C’est toujours le cloisonnement économique qui prévaut dans la région. Le rêve de complémentarité ne se réalisant toujours pas, semble s’évaporer.
Les nationalismes empêchent-ils toute tentative d’intégration maghrébine? Cela semble être la réalité du moment. On a bien vu que Renault Maroc s’approvisionnera en composants auto fabriqués sur place. Les pays maghrébins achètent leur pétrole, à plus de 80% de leurs approvisionnements, en dehors du Maghreb. La perspective d’intégration économique du Maghreb, en dépit d’opportunités réelles considérables, est une perspective qui est en train de s’éloigner. Et pourtant, les opérateurs économiques continuent à croire en la venue d’un Maghreb économique. C’est ce sentiment, dirions-nous paradoxal, car loin d’être corroboré par une dynamique d’intégration palpable, tangible, mesurable, qui prévaut dans les milieux d’affaires et notamment de la matinale du CEPEX du vendredi 17 courant, avec pour thème “Exporter sur l’Algérie“.
L’affectio societatis fait-il défaut?
Il y a longtemps, des économistes ont parlé d’un déficit de croissance général aux pays de la région pour tribut du non Maghreb. Ainsi, deux points de croissance et des dizaines de milliers d’emplois partaient en fumée à cause de la non-intégration maghrébine. Les Maghrébins acceptent d’être moins nantis, en continuant à faire cavaliers seuls que d’être plus riches en étant ensemble. Allez comprendre. Cela ressemble à du cynisme économique.
La BAD fait savoir qu’elle a mobilisé un encours, à peine entamé, de 500 millions de dollars, soit 1,2 milliard de dinars tunisiens. Et les projets régionaux identifiés par la Banque sont en stand-by.
L’Union européenne, le premier partenaire de la région, est elle aussi victime du mirage de l’intégration. Elle a budgétisé un fonds de 1,2 milliard d’euros, soit la contrevaleur de 3 milliards de nos dinars, à destination des projets d’intégration qui ne manquent pas. C’est une somme! Et elle est toujours en attente d’affectation. Toutefois, on préfère nuancer l’observation à propos des intentions européennes.
S’exprimant chez l’ATUGE, l’actuel gouverneur de la BCT disait, il y a quelques années de cela, que le partenariat avec l’UE a sacré le principe du chacun pour soi chez les pays de la région. En connaissance de cause, donc, les Maghrébins joueront perso renonçant à la perspective d’un marché global et de la masse critique qui leur aurait procuré un pouvoir de négociation considérable.
Afif Chelbi, ancien ministre de l’Industrie, partageait le même constat, à la même époque, soutenant: “Je ne vois rien venir sur les dix prochaines années à l’échelle du Maghreb“. Il faut croire que les nationalismes étouffent tout élan d’intégration en faisant jouer l’instinct de préférence nationale.
Les juristes disent que le sentiment d’affectio societatis est à la base de toute entreprise commune. Il faut croire qu’il fait défaut à l’idée du Maghreb. L’histoire de la BMICE illustre bien la situation. Son capital, qui est de 150 millions de dollars, semble insuffisant au vu des défis du moment. Et puis l’on se demande, après l’échec de la BMCA, s’il fallait redémarrer avec une banque ou un fonds d’investissement. Là où le bât blesse est que les marques de bravoure peuvent être retentissantes. L’on veut pour preuve, le flux de 1,8 million de touristes algériens en Tunisie en 2016.
Tous les planificateurs le disent, la dynamique collective assurerait le Maghreb d’une plus grande chance d’un décollage fort et de la constitution d’une base économique interne, élément de résilience, sans pareil. Qu’est-ce que vous dites de çà?
Le Maghreb s’est fissuré
L’idée du Maghreb a germé, officiellement, avec l’accès des pays de la région à l’indépendance. Puis elle a attrapé le hoquet. Elle a été minée par le contentieux algéro-marocain sur le Sahara Occidental. Et, depuis, le Maroc a pris le large. Il se projette dans les profondeurs du continent africain que dans une hypothétique ramification maghrébine. D’ailleurs, le think tank de l’IACE a intériorisé cette donnée et a travaillé sur un projet dit ATLAS où le Maghreb est reconfiguré à trois pays, seulement. Il n’est plus question que d’Algérie, de Tunisie et de Libye. Dans cette configuration, la Tunisie prend le rôle du moteur central, fédérateur, propulseur. Mais avec une Algérie, en perpétuelle interrogation sur son devenir, une Tunisie en panne de souffle et une Libye qui ne se retrouve pas, de quel avenir en commun peut-on parler?