Lorsque jeudi 9 mars 2017, l’UTICA Academy avait consacré une demi-journée de réflexion sur le thème «Le financement de l’entreprise et de l’investissement», nous ne nous attendions pas à ce que, deux mois après, mercredi 24 mai 2017, soit 2 ou 3 jours avant le mois du ramadan, on organise au siège du patronat une journée de sensibilisation dédiée à la «Zakât» dans les secteurs industriel et de service.
Le thème traité lors de cette journée de formation, organisée en partenariat avec l’Association tunisienne des sciences de la Zakat sous le thème «Zakât des activités commerciales et industrielles», touche principalement les fondements charaiques de la comptabilité de la Zakat. Les organisateurs comptent les vulgariser face à une assistance d’opérateurs privés. «Comprenez, explique l’attachée de presse de l’Association, les entrepreneurs qui veulent s’acquitter de leur devoir de Zakât ne savent pas s’y prendre, ils nous contactent et nous calculons avec eux à la lumière de leurs chiffres d’affaires le montant qui doit être dédié à la Zakât. Tous le font anonymement».
L’UTICA chercherait-elle à voler la vedette au ministère des Affaires religieuses? Ou aux milliers d’associations caritatives dédiées à la propagation de l’économie islamiste dans notre pays? Parler de Zakât aujourd’hui, est-ce une priorité?
Nous aurions pensé qu’avec autant de secteurs économiques en souffrance, principalement nos industries qui ne sont plus compétitives et qui se désintègrent de jour en jour à cause des invasions des produits turcs et chinois, l’UTICA plancherait surtout sur un plan de sauvegarde et des campagnes de sensibilisation dans toutes les directions pour les remettre à flot. Eh non! Elle s’est plutôt investie dans l’organisation d’une journée de sensibilisation pour mettre en avant l’importance de la Zakât. Il faut surtout mourir béni de Dieu n’est-ce pas!
Toujours selon la responsable de communication de l’Association: «L’objectif de toutes les campagnes de sensibilisation est de faire prendre conscience aux acteurs économiques de l’importance de leur apport en Zakât pour lutter contre le chômage et la précarité. Baytou Al Zakât (Le Fonds de la Zakât), c’est ce que nous voulons créer dans notre pays à l’instar de ceux qui se trouvent dans les pays du Golfe ou du Moyen-Orient».
Génial! La dynamique de la Zakât soutenue par l’UTICA Academy pourrait d’une pierre faire deux coups: assurer la quiétude des croyants -qui veulent être en accord avec Dieu en obéissant à un devoir sacré- et aider peut-être à créer des microentreprises, PMI et PME. Pourquoi pas? Tout dépendra de la générosité du donateur et de la capacité des concernés à propager le bien autour d’eux.
On voit bien que cela bouge à l’UTICA. C’est peut-être par ces actions inédites que l’on pourrait redynamiser une institution qui vient de fêter ses soixante-dix ans d’existence en s’adossant dans l’ère postindépendance à des modèles économiques porteurs. A l’UTICA, on a peut-être oublié que Bourguiba, l’édificateur de la Tunisie moderne, avait banni juste après l’indépendance des institutions telles les «habous» ou «waqf» (biens de mainmorte) parce qu’inadaptées à son ambition de projeter la Tunisie dans le monde développé. Quant à la «Zakât, au service de bit al-mal de la Oumma, elle permettait d’assurer jadis les dépenses de l’Etat musulman naissant. Actuellement les services des impôts alimentent le budget de l’Etat, comme pratiquement dans tous les pays du monde», écrit-on sur l’Economiste maghrébin, précisant que la Zakât joue donc le rôle d’aumône légale, pour les croyants, exerçant librement et volontairement leur devoir de charité. Ce qui est par définition un acte individuel qui ne pourrait être chapeauté par une institution patronale.
Est-ce un moyen détourné d’imposer un nouveau modèle économique à la centrale sans qu’elle s’en rende compte? Un patronat doit-il être un acteur dans ce retour en arrière? Ou pense-t-on réellement à l’UTICA que la Zakât et un Fonds de Zakât pourraient offrir une solution aux maux économiques de notre pays?
Pour précision, l’Association tunisienne des sciences de la Zakât a été créée à Sfax en 2012 par Mohamed Megdiche, expert-comptable, et est dirigée par le Cheikh Habib Kallel. Elle a déjà organisé en 2013 avec la Faculté des Sciences économiques et de gestion de Sfax un forum baptisé «Vision islamique de lutte contre la pauvreté et le chômage».
Quant à la Zakât: «C’est une contribution spécifique amassée à partir de l’excédent de la fortune et des bénéfices du musulman. Elle est due une seule fois aux termes de toute année lunaire, et ce au cas où la personne concernée est en possession du minimum valable d’une fortune considérable, reconnue pour être le “Nissab”».
Amel Belhadj Ali