Le Haut comité du contrôle administratif et financier (HCCAF) vient d’organiser son séminaire annuel du contrôle et d’inspection sur le thème: “le gestionnaire public: entre les exigences de l’initiative et les appréhensions de la faute commise dans la gestion”.
Objectif: valoriser la fonction de contrôle et d’inspection et en faire un levier efficace aux fins de protéger les deniers publics, veiller à leur bonne affectation, conformément aux objectifs fixés et améliorer la gestion publique.
Ce séminaire intervient en prévision de la mise au point, prochainement, d’un guide des best practices du gestionnaire public et d’une grande réforme sur le contrôle, laquelle sera fin prête d’ici fin juin 2017, selon son initiateur Kamel Ayadi, président du HCCAF.
Il a permis de débattre de deux questions majeures. La première a trait au rôle du contrôle dans la diffusion des règles de bonne gouvernance et de prévention de la corruption. La deuxième a porté sur les difficultés qui empêchent les gestionnaires publics à prendre des initiatives.
Pour y arriver, les participants ont suggéré globalement de mettre de l’ordre dans les domaines du contrôle et de l’inspection.
Harmoniser les concepts de contrôle et en unifier les interprétations
Il s’agit en premier lieu d’harmoniser les concepts de contrôle, d’en unifier les interprétations et de définir dans les lois la responsabilité de chaque fonctionnaire, particulièrement celle du gestionnaire public et du donneur d’ordre (hiérarchie supérieure). La règle étant de garantir la traçabilité de chaque décision, d’en délimiter les responsabilités.
Certains intervenants ont suggéré que les instructions soient données dorénavant par écrit et régies par des lois claires.
Dans un second lieu, l’accent a été mis sur l’impératif de fournir au gestionnaire public les garanties nécessaires conformément aux normes internationales. Ces garanties peuvent être des outils de gestion tels que les organigrammes, système d’organisation qui permettent à chaque fonctionnaire de n’assumer qu’une fonction cohérente avec des frontières sans ambiguïté et où chacun ne dépend que d’une personne.
Elles peuvent être également les normes de travail telles que la norme ISO 37001 sur le mangement anti-corruption.
C’est seulement dans un environnement organisationnel transparent que le gestionnaire public peut donner le meilleur de lui-même et veiller à la bonne gestion des biens publics, a-t-on martelé au cours de ce séminaire.
Les trois fautes de gestion
Point d’orgue de ce séminaire, le débat sur les trois fautes de gestion: la faute de gestion professionnelle, la mauvaise gestion et la faute de gestion pénale.
Interpellé sur ce sujet, Kamel Ayadi, qui vient de se distinguer en recevant une invitation de la part du président et fondateur de l’institution américaine le “Projet de la Justice mondiale“ pour devenir membre à part entière du conseil d’administration de cette prestigieuse institution, a été le moins qu’on puisse dire exhaustif sur cette thématique des fautes.
Pour lui, «la faute de gestion ne fait l’objet d’aucune définition précise par la loi. Elle est appréciée par les tribunaux au cas par cas. Elle donne donc lieu à des interprétations très diverses selon les personnes qui essayent de l’expliquer ou de l’apprécier comme les juges.
La négligence, voire la simple imprudence, des dirigeants peut constituer une faute de gestion.
La responsabilité du dirigeant peut aussi être engagée, qu’il ait ou non eu l’intention de nuire, et quelles que soient les conséquences dommageables de la faute pour la société (graves ou minimes). La seule chose de sûr en la matière, c’est que la faute de gestion est une menace qui plane de plus en plus sur le dirigeant de l’entreprise. Ne serait-ce que parce que les chefs d’entreprise doivent aujourd’hui expliquer et justifier leur gestion devant le Parlement, les actionnaires, les salariés et l’opinion publique.
Face à cette ambiguïté, le séminaire a essayé de clarifier les choses. Ainsi, la faute de gestion professionnelle doit être sanctionnée au niveau de l’administration. La faute de gestion financière doit relever des structures de contrôle financier. Alors que la faute de gestion pénale nécessite la réunion de trois éléments: l’intention de nuire, le préjudice commis et le bénéfice d’un avantage. Une fois ces trois conditions réunies, il y a lieu de poursuivre en justice le gestionnaire concerné.
Actuellement, nous encourons le risque de glisser vers les poursuites pénales et de considérer, de plus en plus, la faute de gestion comme une faute pénale qui suppose, par conséquent, des poursuites en justice.
Ceci indique donc qu’il est urgence à lever cette ambiguïté au niveau des interprétations des textes juridiques. L’article 96 laisse un flou qui peut donner lieu à diverses interprétations et qui peut pénaliser le gestionnaire.
Le principe est simple: le degré d’appréciation de la faute de gestion doit être uniformisé pour favoriser l’égalité des gestionnaires devant l’erreur. Car avec cet article, la faute peut être qualifiée de faute de gestion professionnelle par tel juge et par un autre comme une faute de gestion pénale».
Les pistes à explorer pour un meilleur contrôle
Au rayon des solutions, les participants ont appelé à l’élaboration de guides des risques devant aider le gestionnaire public lors des missions de contrôle et d’évaluation du rendement (nécessité d’adopter un guide spécifique aux fautes de gestion), le perfectionnement régulier du gestionnaire public et son adaptation aux nouveaux concepts et normes: Partenariat public/privé, criminalité immatérielle (cybercriminalité), nouvelles règles de management, nouveaux systèmes d’information (Global banking…), contrôle à distance, indépendance du contrôle interne et sa protection par des textes juridiques…
L’ensemble de ces mécanismes, une fois adoptés et généralisés à tous les établissements, entreprises et administrations publics, constitue, selon les participants à ce séminaire, des garde-fous contre tous les dérapages de gestion et viennent motiver le gestionnaire et l’encourager à prendre des initiatives, à innover et, partant, à faire progresser la gestion publique.
Globalement, la tendance des propositions était en faveur de la prévention en amont grâce à l’organisation du travail et la délimitation des responsabilités de chacun, à l’accompagnement et à l’adaptation aux nouveautés en matière de management et de gestion, et enfin à l’évaluation, a posteriori, de la performance et non de la conformité aux procédures et aux lois.