Les difficultés des pays arabes qui ont connu des transformations politiques de grande ampleur depuis et avant 2011 ne doivent pas être un frein à la libre circulation des informations et sa diffusion par la presse et il importe de considérer la presse comme un acquis à préserver et œuvrer au plan régional et international à protéger les journalistes, notamment en Libye, Yémen et Irak.
Ce sont là les principales conclusions de la conférence sur “les pays ayant connu des crises et la liberté de la presse” organisée par l’agence française de coopération à l’occasion de la célébration mercredi de la journée mondiale de la liberté d’expression, avec la participation de l’agence Tunis Afrique Presse, l’organisation “Reporters sans frontières”, un grand nombre de journalistes et experts de Libye, Yémen, Irak et Tunisie.
La conférence est un prolongement du programme de perfectionnement des journalistes des trois pays pour les années 2016 et 2017 dans le cadre d’une stratégie de consolidation de la démocratie, de la liberté de la presse dans les pays arabes qui ont vu la chute de régimes dictatoriaux mais qui font face à de grandes difficultés dans leur transition démocratique.
La déontologie journalistique doit primer…
Le rapport final de la conférence relève que “l’autoritarisme est révolu, la répression des libertés et la poursuite des journalistes ont pris fin”, un état de fait qu’il importe en tout état de cause d’œuvrer à instaurer dans les pays des révolutions contre les dictatures arabes ainsi qu’en Irak après la fin du régime du parti Baath.
Les recommandations soulignent la nécessité pour les journalistes de ne pas s’aligner sur des partis, milices ou belligérants et de se conformer aux règles professionnelles et à la déontologie du métier, notamment l’objectivité, afin de pouvoir changer la réalité, produit des déviations des processus de transition, du déclenchement des luttes armées et des réminiscences des anciens régimes politiques et sociaux.
Hamida El Bour, professeur à l’Institut de Presse et des Sciences de l’Information (IPSI), a relevé que les crises et les transitions démocratiques “constituent des défis pour les journalistes où leurs droits sont menacés”.
Ce constat est corroboré par les témoignages des journalistes de Libye et Yémen qui ont présenté leurs expériences après les révolutions de 2011, marquées par une courte période d’essor suivie d’une période de doute, de division et de ciblage dus à la lutte politique et aux conflits armés.
Abdallah Ismail, journaliste du Yémen, a ainsi qualifié de “massacre sans précédent” ce qui s’est produit dans son pays avec la destruction de l’infrastructure de la presse et des violations de la liberté journalistique”. Il a rappelé qu’un total de 19 journalistes ont été tués alors que des dizaines d’autres ont été enlevés ou ont disparu à cause de la guerre civile alors qu’un grand nombre d’autres journalistes ont émigré et exercé des métiers dévalorisés.
Les discours de haine sont monnaie courante en Libye
En Libye, la situation de la presse est tout aussi critique. Selon les journalistes Tarek Houni et Houda Chikhi, les journalistes sont très menacés et divisés, à l’instar des profondes divergences des partis et de l’éclatement des régions, ils sont loin du devoir de neutralité professionnelle alors que des moyens d’information, y compris celle du service public, diffusent des discours de haine.
A cet égard, la directrice du bureau nord-africain de “Reporters sans frontières”, établi à Tunis, a signalé la situation dangereuse des journalistes en Libye et au Yémen après la recrudescence des attaques qui les ciblent et les tentatives des les utiliser comme instruments politiques. Elle a appelé à la réactivation de la coopération avec l’ONU et l’envoyé spécial onusien pour appliquer les deux résolutions du conseil de sécurité sur la protection des journalistes et de la liberté de diffusion des informations.
Difficultés liées aux périodes de transition…
Arbi Chouikha, docteur enseignant à l’IPSI, a relevé que les périodes de transition démocratique, à l’instar de l’expérience tunisienne, ne sont pas exemptes de difficultés. “Elles connaissent un essor de la liberté suivie de violations quotidiennes des règles journalistiques et de la déontologie du métier, outre l’absence de politiques gouvernementales de réforme des secteurs de la presse alors que les instances de régulation livrent des batailles quotidiennes pour contrecarrer les déviations”, a-t-il souligné.
Le Journaliste tunisien, Said Khezami, qui a connu plusieurs expériences dans des organes de presse nationaux et arabes, a affirmé que l’expérience tunisienne a connu une grande transformation après 2011 avec l’extension du champ de la liberté et du pluralisme. Il a estimé toutefois que le peuple tunisien et les journalistes ne sont pas tout à fait satisfaits de cette expérience en raison des lacunes professionnelles, du manque de compétence et du non respect parfois des règles déontologiques.
Les thèmes de la conférence…
La conférence a débattu de trois grands thèmes: “les modes de couverture des évènement en temps de guerre”, “le rôle des moyens d’information dans les périodes de crise et les processus de transition” et “les moyens d’information dans le Monde Arabe en pleine tempête”. Les trois thèmes ont été animés par des journalistes d’Egypte, Turquie et France ainsi que par l’expert du centre des études et recherches sur la nation arabe et la Méditerranée à Geneve, Hosny Laabidi.