“La décision prise par la Fédération nationale du Textile (FENATEX), le 11 mars courant, de se séparer de l’UTICA, traduit son malaise profond au sein de l’organisation patronale, en raison d’une quasi insouciance de cette dernière, devant les difficultés que rencontrent les industriels du secteur textile. Ces derniers sont doublement marginalisés, d’un côté par le gouvernement, à cause notamment, des changements successifs des équipes gouvernementales et de l’autre par le patronat qui est loin d’assumer son rôle de défense des intérêts de ses affiliés”, a affirmé, lundi 13 mars, Belhassen Gherab, président démissionnaire de la FENATEX, dans une déclaration à l’agence TAP.
Et d’ajouter “le malaise de la fédération s’est accentué avec l’accord conclu entre l’UGTT et l’UTICA, le 10 mars 2017, concernant l’augmentation des salaires dans le secteur privé de 6%, qui a été signé sans la moindre concertation avec FENATEX, alors qu’elle représente l’un des secteurs stratégiques pour le pays “.
Gherab a en outre, rappelé, que “suite à cet accord, les membres du bureau exécutif de la FENATEX, les présidents des chambres syndicales industrielles nationales et régionales, et les principaux acteurs économiques du secteur, ont tenu samedi, une réunion extraordinaire, suite à laquelle la décision de scission a été prise à l’unanimité”.
“La FENATEX a également, affirmé, suite à cette réunion, que l’accord en question, jugé injustifié et exorbitant n’engage en rien les industriels du secteur, qui ne sont pas en mesure de l’appliquer, au vu de gravité de son impact financier”, a-t-il poursuivi, ajoutant que pour donner plus de légitimité à ce mouvement de protestation, l’ancien bureau exécutif de la fédération a présenté sa démission, se contentant à l’heure actuelle de gérer les dossiers courants, et qu’un comité provisoire composé d’une quinzaine de chefs d’entreprises, a été mis en place pour décider de l’avenir de la fédération.
“J’espère que cet électrochoc va éveiller l’UTICA et la pousser à se remettre en question, pour pouvoir renouer avec le rôle qui doit être le sien, dans la défense des intérêts du pays et de l’industrie tunisienne”.
Le président démissionnaire de la FENATEX, a également, souligné que la porte du dialogue reste ouverte avec l’organisation patronale qui doit “revoir ses modes de gestion, pour retrouver sa crédibilité perdue auprès de la majorité des secteurs de l’industrie tunisienne”.
Gherab a en outre, estimé que “le rejet de l’accord signé avec l’UGTT ne traduit en rien un désaccord avec la centrale syndicale, ni un rejet du principe des augmentations salariales, mais c’est la survie des entreprises qui est en jeu, lesquelles entreprises sont aujourd’hui loin de pouvoir assumer une telle augmentation”.
Interrogé au sujet de la situation du secteur, Gherab, a fait savoir que ” les difficultés remontent à bien avant la révolution, s’agissant du marché local, puisque qu’aucune solution n’a été apportée au fléau du marché parallèle. Après la révolution, la situation s’est aggravée avec l’entrée sur le marché local de certains produits étrangers sans droits de douane, l’ampleur prise par le marché parallèle, la défaillance de la formation, la rareté de la matière première, la porte ouverte aux franchises … “.
“Chaque boutique qui ouvre ses portes à la Soukra, sur 500 m2, c’est une usine-textile de 200 à 300 ouvriers qui ferme les siennes”, a-t-il soutenu, ajoutant “qu’en faisant ses achats, le tunisien a aujourd’hui 95% de chances de tomber sur des produits chinois, turcs, bangladais ou autres”…
S’agissant de l’export, Gherab a surtout, soulevé les problèmes de sécurité, des tensions sociales, de l’inflation, de la flambée des prix des matières premières, des augmentations successives des salaires, mais aussi, de la chute de la productivité et du laisser-aller de l’administration après la révolution qui ont fortement compromis la compétitivité du textile tunisien sur le marché international.
Gherab a par ailleurs, souligné l’exacerbation de la concurrence à l’échelle internationale, ” alors que les marocains, les turcs, les européens de l’est cherchent à renforcer leurs industries du textile pour conquérir de nouveaux marchés, nous ne faisons que perdre en efficacité. L’écart ne cesse de se creuser, dans un climat d’insouciance généralisée “.
Et de regretter “depuis deux ans, nous essayons en vain, de convaincre les autorités de tenir un CMR pour débattre des difficultés du secteur. Nous leur avons même transmis tout un programme de ce qui doit être entrepris pour sauver le secteur, et nous attendons toujours que la priorité soit donnée à ce secteur qui emploie près de 200 mille employés d’une manière directe et de 100 mille d’une manière indirecte”.
Et de conclure “laisser périr un secteur aussi stratégique revient à courir le risque de laisser couler l’industrie tunisienne, à menacer les intérêts du pays et à l’enfoncer davantage dans l’endettement qui finira par devenir insupportable. Par cette décision, nous espérons que les consciences s’éveillent car les enjeux et les défis sont énormes”.