Le conseil des ministres a décidé, vendredi 24 février, de publier un nouveau décret gouvernemental portant sur le premier logement de manière à permettre aux bénéficiaires du programme d’acquérir un logement selon leurs moyens sans se limiter aux promoteurs immobiliers comme stipulait auparavant.
Ce deuxième décret intervient après les pressions exercées par les députés de l’opposition à l’ARP et plusieurs Tunisiens à travers les réseaux sociaux, lesquels ont évoqué des soupçons de favoritisme.
Ainsi, après l’annonce, jeudi, du retrait de la liste préliminaire des promoteurs immobiliers engagés dans le projet du Premier logement, par le ministre de l’Equipement, Mohamed Salah Arfaoui, le gouvernement a réexaminé le décret n°161 pour l’année 2017 (datant du 31 janvier 2017), relatif à ce programme, qui a suscité une grande polémique en Tunisie.
Le chef du gouvernement Youssef Chahed avait donné le coup d’envoi au projet “premier logement”, le 2 Février à Dar Dhiafa à Carthage. 15 accords avaient été signés par les ministres de l’équipement et des finances, le gouverneur de la (BCT et les banques participant au programme, concernant la gestion du compte consacré au financement “du premier logement”. Le financement de ce projet sera sous forme de lignes de crédits accordés des banques, sous la supervision de la Banque Centrale.
L’Etat a mobilisé une enveloppe de 200 millions de dinars dans le cadre de la loi des finances 2017, “en vue de permettre à une tranche importante de tunisiens d’acquérir un logement”.
Fehri Chaabane, président de la fédération des promoteurs immobiliers avait déclaré qu’environ 1100 logements sont actuellement disponibles et entre 3800 et 4000 autres seront prêts en 2018 précisant que le programme cible environ 6 mille bénéficiaires de 14 gouvernorats.
Arfaoui qui a été convoqué à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) et auditionné, le 16 février 2017, par la commission des Finances, de la Planification et du Développement, avait déclaré à TAP que “cette décision permettra aux bénéficiaires de choisir, librement, le promoteur immobilier pour l’acquisition de leurs logements”.
Non seulement les députés de l’opposition ont accusé le gouvernement de chercher à faire bénéficier certains promoteurs. Ils ont même annoncé l’introduction d’un recours auprès du Tribunal administratif pour l’annulation du décret, de nombreux Tunisiens ont réagi sur les réseaux sociaux et mis en doute ce projet qui continue de susciter un tollé.
Les internautes ont fait le calcul des logements offerts et constaté que ce projet, qui aurait pu représenter une lueur d’espoir pour beaucoup de couples rêvant d’être propriétaires de logements, bénéficie à des promoteurs immobiliers (50 promoteurs) plus qu’aux citoyens, en particulier deux promoteurs influents, en l’occurrence Mohamed Chabchoub (propriétaire de Tawasol Groupe qui détient les sociétés immobilières Jnaynet Monfleury”, “Jnaynet El Manar” et “Jupiter Immobilière”) et le magnat des BTP, Khaled Kobbi (qui possède la société “El Wifek”); sachant que ce dernier avait été condamné, en juillet 2011, à une peine de deux années de prison ferme et à six millions de dinars d’amende, dans une affaire de malversation foncière liée au Pont de Radès.
Sur un total de 5569 logements pour 50 promoteurs, ces deux promoteurs proposent à eux seuls, dans le cadre de ce projet, 2266 logements, dont 1166 habitations pour “Jnaynet Montfleury” et 1100 logements, pour “El Wifek”. soit presque la moitié des habitations mise à la vente. Pourtant, le nombre de promoteurs agrées en Tunisie se monte à 2943, selon le site du ministère de l’équipement.
Le projet du premier logement a été adopté dans le cadre de la loi de Finances 2017 (article 61 de la loi de finances 2017). L’article 61 fixe les critères nécessaires pour faire bénéficier les familles de la classe moyenne, dont le revenu varie entre 4,5 et 10 fois le SMIG, de prêts à conditions favorables (taux d’intérêt de 2% et période de remboursement de 7 ans) à titre d’autofinancement du premier logement (20% de la valeur du logement).
Les députés de l’opposition ont trouvé suspecte la rapidité avec laquelle le gouvernement, qui met souvent beaucoup de temps à promulguer des décrets d’application, a publié le décret de loi concernant le ” Premier logement “, (en un mois).
Le député Mongi Rahoui avait fait part de soupçons de corruption dans les formalités et les choix des promoteurs immobiliers. Il avait souligné que le secteur de l’immobilier est d’ores et déjà en proie à la corruption.
Arfaoui a pour sa part, rappelé que le projet “premier Logement ” constitue un rempart pour les familles tunisiennes contre la hausse des prix de l’immobilier. ” Un moyen de leur permettre d’acquérir leur logement plus facilement “, avait-t-il souligné.
La commission parlementaires des finances, présidée par Rahoui, avait menacé de saisir la justice pour suspendre l’application du décret régissant les conditions d’accès au premier logement, et ce pour non conformité à la loi de finances 2017. Le décret gouvernemental est en contradiction avec l’article 61 de la loi de finances, estime Rahoui.