Non, ce n’est pas la première fois qu’un ministre tunisien commet une bourde dont les incidences sont graves sur l’image du pays, son économie ou sa stabilité sociale. Le pire est que tout de suite après, ce même ministre déclare que ses propos ont été sortis de leur contexte.
Il faudrait peut-être que le gouvernement Chahed, en exercice aujourd’hui, élabore un manuel du lexique ministériel pour que nous journalistes simples mortels et citoyens arrivions à comprendre le contexte et à décortiquer les messages subliminaux de nos chers hauts responsables, lesquels ne pensent souvent pas ce qu’ils disent.
Eh bien lorsque l’on devient ministre, la première chose à faire est de communiquer dans un langage COMPREHENSIBLE en ne laissant aucune place à des équivoques de quelque nature qu’ils soient. «La communication est une science difficile. Ce n’est pas une science exacte. Ça s’apprend et ça se cultive», assure Jean-Luc Lagardère.
Au lieu de se complaire dans leur ignorance et leur arrogance, nos ministres devraient apprendre à lire, à écouter et à communiquer.
Nous pensions révolue l’époque où Rafik Abdessalem, ministre des Affaires étrangères, se trompait de noms de capitales, calculait mal l’étendue des côtes tunisiennes ou encore suscitait la colère des Amazighs maghrébins en leur reniant le droit à l’existence. Il aurait émis une objection à la proposition de son homologue marocain de l’époque, Saâd Eddine Othmani, consistant à remplacer la dénomination «Maghreb Arabe» pour «l’Union Maghrébine», en référence à la grande variété de civilisations, cultures, races et langues existant en Afrique du Nord.
Nous pensions que ceux comme Mohamed Ben Salem, qui a voulu il y a quelques mois et suite au tollé soulevé par le retour des terroristes djihadistes islamistes en Tunisie, rattraper la déclaration spontanée de Rached Ghannouchi qui déclarait «La viande avariée est une affaire de famille» en disant que nous avions mal interprété ses propos, ne trouveraient pas leur places dans le gouvernement Chahed avec pour président Béji Caïd Essebssi.
Et bien avant, lors du fameux règne d’Ali Larayedh sur la destinée sécuritaire du pays, le responsable de la communication au ministère de l’Intérieur nous avait sorti une déclaration hilarante : ceux qui ont pris les montagnes pour lieu de résidence faisaient du sport: «Ce sont des personnes qui veulent éliminer le cholestérol …»
Face à ces quelques exemples de déclarations « incomprises», le fait que Hamadi Jebali, Chef du Gouvernement d’un pays qui s’est illustré par le budget consacré à l’enseignement, dise à ses interlocuteurs français « le ras el mel est jeben» (Le capital est lâche) est du gâteau.
Les Tunisiens qui avaient élu, réélu et ré-réélu avaient cru leur supplice terminé avec la constitution du gouvernement d’union nationale hautement politique, mais que nenni !
Dans ce gouvernement pourvu tout de même de ministres de haut calibre, reste un handicap de taille: celui de la communication socioéconomique, politique et diplomatique.
Avant le triste 14 janvier 2011, les hauts commis de l’Etat devaient tous passer par l’Institut de Défense nationale. Ils devaient y apprendre, comme cité dans sa vision à: «Développer et promouvoir l’esprit de défense globale chez les hauts cadres de l’Etat.
Disposer d’un laboratoire d’idées à même de valoriser la pensée stratégique et les recherches qui en découlent, permettre la participation des hauts cadres de la Nation à des sessions d’études relatives aux problèmes de la défense nationale en temps de paix et en temps de guerre et offrir aux dirigeants une banque de données intéressant notamment les domaines : économique, scientifique, technique, militaire».
Aujourd’hui, nous avons des ministres qui n’ont pour seule expérience qu’un bref passage dans un parti tout nouveau, tout neuf ou qui ont été les élus et les bénis de Dieu de partis soucieux plus de récompenser et de placer leurs fidèles dans les arcanes de l’Etat que de leurs compétences ! Résultat : la Tunisie peine à se relever de la médiocrité ambiante inscrite en droite lignée de la révolution colorée !
Les tous récents exemples le prouvent. Les déclarations de la ministre de l’Energie qui a appelé les Tunisiens à retirer les fiches de leurs réfrigérateurs lorsqu’ils sortent de chez eux a fait le buzz dans les réseaux sociaux pendant des jours. Celles de la ministre des Finances, limogée tout récemment, qui avait parlé tout naturellement de la dévaluation du dinar ont malmené les tendances du marché de change et porté du tort à nombre d’importateurs qui se sont trouvés désarmés devant la dévaluation subite du dinar. Elle voulait être dans la transparence ! Autant le pays qu’elle-même en ont payé le prix.
Cerise sur le gâteau, c’est Riadh Mouakhar, ministre des Affaires locales et de l’Environnement, qui fait de l’humour lors d’une rencontre à la Fondation Craxi en Italie, pour promouvoir la Tunisie, sur le dos de deux pays voisins: l’Algérie et la Libye.
Le ministre s’était cru inaudible lorsque, voulant faire du charme au ministre italien des Affaires étrangères, il avait déclaré que lors de ses études aux Etats-Unis, «il était contraint de dire que la Tunisie est en dessous de l’Italie parce que les Américains croient que l’Algérie est un pays communiste et ne connaissent la Libye que par le biais de Kadhafi».
Riadh Mouakhar n’a pas seulement touché les Algériens ou les Libyens dans leur amour propre mais il a rabaissé son propre pays.
La Tunisie n’est pas au-dessous de l’Italie, monsieur Mouakhar, elle surplombe la Méditerranée du Sud. Et c’est l’expansion commerciale de Carthage qui a atteint le fin fond des côtes africaines et ses comptoirs qui ont suscité la convoitise de Rome.
Révisez vos leçons d’histoire, monsieur, et surtout comme le dit si bien Tom Lehrer: «Si une personne a des problèmes de communication, le moins qu’elle puisse faire est de se taire».