L’entrée en vigueur de la police environnementale tunisienne était était prévue pour le 2 janvier 2017, mais pour des raisons de logistique, la date a été reportée pour mars prochain. “Tout a été fait pour que ce nouveau corps de police voie le jour”, selon Pourtant, selon le secrétaire d’Etat à l’Environnement, Chokri Ben Hassen, avec l’organisation des sessions de formation au profit des agents qui intégreront ce corps. Axées sur la santé environnementale, la lutte contre la pollution et les constructions anarchiques et plusieurs autres aspects juridiques, ces formations ont été assurées par des experts dans ces domaines.
Cependant, les citoyens, pourtant autant concernés par la pollution que les entreprises et les institutions publiques, le département des Affaires locales et de l’Environnement les a tout simplement ignorés.
“J’ai hâte de les voir sillonner les rues de la capitale sur leurs motos et verbaliser les gens”, s’enthousiasme Samia, une mère au foyer habitant à la Cité Intilaka, avant d’interroger, hésitante, la journaliste de l’Agence TAP, “C’est bien ça? C’est sur des motos qu’ils vont contrôler les quartiers?”
Dans le Grand Tunis, une des villes où sera installée, prioritairement, la police de l’environnement, il n’y a aucune affiche annonçant l’entrée en service imminente, de ces brigades de l’environnement. Aucun signe de sensibilisation des habitants de la capitale, quant à la méthode de travail des brigades vertes, n’a été constaté.
La mise en place de ce corps se fera progressivement, d’après la direction des collectivités locales, dans 34 municipalités du Grand Tunis, 20 municipalités dans les chefs-lieux des gouvernorats et 20 autres municipalités à forte densité de population et à vocation touristique, soit dans un total 74 municipalités du pays.
Comment vont-ils agir avec les citoyens contrevenants? Seront-t-ils capables de mener à bien leur mission dans un contexte de post-révolution toujours délicat et avec la prolifération inquiétante des déchets partout? Ces questions restent sans réponses claires pour les citoyens en l’absence de campagne de sensibilisation.
Abdelhamid, épicier à la Cité El Omrane Supérieur n’a qu’une idée confuse de ce nouveau métier qui verra bientôt le jour. “Ça peut être bien comme ça peut être mal, je ne sais pas”, a-t-il marmonné.
Son voisin, qui balaie devant son garage n’en a eu, lui aussi, que des échos. ” J’ai entendu parler de cette police de l’environnement, mais je ne sais pas grand-chose, pourquoi vous demandez? Vous travaillez avec eux ?, s’interroge le vieil homme, qui tentait de jeter, subrepticement, l’amas d’ordures ramassées, dans le caniveau.
Craintes de voir se démocratiser la corruption
Certains qui travaillent, au sein même des municipalités, craignent de voir se démocratiser la corruption, d’autant plus que les sanctions et les amendes vont toucher presque toute les catégories sociales, d’où les risques de chantage et de harcèlement.
Ce risque de voir se répandre le fléau des pots-de-vin (rachwa) est fortement probable, dans un secteur où il y a une forte suspicion de corruption, surtout que plusieurs agents de la police municipale vont intégrer le corps de la police de l’Environnement. Selon une étude du bureau d’études et de sondage “One to One” publiée en 2016, les conseillers communaux (membres du conseil municipal chargé de régler par ses délibérations, les affaires de la commune) viennent en deuxième position, sur le podium des métiers les plus corrompus.
Le gouvernement de Habib Essid avait déjà pris la décision, lors d’un conseil ministériel tenu le 1er juillet 2015, de dissoudre 25 conseils municipaux et de les remplacer progressivement par des délégations spéciales (23) et ceci pourrait aider à rendre plus efficaces ces structures et aussi lutter contre la corruption dans le secteur, dans l’attente de l’organisation des prochaines élections municipales en 2017.
Selon un agent de la police municipale, dans la capitale, qui a requis l’anonymat, une grande majorité de ce corps est responsable de la prolifération des constructions anarchiques dans les villes, à cause des arrangements avec les propriétaires des logements et des terrains à bâtir.
