Fayçal Cherif, enseignant-chercheur à l’Institut supérieur d’histoire de la Tunisie contemporaine, accuse la présidente l’”Instance Vérité et Dignité” (IVD), Sihem Ben Sedrine, de vouloir instrumentaliser l’histoire nationale à des “fins politiques” et “politiciennes”.
A l’ouverture des séances d’audition publiques, tenues le 24 mars 2017, sur les violations ayant accompagné la fin de la colonisation française de la Tunisie, la présidente de l’IVD avait appelé les universités tunisiennes et les historiens à réécrire l’histoire de la Tunisie sur la base des nouvelles données récoltés par l’Instance et des enquêtes qu’elle a réalisées.
Bien évidemment, cet appel n’a pas manqué de susciter un tollé général dans les lieux académique, politique et social du pays.
Ainsi, le chercheur explique que “l’écriture de l’histoire obéit à des protocoles, des règles et des méthodes scientifiques stricts. Elle s’appuie sur les archives ainsi que sur les principaux acteurs des différentes étapes de l’histoire de la Tunisie”, cité par l’agence TAP. Selon lui, les témoignages verbaux étant souvent manipulés, falsifiés et déformés, les historiens les exploitent avec réserve.
Fayçal Cherif ajoute que “l’institut supérieur d’histoire de Tunis dispose de plus de 400 témoignages verbaux retraçant les différentes étapes de l’histoire de la Tunisie, mais les historiens n’en sont pas fiers”, et que “les historiens restent à l’abri de toute instrumentalisation politique, quelle que soit l’époque de l’histoire qu’ils avaient vécue et ne s’appuient aucunement sur les historiens de la cour”.
Dans ces conditions, “les académiciens et les historiens refusent aujourd’hui d’être de faux témoins et de réécrire l’histoire à la demande de gens qui ne l’ont jamais étudiée”.
Mais comme si ces explications de l’historien ne suffisaient pas, le président de la Commission de préservation de la mémoire nationale à l’Instance Vérité et Dignité, Adel Meïzi, souligne que l’appel de l’IVD à la réécriture de l’histoire a pour objectif de reconsidérer les faits historiques sur la base des nouvelles données collectées et des témoignages des victimes du passé.
Il va plus loin pour affirmer que “les historiens n’avaient pas eu accès aux nouvelles sources recueillies par l’Instance et les archives nationales sont soumises à un délai allant jusqu’à cent ans pour qu’elles soient exploitées”. Donc, estime-t-il, la réécriture de l’histoire de la Tunisie est nécessaire, notamment dans les programmes éducatifs, dès lors que l’histoire contemporaine a été écrite de manière unilatérale sous les régimes de Habib Bourguiba et de Zine El Abidine Ben Ali.
A noter que l’IVD détient plus de 7.000 documents au sujet du conflit entre les youssefistes et les bouguibistes.