Noureddine Zekri, ancien secrétaire d’Etat à la Coopération internationale et aux Investissements extérieurs, n’a pas été choisi par hasard pour présider aux destinées de la Banque Maghrébine de l’Investissement et du Commerce Extérieur (BMICE).
L’homme est non seulement rompu, de par son long parcours dans l’administration publique et dans les échanges commerciaux à l’international, à la gestion des relations avec aussi bien les investisseurs internationaux que les bailleurs de fonds (il a été aussi PDG de la FIPA), mais il a une connaissance des mécanismes adoptés par les bailleurs de fonds pour investir et s’investir avec leurs partenaires.
«Nous axerons nos activités sur les secteurs productifs, ce qui ne veut pas dire que nous négligerons notre vocation première qui est le financement de grands projets d’infrastructure dont le rôle sera de consolider les connexions entre les différents pays maghrébins. Nous ambitionnons d’être l’organisme de référence pour ce qui est des projets intégrés, et nous y travaillons avec tous les bailleurs de fonds et tous nos partenaires», a-t-il déclaré de manière informelle à WMC.
Les organismes internationaux qui travaillent sur la zone Maghreb ont d’ores et déjà mis en place des programmes d’intégration régionale. C’est le cas de l’Union européenne qui a programmé, depuis 2012, un budget énorme pour les programmes d’intégration régionale; c’est également le cas de la BAD, pareil pour la BID, l’Agence arabe de Développement de commerce qui est prédisposée à soutenir les efforts de la BMICE.
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«Nous finançons les projets d’intérêt commun. C’est un terme qui peut revêtir différentes dimensions. Dans notre cas, il peut s’agir d’un même capital, une matière première maghrébine qui profite à d’autres pays, une technologie made in Maghreb, ou encore d’un pilote dans l’un des pays maghrébins duquel profiterons tous les pays de la région. Il faut reconnaître qu’une mise à niveau est importante entre nos 5 pays. Car ils ne sont pas tous au même niveau de développement».
Nombre de produits existent dans notre région, pourtant on les importe d’ailleurs
La BMICE a identifié les déséquilibres entre différents pays, les produits fabriqués au niveau de chaque pays, ceux importés et ceux exportés: «nous avons procédé à des croisements et nous nous sommes rendus compte que malheureusement nombre de produits existent dans notre région mais sont importés d’ailleurs. Il y a des besoins énormes au niveau des produits pharmaceutiques et agroalimentaires et même, fait étonnant, en matière d’hydrocarbures. Certains des pays maghrébins importent 90% de leurs besoins en hydrocarbures alors que nous devrions, de par les ressources qui existent chez nous, être autonomes».
Les opportunités existent donc pour créer des unités de production et de raffinage pour satisfaire la demande du marché maghrébin.
Pour Noureddine Zekri, il s’agit d’être proactif en identifiant des opportunités et en les traduisant par des projets. «Nous sommes décidés à associer tous les opérateurs des pays maghrébins ainsi que les décideurs publics. J’ai discuté avec Madame la ministre de l’Energie à ce propos et elle a proposé nombre de pistes de partenariats importants dans le secteur des énergies renouvelables. En associant les pouvoirs publics au secteur privé, nous allons pouvoir réaliser des projets, passer à l’acte et ne pas nous limiter aux discours».
Les pôles privés, les patronats, les grands groupes… auront un rôle important à jouer à ce niveau. La BMICE est toute disposée à les accompagner soit par ses propres moyens, soit par la mobilisation des ressources auprès de ses partenaires bailleurs de fonds qui sont disposés à financer dans leur totalité les projets viables. «Au Fonds arabe pour le développement économique et social (FADES), on m’a signifié clairement qu’ils étaient preneurs à 100% de tout projet solide et porteur. Et pas seulement, l’Europe est partante à 100% parce qu’elle estime que le Maghreb est un grand marché qui peut être un partenaire de taille, économiquement et politiquement, à condition qu’au moins l’intégration économique réussisse. Et personnellement j’y crois».
Aujourd’hui, les investisseurs tunisiens qui sont partis investir en Algérie et au Maroc n’ont pas attendu qu’il y ait une entente politique parfaite entre leurs pays et cela va dans tous les sens et que l’environnement politique s’améliore.
«Rappelez-vous, il y a quelques années alors que certains opérateurs français cherchaient à délocaliser leurs activités sur d’autres pays, une campagne sans pareille avait eu lieu sur l’Hexagone. Cela n’a pas empêché la Tunisie de recevoir le plus grand nombre d’entreprises françaises à l’époque».
Il est utile de rappeler à ce propos que parmi les fleurons des industries automobiles en Tunisie, il y en a qui se sont implantées au Maroc dont One Tech, et le groupe Elloumi. Et la liste est longue quoique d’un pays à l’autre les procédures légales diffèrent et là où tout est facilité pour drainer les investisseurs, ailleurs, la complication des réglementations les fait plutôt fuir.
«Notre rôle est aussi d’harmoniser les réglementations, accompagner les investisseurs et faciliter l’implantation. Si obstacles il y a, nous discutons avec les autorités sur place pour trouver des portes de sortie. Je ne pourrais personnellement pas me délester facilement de ma casquette FIPA, devenue aujourd’hui maghrébine. J’essayerais dans le cadre des prérogatives qui me sont attribuées de faire de la promotion et de faciliter les contacts entre pouvoirs publics et investisseurs privés».
Ceci sans oublier l’activité bancaire, première vocation de la BMICE. Noureddine Zekri est bien décidé à batailler pour l’harmonisation de toutes les réglementations dans le secteur financier, celui des échanges et même aller jusqu’à standardiser les normes s’agissant de certains produits comme ceux se rapportant aux produits pharmaceutiques. «Si nous voulons réussir l’intégration inter maghrébine, il faut oser ces initiatives. Nous avons d’ailleurs convenu avec la direction de la BAD de consolider encore plus les programmes d’intégration qui figurent parmi les missions les plus importantes auxquelles s’attellent notre banque à son plus haut niveau».
La BMICE veut axer sa mission sur différents niveaux: l’encadrement et l’encouragement de la libre circulation et l’implantation des opérateurs privés dans les différents pays maghrébins, la récolte des financements pour les produits structurants et de développement et l’harmonisation des réglementations pour avancer plus rapidement et plus sûrement dans un espace socio-économique qui intéresse autant les partenaires européens qu’américains et asiatiques.
«Mon sentiment est que nous ne trouverons pas de problèmes dans la mobilisation des ressources pour donner un saut qualitatif et quantitatif aux projets inter maghrébins. Nous bénéficions d’une grande confiance de la part des bailleurs de fonds internationaux. Toutes les banques de développement sont prêtes à nous aider et à soutenir nos efforts. Nous sommes en train de nous outiller sur le plan technologique (système d’information, fibres optiques, centrale risque) pour être dans l’ère du temps avec une politique des risques au top des standards internationaux. Nous allons proposer, lors de l’assemblée générale, aux gouvernements des modifications au niveau de la gouvernance pour avoir la possibilité de hisser notre banque vers des niveaux de notation appréciables à l’international. C’est très important pour nous».
Les notations sont déterminantes dans le positionnement des banques à l’international, elles permettent d’évaluer la capacité d’un contractant à honorer le service de sa dette, elles permettent de mesurer la qualité des crédits accordés à l’échelle régionale et à l’échelle l’international.