergie renouvelable. C’est bien vu. Mais l’ennui dans le cas tunisien est que les conclusions de l’étude nous sont connues depuis au moins 2007. A cette date, Volkswagen, cherchant à se délocaliser, hésitait entre deux sites, la Tchéquie et la Tunisie. Il se trouve que la chaîne logistique de Tchéquie était plus compétitive de 24 heures. On connaît la suite: on n’a pas accueilli Volkswagen pas plus qu’on n’a réalisé le port en eaux profondes ni la zone franche. Voilà, la messe est dite.
Alors quand Zied Laadhari soutient que le pays possède une expérience significative, une infrastructure développée et une facilité logistique, il se tient à côté de la réalité.
Par ailleurs, le ministre dit aussi que la vision s’est dégagée pour l’industrie auto. Mais l’intérêt à l’heure actuelle n’est plus de se donner une vision mais bien une feuille de route. Elémentaire!
Se contenter d’un constructeur low cost
La Tunisie peut-elle accueillir un constructeur automobile international, dans les conditions actuelles? La question mérite d’être creusée, laisse entendre l’auteur de l’étude. Et d’expliquer que les grands mouvements structurels sont les suivants. Les constructeurs européens cherchent à prendre pied sur les marchés asiatiques pour bénéficier de leur expansion. A l’inverse, les constructeurs indiens et chinois, surtout pour leurs modèles low cost, voudraient débarquer en Europe. Il est plausible que ces flux pourraient être captés par la Tunisie.
Mais l’engagement allemand dans l’étude ne signifie-t-il pas une promesse en filigrane pour préparer la délocalisation d’un constructeur allemand? La question mérite d’être explorée, soutient Andreas Pailicks.