Des composantes de la société civile ont réclamé, vendredi 12 mai, le retrait du projet de loi sur la réconciliation économique et financière proposé par la présidence de la République.
Actuellement soumis à l’examen de la commission parlementaire de la législation générale, ce projet de loi représente une menace bien réelle pour le processus de la justice transitionnelle, ont-elles averti lors d’une conférence de presse.
Elles ont également mis en garde contre les conséquences d’une éventuelle adoption de ce projet de loi par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
“Ce projet de loi est susceptible de permettre aux personnes corrompues de bénéficier d’une amnistie déguisée sans pour autant révéler la vérité”, a souligné Le président de la coordination nationale indépendante de la justice transitionnelle, Omar Safraoui.
“Le processus de la justice transitionnelle dépend de la mise en œuvre de trois démarches : la révélation de la vérité, la redevabilité et la reddition de comptes, et l’expression explicite d’excuses”, a-t-il expliqué. “Le projet de loi proposé par la présidence de la République ne respecte pas ces démarches et efface tous les crimes économiques et financiers”, a-t-il dit.
Etonné de la persistance de la présidence de la République à faire passer son initiative législative, Safraoui a affirmé que “ce projet de loi est diamétralement opposé au texte de la Constitution dans le contenu comme dans la forme”.
“Il est insensé de combattre la corruption par la conclusion d’un accord de réconciliation avec les corrompus”, a lancé Abdeljalil Bédoui, expert économique et membre du comité directeur du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES).
“Le système de corruption ne peut être démantelé que par les mécanismes de la justice transitionnelle”, a-t-il insisté.
Pour Saloua Kantri, représentante du Centre international pour la justice transitionnelle (CIJT), “le projet de loi sur la réconciliation économique et financière dans sa version actuelle ne respecte pas les principes de la justice transitionnelle. Il consacre plutôt le principe d’impunité”.
“La réconciliation ne peut pas être proposée par l’Etat”, a-t-elle encore estimé. Elle doit être obtenue, à la faveur d’une démarche sociale consensuelle à large échelle, a-t-elle ajouté.
Quant à Salah Mansour, représentant du Réseau tunisien de la justice transitionnelle (RTJT), il a considéré que ce projet comporte plusieurs lacunes juridiques. Selon lui, ce projet s’oppose aux dispositions de la Constitution et aux standards internationaux en matière de justice transitionnelle et de lutte contre la corruption. Il s’arroge les prérogatives de l’Instance “Vérité et Dignité” (Commission d’arbitrage et de réconciliation), ne protège pas les droits des victimes, viole les principes de la bonne gouvernance et s’oppose aux recommandations de la Commission de Venise.
A ce propos, il a renouvelé l’appel du RTJT pour retirer le projet de loi en question et appuyer l’Instance “Vérité et Dignité”.