Vieux de près de trente-cinq ans, le litige opposant l’Etat tunisien à la société Arab Business Consortium Investment (ABCI) au sujet de la Banque Franco-Tunisienne (BFT) est resté une affaire de l’exécutif exclusivement. Aussi bien avant le 14 janvier 2011 –parce que l’Assemblée nationale, puis celle des députés, n’était, au mieux, qu’une courroie de transmission, au pire une chambre d’enregistrement- qu’après, car les représentants du peuple avaient d’autres chats à fouetter, cette affaire explosive n’avait pas pu franchir la porte du Palais du Bardo. Elle y est désormais entrée.
L’intrusion de cette affaire dans les allées de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) s’est effectuée vers la mi-janvier 2017. A l’occasion de deux initiatives prises respectivement par des députés regroupés autour du groupe parlementaire “Projet de la Tunisie al-Horra” et la députée Samia Abbou (Courant démocratique, dirigé par son mari et ancien ministre de la Troïka, Mohamed Abbou, chargé de la Réforme administrative dans le gouvernement Hamadi Jebali).
Les questions de Marouan Felfel…
Au nom du groupe parlementaire “Projet de la Tunisie al-Horra”, Marouan Felfel a adressé au secrétaire d’Etat aux Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, Mabrouk Korchid, et au gouverneur de la Banque centrale, Chedly Ayari, des questions écrites pour pousser l’Etat à dire toute la vérité sur ce dossier, expliquer pourquoi il a laissé cette banque aller à la déconfiture, justifier sa gestion passée, en changer afin d’éviter une coûteuse condamnation par le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), qui doit bientôt rendre sa décision sur le fond de ce litige opposant l’Etat tunisien à la société ABCI.
L’initiative, validée par le bureau de l’ARP, où Ennahdha a donc été mise en minorité, a déplu au parti islamiste. Car l’initiative risque de révéler au grand jour le fait que Hamadi Jebali et Ali Laarayedh, anciens chefs du gouvernement de la Troïka, étaient bel et bien au courant du procès-verbal de règlement amiable conclu le 31 juillet 2012 par l’Etat tunisien et la société ABCI et révéler au grand jour la responsabilité d’Ennahdha dans la mise en échec de cet accord.
Un soutien bizarre de Samia Abbou à Slim Ben Hmidane
Pour éviter cela, Samia Abbou, proche –malgré les apparences- du parti islamiste, a volé au secours de Slim Ben Hmidane, ancien ministre Des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières (qui a appartenu comme elle au Congrès Pour la République, de l’ancien président Moncef Marzouki) et gendre de l’ex-ministre de l’Agriculture nahdhaoui, Mohamed Ben Salem. Pour ce faire, elle a écrit au ministre de la Justice, Ghazi Jeribi, pour le contraindre à changer le statut de Slim Ben Hmidane dans ce dossier et, donc, éviter qu’Ennahdha soit mise en cause dans ce dossier, à travers ses ministres.
L’ancien ministre étant devenu accusé après avoir été simple témoin dans le procès au pénal en instruction, peut en effet, si forcé, produire les preuves démontrant que Hamadi Jebali et Ali Laarayedh étaient totalement impliqués dans les préparatifs et la signature du procès-verbal de règlement amiable conclu le 31 juillet 2012.
L’échéance approche…
Dossier clivant s’il en est, l’affaire de la Banque Franco-Tunisienne (BFT) risque de faire encore plus de vague parmi les députés de l’Assemblée à mesure qu’approche l’échéance fatidique du CIRDI et certainement beaucoup plus après lorsque –ce qui ne fait pas l’ombre d’un doute- l’Etat tunisien aura été condamné.