Le gouvernement devrait peut-être donner toutes les informations sur les indicateurs économiques au peuple pour que chaque citoyen tunisien soit édifié sur la réalité économique du pays et assume son rôle dans son sauvetage et son redécollage. C’est ce qu’a déclaré Wided Bouchamaoui, présidente de l’UTICA, lors d’une rencontre avec les représentants de la presse, samedi 18 février. «Le peuple tunisien n’est pas conscient de la réalité dramatique que nous vivons aujourd’hui même si nous voulons être optimistes et si nous sommes décidés à œuvrer pour une relance réelle de notre économie».
Le peuple tunisien a cru à toutes les promesses invoquées lors du Forum de l’investissement Tunisie 2020. Mais est-il conscient que ces promesses ne pourraient être honorées de bout en bout que sous certaines conditions?
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Plus de visibilité quant aux projections économiques du pays pour les prochaines années, c’est ce à quoi s’attendent les bailleurs de fonds internationaux, en premier le FMI, la Banque mondiale et les autres institutions financières.
Il faut reconnaître que la situation économique de la Tunisie n’est pas des plus reluisantes: un manque de visibilité, des lois pénalisant les entreprises exportatrices qui ont boudé les extensions projetées en Tunisie pour aller s’implanter au Maroc et en Serbie. Ceci sans oublier l’impôt supplémentaire de 7,5% à titre exceptionnel pour cette année en guise de soutien au budget de l’Etat. Et aussi la montée en flèche des importations et principalement en provenance de Turquie et de Chine qui nuisent gravement aux produits nationaux et causent de graves préjudices à la balance commerciale.
Selon les informations publiées par l’INS, «le déficit de la balance commerciale a atteint les 12,62 milliards de dinars tunisiens fin 2016 contre 12,04 milliards de dinars fin 2015. Les exportations ont été de l’ordre 29,145 milliards de dinars en 2016, contre 27,607 milliards de dinars en 2015, affichant une hausse de 5,6%, mais ce sont les scores des importations qui semblent les plus inquiétants car elles ont atteint 41,766 milliards de dinars contre 39,654 milliards de dinars sur la même période de référence, enregistrant ainsi une augmentation de 5,3%». C’est trop dans un pays en manque de devises.
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«Je suis effondré face à cette destruction systématique de notre tissu industriel et surtout de nos entreprises à l’export. Je ne sais pas si c’est fait par inconscience ou de manière délibérée, toujours est-il que même les textes d’application censés simplifier et expliciter la loi sont devenus des sujets de tracasserie pour les opérateurs. Dans notre pays, il est devenu plus facile d’importer que d’exporter. Pire, nous assistons impuissants à la chute libre de la valeur travail, à l’absence de discipline et à la disparition de toutes les expressions de civisme et de valeurs citoyennes», a déploré Nafaa Naifer, responsable de la commission économique à l’UTICA.
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La croix et la bannière pour les exportateurs
En fait, aujourd’hui, c’est la croix et la bannière pour les exportateurs. «Au lieu d’encourager les industriels à s’approvisionner sur le marché local pour exporter, c’est le contraire qui se passe».
D’ailleurs, précise la présidente de l’UTICA, nombre d’entreprises qui comptaient s’implanter dans notre pays ont annulé leurs projets, d’où la nécessité de faire preuve de plus de souplesse, plus d’efforts dans l’interprétation des textes de loi par les administratifs, qui devrait être plus engageante pour les opérateurs, et surtout plus de patriotisme. La Tunisie ne pouvant souffrir aujourd’hui la complexité des procédures et réglementations.
Le gouvernement, sorti sur les marchés financiers pour lever un milliard d’euros, n’a réussi à décrocher que 850 millions d’euros et à un taux d’intérêt élevé. Un coup dur pour le capital confiance dont aurait dû bénéficier la «première démocratie arabe». La marge de manœuvre de gouvernement s’en trouve réduite et pèse de tout son poids sur la capacité des acteurs locaux dans la redynamisation et la relance de l’économie.
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«Lorsque nous créons des entreprises, nous créons aussi des richesses et des emplois pour notre pays et nous prenons des risques. Comment réussir cette gageure lorsque les lois sont ambiguës, le gouvernement manque de pouvoir décisionnel et le climat d’affaires reste flou. Entendons-nous bien, nous ne sommes pas réticents quant à une participation concrète dans la relance économique. La preuve, nous sommes les seuls à avoir entériné la décision gouvernementale d’un impôt supplémentaire de 7,5% pour l’année en cours. L’Etat doit aussi s’engager à offrir les conditions nécessaires pour l’essor du secteur privé. Nous ne le répéterons jamais assez, la Tunisie n’a jamais autant souffert du mal du marché parallèle (53%). Je citerais aussi une concurrence accrue de la Turquie et de la Chine», a relevé la présidente du patronat.
Mme Bouchamaoui a rappelé que si l’accord de Carthage avait été respecté à la lettre par les signataires, peut-être que la situation du pays aurait été meilleure aujourd’hui grâce à l’appui qu’auraient apporté les partis politiques au pouvoir exécutif. Aujourd’hui, fait étonnant, les décisions du gouvernement sont presque automatiquement remises en cause à l’ARP. «Il est regrettable que malgré les efforts fournis par les uns et les autres, nous options pour des critiques destructrices et nous semions les doutes sur les réussites, nous axions nos regards sur les échecs. Malgré toutes les difficultés, nous, entreprises tunisiennes, sommes toujours prêtes à investir et à oser. Nombre d’opérateurs attendent que les entraves administratives soient levées pour lancer leurs projets dans les régions. Nous le faisons avec force conviction partant d’un sentiment patriotique ancré au plus profond de nous-mêmes. Mais ceci, on n’en parle pas».
La Tunisie n’est donc pas encore sortie de l’auberge et le gouvernement a du pain sur la planche pour reconquérir la confiance des investisseurs nationaux et étrangers. Plus encore, il doit assurer son rôle en tant que garant du droit au travail et mettre fin au laxisme, à la paresse et à l’indiscipline qui règnent dans nombre d’administrations publiques. En un mot : l’Etat doit sonner la fin de la récréation.
En attendant et pour terminer sur une notre «positive», les projections de la BM restent optimistes pour les années 2017, 2018 et 2019, affichant un taux de croissance croissant d’une année à l’autre pour atteindre respectivement 3%, 3,7% et 4%. Le rapport de la BCT projette quant à lui une croissance économique «estimé aux prix constants 2010 qui devrait se maintenir en 2016, sur une trajectoire légèrement ascendante avec un taux annuel de 1,3%, contre 1% en 2015, avant de passer à 2,3% et 2,8% en 2017 et 2018 respectivement».
Croisons les doigts mais ne comptons pas sur des taux de croissance aussi faibles pour créer des emplois et des richesses.