Fitch Ratings s’attend à ce que les prêteurs multilatéraux restent attachés à la transition en cours en Tunisie. Toutefois, le décaissement reporté, sine die, de la tranche de 320 millions de dollars du FMI, pour des raisons de retard dans les réformes liées à la fonction publique et aux dépenses gouvernementales, “met en exergue les défis de réforme auxquels fait face le gouvernement tunisien et de nouveaux retards de réforme pourraient accroître l’incertitude des perspectives de financement de la Tunisie”, estime l’agence de notation, dans un communiqué publié sur son site, le 10 mars 2017. Elle rappelle, dans ce contexte, que les risques de financement à court terme ont été atténués par l’émission sur le marché international, d’un emprunt obligataire de 850 millions d’euros en février dernier.
Un décaissement au titre du programme tunisien de mai 2016 du FMI, équivalant à environ 320 millions de dollars, était attendu à la suite d’une revue de programme en novembre. Mais, les autorités tunisiennes ont confirmé que le paiement a été reporté en raison de retards dans un certain nombre de domaines, y compris la fonction publique et la réforme fiscale.
L’opposition politique en 2016 a entraîné le retrait du gel des salaires du secteur public dans le budget proposé pour 2017. “Nous nous attendons à ce que la masse salariale soit proche de 15% du PIB d’ici la fin de l’année”, note Fitch Ratings.
Les autorités tunisiennes ont, depuis, engagé un régime de licenciement volontaire pour les fonctionnaires, dont le gouvernement espère retirer au moins 10 000 salariés de la masse salariale publique d’ici 2020. Le gouvernement envisage également la vente d’actions, y compris dans les banques publiques.
Fitch Ratings a fait remarquer, dans son communiqué du 10 mars, que les risques de financement liés aux retards de décaissement (en raison de la non-conformité) ne peuvent pas être écartés et cela “laisse la Tunisie dépendre de financements de marché moins prévisibles ou plus chers “. Une révision réussie après la prochaine visite du FMI, attendue par le gouvernement d’ici fin mars 2017, se traduirait par un décaissement avant la fin du premier semestre de l’année.
Des emprunts équivalant à 7% du PIB en devises pour satisfaire les besoins budgétaires de la Tunisie en 2017. Selon Fitch Ratings, le déficit budgétaire atteindra 6% en 2017 et pour faire face à ses engagements d’endettement, la Tunisie doit emprunter l’équivalent de 7% de son PIB en devises étrangères (sur le marché international) et 2% du PIB sur le marché local.
La Tunisie s’appuie principalement sur des financements multilatéraux pour couvrir l’insuffisance de financement restant, dont le FMI (environ 640 millions de dollars), la Banque mondiale (environ 500 millions de dollars), la Banque africaine de développement (environ 300 millions de dollars) et l’Union européenne (500 millions d’euros). Tous ces bailleurs de fonds pourraient prendre en considération les hésitations du FMI et son prochain verdict, dans leurs prochaines décisions et appuis financiers destinés à la Tunisie.
C’est dans cette optique que l’analyste en économie politique, Asef Ben Ammar, a écrit, dans sa lecture du communiqué de Fitch Ratings, que “l’agence de notation s’attend à ce que les prêteurs multilatéraux vont continuer à soutenir la Tunisie, mais les délais et hésitations du FMI ne peuvent que les interpeller, augmentant ainsi les risques encourus, la vulnérabilité de la situation économique et in fine les coûts de la dette (taux d’intérêt plus importants pour tenir compte des risques)”.
D’après son analyse, “les prêteurs attendent pour voir les décisions du FMI, attendu, les prochains jours à Tunis pour auditer les comptes nationaux, vérifier la gestion du gouvernement actuel”.
Fitch Ratings avait dégradé la note de la Tunisie en “B +” de “BB-” en février en raison de la faiblesse de la croissance économique et des perspectives dans le contexte des risques de sécurité accrus et des retombées sur les finances publiques et extérieures.
L’amélioration de l’appareil de sécurité du pays pourrait contribuer à la normalisation des conditions économiques.
Elle prévoit une accélération à environ 2,5% au cours des deux prochaines années à la lumière d’une hausse de la consommation privée et une reprise prévue des investissements, aidée par l’adoption d’une nouvelle loi sur les investissements en septembre 2016 et par l’élan positif généré lors de la conférence “Tunisie 2020” de l’an dernier.