La campagne illustrée lancée par l’INLUCC possède deux versants. Le premier représente le chiffrage des pertes occasionnées par la corruption. Le second, les droits des lanceurs d’alerte. L’issue de la lutte contre la corruption devient une affaire citoyenne.
La meilleure façon disait-on de couler une affaire est de la confier à une commission ad hoc. Eh bien l’INLUCC –pour Instance nationale de lutte contre la corruption- n’est pas tombée dans le piège. Elle a choisi de populariser la lutte contre la corruption pour en faire l’affaire de tous et de chacun.
La riposte au fléau de la corruption devient une question citoyenne. C’est de notre point de vue une solution démocratique. On ne sait si on peut terrasser le mal, après lui avoir laissé le temps et le loisir de prendre les dimensions qu’il a pris dans notre pays. Toutefois, on voit que l’INLUCC s’est bien pris pour l’endiguer étant donné qu’elle en fait un challenge populaire. Et, il ne faut pas prendre la détermination du bon peuple à la légère. La technique des globules blancs est le meilleur choix tactique que pouvait opérer l’INLUCC.
L’ampleur du fléau
L’INLUCC a édité une brochure et un flyer. Sur la brochure on peut détailler les dégâts de la corruption. On apprend que le phénomène de la corruption -et ce qu’il génère de mauvaise gouvernance- prive la communauté nationale de 4 points de croissance. Au niveau actuel de notre PIB, cela nous coûte une décote de 4 milliards de dinars.
En matière d’embauche, il nous fauche 160.000 emplois nouveaux, selon la brochure INLUCC. Sur ce point précis, nous marquons notre différence car il est établi qu’un point de croissance génère 15.000 emplois et non 40.000 comme le cite la brochure de l’INLUCC.
Qu’importe, ce sont dans un cas comme dans l’autre des dizaines de milliers d’emplois dont sont privés nos jeunes chômeurs.
Rien qu’au plan des marchés publics, 2 milliards de dinars nous sont soufflés. Ce montant pourrait, aux prix d’aujourd’hui, nous construire 3 aéroports internationaux, 20 ports commerciaux, 70 lycées du secondaire, 500 km d’autoroutes ou 6 CHU.
Les voies “pernicieuses“ de la petite corruption
L’affiche se fait accusatrice et pointe la passivité du citoyen du doigt. De manière subliminale, elle essaie d’attirer son attention sur son indolence et rappelle que le pot-de-vin est une voie vers la petite corruption, tout aussi ravageuse. Le petit billet qu’on glisse dans la poche du responsable qu’on veut amadouer est une pratique vilaine et désastreuse. Le “Belgacem“ (allusion à l’effigie de Aboulkacem Ecchabii, qui figurait sur le billet de trente dinars aujourd’hui retiré de la circulation) ou le “Achour“, astuce de langage pour faire allusion au billet de dix dinars, sont de petites dérives dans lesquelles tombe le citoyen. Eh bien, sachez que la petite corruption a été approximée à 500 millions de dinars en 2015.
Des slogans hautement pédagogiques
La fiche finit sur un point de chute tout en cohérence: la corruption conduit au terrorisme et fera flamber le service public. Le citoyen, en cédant à la petite corruption, creuse sa propre tombe et fossoie ce qu’il a de plus cher et de plus sécurisant, l’ordre public.
La fiche reproduit trois formules choc: “Ne laissez pas la corruption engloutir (ou nous usurper) le pays“. La seconde est tout aussi saisissante: “Notre slogan ou notre credo: C’est ou la Tunisie, ou la corruption… et nous choisissons de sauver la patrie“.
Lanceurs d’alerte, vous avez le champ libre
Le flyer s’adresse au lanceur d’alerte. La consigne est simple et directe: “Savez-vous que l’on peut sauver le pays si on dénonce la corruption (ou si on ne la passe pas sous silence)“.
L’injonction au citoyen est la suivante: “Alerter sur la corruption est un devoir civique (national): Dénoncer la corruption c’est sauver la nation“.
Le flyer reproduit tous les droits et les obligations du lanceur d’alerte et notamment les mesures de protection dont peut bénéficier le lanceur d’alerte dont l’escorte policière. Le système global nous paraît cohérent et ne présente pas de défaillance flagrante, de notre point de vue. A présent la chasse est ouverte. Le Tunisien sera maître de l’issue de cette bataille. Toutes les cartes ont été placées entre ses mains. Nous espérons qu’il aura du beau jeu à l’instar du citoyen suisse ou suédois. Et pourquoi se priver de rêver?