Le business en temps de guerre et en zone de guerre a ses lois et ses réseaux. Le rapprochement entre Am Cham Libye et Tunisia est un “avantage“ collatéral de l’instabilité chez nos voisins.
Jeudi 30 mars, Debbie Hirst et Khaled Babbou, présidents respectifs de Am Cham Libye et Tunisia, ont signé un accord de coopération. La situation en Libye, qui ne se stabilise toujours pas, a poussé à ce rapprochement pour continuer le business avec ce pays voisin, lequel, en dépit d’une désorganisation économique avancée, continue à respecter sa signature et à payer ses engagements. La solvabilité de la Libye en fait un partenaire commercial convoité.
La vie en Libye : De Tip et de Top
Debbie Hirst est à la tête d’Am Cham Libye depuis 2013 et elle semble déterminée à rempiler. Elle invite les chefs d’entreprise à faire du business avec le pays parce que le business continue, en temps de d’instabilité. Cependant, elle prévient: “Je n’ai pas de contrats en mains“. C’était là son opening joke. Mais elle insiste, on peut se faire de l’argent, au prix de certains risques.
L’originalité de la situation est que, malgré le délitement de l’Etat, le pays continue à fonctionner au petit bonheur la chance, mais l’économie survit. Les multinationales ne sont pas toutes en place mais n’ont pas rompu les ponts et continuent à opérer. Les banques libyennes continuent à ouvrir des lettres de crédit, les importations arrivent à bon port, malgré une chaîne logistique largement délabrée et les paiements quand bien ils tardent finissent par se dénouer.
Naturellement, pour traiter avec la Libye, risk adverse s’abstenir. Le quotidien n’est pas sans tracasseries. C’est surtout à l’Ouest que c’est le plus agité. A l’Est ça l’est un peu moins. Et, Misrata serait un havre de paix à côté de Tripoli, mais on s’y fait, précise Debbie Hirst, qui raconte sa vie en Libye sur le mode Story telling, usant de toutes les techniques de la narration à rebondissements.
Un récit haletant de ses mésaventures aux divers chek points. A bien des moments, elle pouvait y passer. Elle a onctué sa description de la vie en Libye de Tip, comprenez conseils, à l’adresse des investisseurs internationaux qui veulent faire affaire avec les Libyens. Des gens avec un bon relationnel. Les samalmaleks sont d’usage. Il vaut mieux entamer la conversation avec “Salam Alaykom, Chenyia El Oumour“. Si le Libyen ne vous ouvre pas son cœur, il ne s’engagera pas en affaire avec vous.
Et il y a les Top, les consignes majeures, gens pressés de faire de gagner de l’argent, prière changer de destination. Act Well and politely, d’abord faire une première bonne impression pour annoncer que vous venez en ami et non en profiteur.
Le business en temps d’instabilité
Quand l’état est absent, les centres de pouvoir se multiplient. Et les bonnes pratiques ne sont pas souvent de mise. Avec l’administration, la bureaucratie est dominante. Evidemment les délais s’étirent à l’infini et les recours sont absents. En fait, de recours, il faut recourir aux bons offices des gens introduits. Il y a beaucoup de retard mais aucun risque de défaut.
Evidemment compte tenu de la situation sur le terrain, des districts se forment. Certains sont plus sécurisés que d’autres. C’est le cas de Misrata, où il règne un certain ordre avec un seul commandement. Il est aisé de traiter car les circuits sont identifiés. Ailleurs, à Tripoli par exemple, il y a une diversité de commandements et les circuits sont multiples. Cela complique les choses et le business.
Des success stories
Oui, en temps de guerre civile, ceux qui savent se mettre en intelligence avec la situation font des affaires sans discontinuer. C’est notamment le cas des multinationales américaines. LMI ne s’est pas retirée de Libye et cette société de logistique continue à opérer. Les affaires sont plus difficiles qu’auparavant mais il reste que le carnet de commandes n’est pas totalement dégarni. L’agroindustriel autrichien Rauch, fabriquant de jus de fruits, continue à approvisionner le marché avec plus ou moins de bonne fortune mais il est toujours présent.
Pareil pour Microsoft Tunisie. Cette dernière réunit ses clients à Djerba, pour les séminaires de formation et les livre à partir de là, sans discontinuer. Et c’est d’ailleurs ce repli qui est à l’ordre du jour de cette réunion entre les deux Am Cham. Debbie Hirst sait qu’il est plus facile de réunir les opérateurs libyens de tous bords à Tunis que nulle part ailleurs. A l’IACE au mois de décembre dernier, le Forum libyen pour l’investissement s’est tenu dans d’excellentes conditions.
La puissance du réseau Am Cham
Debbie Hirst s’appuie sur un réseau de 117 chambres dans le monde. C’est le réseau de commerce –et d’influence?- le plus développé. Il dépasse celui de l’Angleterre (United Kingdom for Investment and Trade) ainsi que celui français (UBI-France).
Debbie Hirst, en initiant ce partenariat, rationalise le travail. Am Cham Tunis réunit les opérateurs et elle les prend en mains pour les introduire dans les circuits du business en Libye. En temps de guerre civile, le business s’apparente à l’intelligence économique mais comme le dit le bon vieil adage, nécessité fait loi.
Les non-dits de Debbie Hirst
La bonne fée d’Am Cham Libya se bat comme une lionne parce qu’elle sait que le business légal est résiduel. Les vrais réseaux du business sont entre les mains des barons de la contrebande. Misrata n’est pas sécure par la grâce du ciel mais grâce à la domination des maîtres de l’informel. Les entreprises organisées accepteront-elles de faire de la résistance face à ce véritable fléau de l’informel? C’est là le pari actuel en Libye. Du moins nous le pensons.