Cet agent, qui a suivi une formation pour devenir un policier de l’environnement, estime “qu’il faut contrôler la police environnementale et aussi; s’assurer que les procès-verbaux que les agents relèvent soient suivis et appliqués pour pousser les citoyens à respecter la loi et leur inculquer le sens du civisme”.
“Nous allons faire notre travail et rédiger des procès-verbaux, mais qui garantira, après, leur mise en application?” se demande t-il.
Dans les années 60, la Tunisie disposait de sa police de l’environnement
Un paysagiste à la retraite a déclaré à l’agence TAP que la Tunisie disposait, en 1966, de brigades vertes appelées “Boulis lahchich” en arabe (police de l’herbe), en allusion à leur mission de protéger les espaces verts et d’empêcher toute dégradation de l’environnement.
Ces policiers étaient appelés ainsi, parce qu’ils s’habillaient en vert et contrôlaient, surtout, le parc du Belvédère, poumon de la capitale de Tunis.
Selon lui, l’objectif de la mise en place de la police de l’environnement, ne doit pas être répressif, du moins, au début. “L’objectif n’est pas de sanctionner les gens, mais plutôt de leur inculquer le sens du civisme avant de verbaliser. Il faut que cette police agisse d’une façon préventive durant 6 mois et travaille sur la sensibilisation des citoyens pour établir après un barème pour les infractions “, propose ce connaisseur du paysagisme et de l’art de “verdir” les villes.
“Il faut s’attaquer, avant l’embellissement des villes, à trois nuisances: visuelle, sonore et olfactive. Car la beauté de la ville touche à tout ce qui améliore la qualité de vie et la rend un milieu agréable à vivre “, insiste-t-il.
L’historien Abdessattar Amamou se souvient de cette police qui faisait partie de la Direction de la “Dhabtia” (police) et qui surveillait les espaces verts au Parc du Belvédère comme au jardin du Bardo. “Hélas, la Tunisie était beaucoup plus propre à cette époque (les années 60), qu’aujourd’hui”, regrette Amamou.
Une loi qui promet beaucoup, si elle est rigoureusement appliquée
Une fois sur le terrain, les agents de la police de l’environnement agiront dans le cadre de la loi numéro 6 du 30 avril 2016, conformément à laquelle, ils seront habilités à donner des contraventions à celles et ceux qui ne respecteront pas les règles d’hygiène. Ladite loi prévoit une amende allant de 300 à 1.000 D, en cas de violation des règles spécifiques d’hygiène et de propreté publiques (article 10 de la loi). Cette amende doit être versée auprès de la recette des finances, dans un délai ne dépassant pas les 15 jours.
Conformément à cette loi, il est interdit de “déverser sauvagement des déchets assimilés aux ordures ménagères, issus des établissements, entreprises et locaux destinés à l’exercice d’activités commerciales, artisanales ou touristiques, ou leur dépôt dans des récipients non conformes aux normes fixées par la collectivité locale concernée ou dans des lieux qui ne leur sont pas réservés “.
L’installation anarchique interdite !
L’article 10 de cette loi stipule que l’installation anarchique est interdite. En vertu de cet article, la police environnementale est habilitée à saisir immédiatement, la marchandise exposée et à détruire celle qui s’avère non conforme aux normes sanitaires. Cependant, les marchandises comestibles sont mises à la disposition des organismes publics en charge de la solidarité sociale, et ce, en vertu d’un arrêté du gouverneur de la région.
Les procès-verbaux dressés et signés par les agents mentionnés à l’article 3 (nouveau) de la présente loi sont transmis au procureur de la République auprès du tribunal territorialement compétent. Article 10 (dernier paragraphe). Le président de la collectivité locale intéressée, prend une décision de fermeture temporaire du local dans lequel le délit a été commis et de saisie des équipements utilisés jusqu’à la cessation de l’infraction.
Les Tunisiens ne savent pas encore si la vocation de cette police sera préventive ou répressive. Mais, ils partagent, peut-être, la même aspiration : voir la loi et les règles d’hygiène respectées et les villes tunisiennes plus agréables à vivre.