Le Comité de suivi et d’enquête des marchés publics auprès du Premier ministère vient d’annuler, purement et simplement, l’appel d’offres lancé par la CNAM (Caisse nationale d’assurance-maladie) pour l’acquisition d’une solution de gestion de l’assurance-maladie, conformément au décret N°2014-1039 du 13 mars 2014, portant réglementation des marchés publics.
Selon une source qui connaît bien ce dossier que nous avons interrogée, cette annulation constitue une première en Tunisie, en ce sens que cet appel d’offres de la CNAM est régi par la Commission supérieure de contrôle et d’audit des marchés, du fait qu’il dépasse le seuil des 4 millions de dinars tunisiens. Autrement dit, le cahier des charges établi par la CNAM a été validé par le CSM (Conseil supérieur des marchés) et que même le choix de la solution ou du prestataire se fait par lui et non par la CNAM.
C’est la première fois en Tunisie que la CSEM annule la décision d’octroi d’un marché décidée par le CSM. Sachant que ces 2 commissions sont sous la tutelle du Premier ministère.
A noter également que les présidents de ces 2 commissions n’ont pas changé depuis une douzaine d’années, c’est-à-dire que ce sont les mêmes personnes qui ont validé des marchés sous l’ère Ben Ali et qui sont maintenues depuis 2011, sous 6 gouvernements sans changement ou remise en cause, rappelons-le.
Ce qui est important à signaler dans ce contexte, et qu’au-delà de la bataille juridique ou de qui méritait de gagner ce marché, ce sont 3 constats, nous dit notre source.
Le premier constat c’est que la Tunisie semble incapable de passer et de réaliser un marché informatique supérieur à 10 millions de dinars. A cet égard, même le ministère des Technologies de la communication et de l’Economie numérique n’a pas pu -ou voulu- défendre ce projet.
Deuxièmement, cette annulation ne profite à aucune partie, notamment aux acteurs du marché (les entreprises informatique), vu qu’ils viennent de perdre un budget de 35 millions de dinars; mais encore plus grave, cette annulation a été validée par le membre de l’UTICA faisant partie de la CSCAM. Ce qui en soi est bizarre pour une organisation patronale censée booster l’investissement et défendre le secteur privé.
Troisièmement, la CNAM c’est le grand perdant dans cette affaire, et par ricochet ses affiliés et les finances publiques. Car plusieurs raisons ont poussé la CNAM à lancer ce projet, entre autres la volonté d’améliorer ses services, de limiter la fraude et les dépassements des plafonds pour la partie “tiers payant“.
Actuellement, en l’absence d’un système temps réel et entièrement automatisé, la CNAM perdrait chaque année sur la partie “tiers payant“, selon nos informations, plus de 30 millions de dinars. Avec un cumul actuel en 2017 de 80 millions de dinars, et ce à cause essentiellement des dépassements des plafonds.
Or, avec le système de la “Carte Santé“, la CNAM pourrait rentabiliser son investissement en une année et réaliser ainsi un gain annuel estimé entre 20 et 30 millions de dinars en coût de gestion…
Rappelons que ce projet a été lancé pour la première fois en 2004, et qu’on est en cette année 2017 à la 4ème annulation de l’appel d’offres. Ce qui fait dire à notre source, sous forme de boutade, que le président de la CSCAM et ses membres doivent être fiers de cette annulation.
En tout cas, avec un tel comportement, la Tunisie ne va pas réaliser son plan Smart Tunisia 2020, le développement de son administration électronique et l’impulsion de l’investissement public. Dommage, car rien qu’à travers ce projet de la Carte Santé de la CNAM, pas moins de 30 nouveaux postes d’ingénieurs pourraient être créés, outre l’exportation de la solution dans certains pays d’Afrique subsaharienne.
En fait, les membres de la CSCAM et les managers de la CNAM doivent plutôt se tourner vers l’Afrique pour trouver des solutions opérationnelles comme à la CNSS de Djibouti, la CNAM au Mali ou à la CNAM en Côte d’Ivoire.
La Tunisie reste un pays à la traîne en matière de TIC même par rapport à l’Afrique. Au suivant!