La Bourse de Tunis et le Nasdaq Dubaï ont signé, le 6 mars 2017, un protocole d’accord qui habilite l’Etat tunisien à mobiliser des ressources financière à travers l’émission de Sukuks islamiques sur la bourse de Dubai. Cette Bourse héberge sur sa cote des titres de capital de sociétés internationales et émiraties et permet d’utiliser la plateforme Murabaha pour le financement Islamique.
Des experts estiment que le recours aux Sukuks, lesquels sont des certificats d’investissement conformes à la recommandation religieuse (Charia islamique) et qui sont l’équivalent, en quelque sorte, des obligations dans la finance conventionnelle, est une alternative qui coûte cher à un pays où le risque de surendettement plane toujours.
L’accord entre la Bourse de Tunis et le Nasdaq Dubai concrétise les dispositions de la loi du 30 juillet 2013 relative aux sukuks islamiques. Cette loi stipule que les sukuks, émis ou garantis par l’Etat, sont autorisés par la Loi de finances et que chaque émission sera ratifiée avant l’utilisation du produit qui en résulte.
Or, le recours à ce potentiel de la finance islamique n’a pas trouvé bon écho et a suscité une grande polémique depuis 2012 au sein de l’Assemblée nationale constituante (ANC). Cette alternative est, pour une grande majorité des tunisiens, un autre mode d’endettement qui alourdit les charges de l’Etat, déjà surendetté.
Pour le directeur général de la Bourse de Tunis, Bilel Sahnoun, “ce n’est pas le cas. Cela ne veut pas dire que nous allons céder le pays en gage”, expliquant la polémique soulevée par un malentendu au sujet de la finance islamique.
Le gouvernement aspire à mobiliser, 1000 millions de dinars en 2017 à travers les sukuks islamiques, selon le gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT), Chedly Ayari. “Ce choix est beaucoup plus idéologique qu’économique”, selon l’économiste Mongi Smaili.
L’émission de ces obligations sur le Nasdaq Dubaï témoigne de la volonté du gouvernement de mobiliser davantage de financements de la part des pays du Golfe arabe, a-t-il indiqué, dans une déclaration à l’agence TAP.
Et d’ajouter “les investisseurs dans ces pays exigent l’investissement de leur argent dans des produits “halal”. Aussi, la mobilisation de ressources financière à travers les sukuks islamiques est un autre mode d’endettement à un coût plus cher que celui de la finance conventionnelle.
De son côté, l’économiste Mourad Hattab estime que l’émission de sukuks islamiques sur le Nasdaq Dubaï est une opération ” très délicate, mais c’est dans tous les cas plus de dettes pour la Tunisie, car elle nécessite des garanties financières solides et une capacité de l’Etat à rembourser ses dettes selon les conditions du marché”, a-t-il expliqué. “Une opération coûteuse qui ne permettra pas de mobiliser plus que 500 millions de dinars”.
D’après Hattab, l’émission de ces sukuks sur le Nasdaq Dubaï ne permettra pas de mobiliser plus que 500 millions de dinars. “C’est un montant infime par rapport au coût de l’opération”, estime l’économiste, relevant que selon les prévisions du FMI, la dette extérieure atteindrait en 2017, 71,4% du PIB contre 69% actuellement avec un service de la dette variant entre 6 et 7%.
La dernière sortie de la Tunisie sur les marchés financiers internationaux a été “catastrophique” estime Hattab. Le pays n’a mobilisé que 850 millions euros contre 1 milliard d’euros prévu.
Pour sa part, le député et membre de la commission parlementaire à l’ARP, Slim Besbes (Ennahdha), croit que la coopération avec la bourse de Dubaï, qui occupe le premier rang mondial en ce qui concerne la gestion des sukuks islamiques, “n’est qu’une assistance technique qui vise à tirer meilleure profit de l’expertise de ce marché ouvert sur le plans régional et international”.
Le parlementaire reconnait qu’il faut donner des biens publics en gage ou en garantie pour émettre des sukuks. Or, l’opinion publique a été fortement opposée aux initiatives de la BCT et du ministère des Finances de donner en gage le stade de Radés pour émettre des obligations, rappelle Besbes.
Cette réticence de l’opinion publique a mis à l’échec les efforts des gouvernements de post-révolution, depuis 2012, de sortir sur les marchés financiers des pays du Golfe, pour mobiliser des ressources financières.
D’après le dernier rapport de la BCT, la Tunisie souffre d’une croissance économique anémique, un déficit courant insoutenable, des investissements directs étrangers affaiblis et un déficit budgétaire qui demeure élevé quoiqu’en repli par rapport à son niveau enregistré en 2014.
L’endettement extérieur a évolué pour atteindre 36,652 MD, au terme de 2015 à une cadence supérieure à celle enregistrée en 2014, soit en augmentation de 15,6%. Cette évolution s’explique par l’affermissement de l’endettement extérieur de l’Etat (19,4% contre 14,8%).
L’Etat a eu recours en 2015 à des ressources extérieures sous forme de tirages sur prêts extérieurs, notamment, le prêt d e la Banque mondiale (455 millions d’euros), la dernière tranche du crédit Stand-by accordé par le FMI pour une enveloppe de 300 millions de dollars et le prêt de 183 millions d’euros octroyée par la Banque africaine de développement (BAD). D’autres financements ont été mobilisés à travers les marchés financiers internationaux. Il s’agit de l’emprunt obligataire de 1 milliard de dollar US, conclu en janvier 2015.