Les commandes démocratiques ne répondant plus, le chef de l’Etat use du dernier rempart: l’armée. Pourrait-il retourner la situation et sauver le pays d’un dé-tricotage, dont tout porte à croire qu’il est savamment programmé?
«Derrière un mamelon, la garde était massée. La garde, espoir suprême et suprême pensée» (Victor Hugo, l’expiation “Les Châtiments“.
Mis dos au mur, par la fronde, rien ne va plus, a fini par décréter BCE. L’ordre public est bafoué. Le bras de fer imposé au GUN (Gouvernement d’union nationale) a atteint des dimensions, lesquelles, à défaut d’un coup d’arrêt, mettraient en péril, au-delà de l’ordre public, l’intégrité de l’Etat. Il y a péril en la demeure. C’est devenu une affaire de sécurité nationale.
Sortant l’artillerie lourde, le chef de l’Etat a affronté les adversaires de la République. Sans les nommer et parfois en feignant de les nommer, Friendly, dont certains se trouvaient dans l’enceinte du Palais des congrès où il a fait son discours ce mercredi 10 mai 2017, BCE tonnait comme un volcan en éruption. La consigne de sécurité est là: la grande muette entre dans la danse. Le ton est républicain et la méthode démocratique. Par conséquent, la transition est sauve. Mais il fallait actionner les pare-feux pour empêcher que la maison Tunisie ne prenne feu.
Le GUN sauvé par le gong
BCE a fait savoir qu’il s’adresserait à la nation, une semaine à l’avance. Puis il a fait dire qu’il y aurait un avant et un après 10 mai 2017. En rusant ainsi, il a pu figer les esprits le temps de murir sa résolution. Actionner le Firewall. Cela n’est pas sans rappeler le coup d’éclat du Général de Gaulle lequel, avec l’appui de l’armée, avait pu mettre fin au soulèvement estudiantin de mai 68.
Les frondeurs ont engagé un bras de fer contre le GUN. Des revendications irréalistes bloquaient toutes les initiatives de ce dernier. Ses propositions concrètes, souvent consistantes, volontaristes et constructives, étaient bafouées, en bloc. On était dans l’irrationnel, le surréaliste, la surenchère libertaire et sans retenue. Les contestataires, par leur refus de toute main tendue, en arrivaient à cracher dans la soupe. Trop c’est trop!
Le défi au GUN tournait au déni d’Etat. On discutait les attributions de souveraineté de l’Etat, en discutant le principe de l’allocation des richesses du sous-sol, propriété exclusive de l’Etat. En piétinant l’autorité du GUN, on cherchait à mettre l’Etat par terre. Les spéculations fusaient bon train et toutes les sirènes de malheur pavaient la route à des élections législatives anticipées. Tout ce vacarme était destiné à cacher l’ampleur du désastre, de l’éventuelle chute du GUN.
Le prix de l’opération? L’instabilité et la perte de confiance et … bonjour les dégâts. Le pays basculerait dans l’inconnu.
Intervenant “in extremis“, le président de la République a pu sauver les meubles. Le GUN est la monnaie d’échange de la Tunisie, dans ses relations avec tous les partenaires étrangers, pays et institutions multilatérales confondus. Il est naturel qu’il songe à le blinder.
Le coup d’Etat frondeur
C’est de notoriété publique qu’un alter ordre économique est en place dans les régions dites inflammables. Les injustices et autres déséquilibres régionaux en l’occurrence ont servi de leurre. Que les caïds de l’informel poussent à l’insurrection, c’est tout à fait naturel, mais que cette fièvre soit cautionnée par des partis au pouvoir, cela a de quoi surprendre. Mais quand l’UTICA, qui se refuse d’investir, rejoint la grogne, a de quoi étonner. Quand l’UGTT, qu’on ne voit pas pousser à la productivité, pourtant arme fatale pour booster l’investissement, rejoint les contestataires, donne à s’interroger.
BCE dira, l’opposition dispose des canaux institutionnels pour s’opposer. Quand elle déborde ces canaux et veut s’emparer de la rue, alors là “le droit cesse“. En démocratie, ce qui est le cas de la Tunisie, l’opposition ne peut pas être légitimiste. Elle ne peut pas faire croire à un basculement de la majorité en organisant la contestation dans la rue. BCE siffle le hors-jeu et met le peuple à témoin. Il y a préméditation malsaine dans l’air, laisse-t-il sous-entendre. L’Etat sort ses griffes et se défend, et on prend le pari que sous peu les prochains sondages révéleront une adhésion populaire massive à cette option audacieuse.
A deux doigts du but
Loin de nous l’idée d’encenser le GUN, mais il faut reconnaître qu’il est à deux doigts d’infléchir la tendance économique. Tout est en place. L’écosystème et l’environnement d’affaires sont en train de se redéployer, positivement. Tous les codes sont prêts. Les lois sont dans le “pipe“ de l’ARP, et BCE ira plaider la cause de l’économie tunisienne au mois de mai au Sommet du G7 et en juin au G20.
Le Lord Mayor de Londres était chez nous le 11 avril, nous faisant de larges boulevards de coopération financière. Le FMI se fait conciliant, les IDE progressent. En un mot, le pays reprend son souffle. Et l’informel pourrait être étranglé. On comprend dès lors qu’il se débat. Sa convulsion n’aura duré qu’un temps. L’armée pourrait donner au pays la rallonge de stabilité qui lui fera passer le gué.
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Le discours de BCE du mercredi 10 mai sera-t-il à la hauteur des espoirs des Tunisiens?