Commençons par ce constat positif: dans deux communiqués, publiés en l’espace d’un mois (début février-début mars 2017), le bailleur de fonds en chef, le Fonds monétaire international (FMI) et l’Agence de notation internationale “Fitch Ratings” ont certes mis en garde la Tunisie contre les conséquences des retards qu’accusent les réformes structurelles convenues, mais ils estiment en même temps “que les prêteurs multilatéraux restent attachés à la transition en cours en Tunisie”.
Ces communiqués, qui ont, pour les gens avertis, valeur d’avertissement, demeurent néanmoins rassurants pour le reste des bailleurs de fonds. Entendre par-là que ces derniers et à leur tête le FMI vont continuer “à soutenir la transition économique de la Tunisie”.
Il s’agit donc d’un signal positif dans la mesure où ces communiqués interviennent après deux événements “malheureux”.
Le premier consiste en la décision du FMI de reporter sine die le versement de la deuxième tranche du crédit (350 millions de dollars) qu’il avait accordé en mai 2016 à la Tunisie (2,9 milliards de dinars).
Ce décaissement, prévu pour fin décembre 2016, a chambardé toutes les cartes du gouvernement, ce qui l’a poussé à recourir à la planche à billets pour boucler son schéma de financement pour 2016 et ses déficits budgétaire et courant.
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Il a également été amené à sortir sur le marché financier international pour lever 850 millions d’euros sur un montant qui lui est offert de 1,6 milliard d’euros, et ce sans l’aide des bailleurs de fonds et sans la garantie de pays partenaires.
Le deuxième n’est autre que la dégradation, début février, par l’Agence Fitch Ratings de la notation de la dette tunisienne de (BB-) à (B+).
L’agence a expliqué cette dégradation de la notation par “la chute du tourisme dans un contexte de risques de sécurité élevés, le ralentissement de l’investissement en la présence des fréquents changements de gouvernement et des épisodes de grèves ayant affaibli la croissance et les perspectives économiques”.
Ce rapport de Fitch Ratings, bien que sollicité par la partie tunisienne, a rendu très difficile et même ardu le job de la délégation tunisienne lors de sa sortie sur le marché financier international.
Lamia Zribi tire à boulets rouges sur Fitch Ratings
La ministre des Finances, Lamia Zribi, n’a pas manqué, dans un entretien avec le news paper britannique Global Capital” sous le titre “Tunisian Finmin furious with fitcher over ill-timed rating downgrade”, de tirer à boulets rouges sur l’agence de notation Fitch Ratings.
Elle lui a reproché d’avoir concocté son appréciation sur des chiffres non actualisés. Pour elle, “Fitch Ratings avait utilisé les chiffres de juin 2016, alors que la conjoncture économique dans le pays a beaucoup évolué depuis. Ainsi, l’Agence n’a pas actualisé la reprise des secteurs comme le tourisme et le phosphate, l’amélioration de la sécurité, la conférence Tunisia 2020. Toutes ces améliorations n’ont pas été prises en considération par le rapport Fitch (février 2017)”.
Ces experts qui jouent les cassandre
Cette déclaration, qui n’a pas été médiatisée en Tunisie, a eu un effet éminemment positif lors des négociations sur le marché international et “amélioré, de manière significative, la valeur du papier tunisien auprès des investisseurs présents”.
Elle a amené également Fitch Ratings à rectifier le tir en publiant, un mois après, un communiqué certes mi-figue mi-raisin mais de loin moins alarmiste que son rapport du mois de février.
Ceci dit, cette même déclaration ne peut pas occulter l’incompétence et l’irresponsabilité des “experts fonctionnaires” du ministère des Finances, de la Banque centrale et d’autres institutions qui ont eu à coopérer avec l’agence de notation et à lui fournir des données non actualisées.
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La qualité et la pertinence de l’entretien de la ministre au news paper britannique mettent à nu aussi le discours sinistrose que certains soi-disant experts ont tenu sur les plateaux audio-visuels.
Faut-il rappeler que l’un d’entre eux avait déclaré que, suite au rapport Fitch, la Tunisie n’a d’autre choix que de recourir au Club de Paris pour rééchelonner sa dette; le Club de Paris étant un groupe informel de créanciers qui a pour but de trouver des solutions coordonnées et durables aux difficultés de paiements de nations endettées.
Ces experts, qui jouent les Cassandre en toute impunité et sans la moindre décence, confirment de manière éloquente la thèse selon laquelle le talon d’Achille de la Tunisie réside dans le déficit d’expertise et dans la mauvaise qualité de ses experts-négociateurs-analystes.