Quand Béji Caïd Essebsi a été élu, en novembre-décembre 2014, président de la République à quatre-vingts ans, il semblait évident pour bon nombre de Tunisiens qu’il n’exercerait la magistrature suprême que durant un seul mandat au bout duquel il ferait valoir ses droits à la retraite. Deux ans et demi plus tard, ce qui semblait évident -et aller de soi-, ne l’est plus tellement aujourd’hui.
Bien sûr, BCE n’a à ce jour ni annoncé qu’il allait se représenter ni dévoilé sur ses intentions. Mais dans son entourage, notamment au sein de parti, Nidaa Tounes, l’idée d’un deuxième mandat pour le «vieux», comme on l’appelle, commence à faire son chemin. Deux déclarations en témoignent.
La première date du 27 mars 2017 et a été faite par Néji Jalloul, alors ministre de l’Education, qui y affirmait qu’il soutiendrait l’actuel président s’il se portait candidat pour un second mandat en 2019.
La deuxième l’a été, près d’un mois plus tard, par Raouf Khamassi. Le membre du comité politique de Nidaa Tounes prononce la même phrase et va un peu plus loin en affirmant que «Béji Caïd Essebsi a droit à un second mandat et il est le seul à pouvoir dire si oui ou non il présentera sa candidature. S’il prend cette décision, il va de soi que je le soutiendrai de façon totale car j’ai confiance en lui».
En outre, un autre fait pousse à penser que la «cour» est en train, comme cela a été fait sous Bourguiba et Ben Ali, de préparer une vague de «mounachadat» (exhortation) afin de «convaincre» l’actuel président de se représenter et qui déboucherait sur l’«acceptation» de l’heureux élu d’«accéder à la demande des masses populaires». Ce fait consiste en la «réactivation» -probablement à l’instigation du Palais de Carthage- de la campagne en faveur de l’amendement de la nouvelle Constitution en vue de sortir la Tunisie du régime parlementaire «tempéré» ou amendé pour la ramener sous un régime présidentiel, voire présidentialiste appelé de ses vœux par l’actuel chef de l’Etat.
Cette réactivation prend la forme d’une série de déclarations de personnalités politiques faites de manière quasi concomitante avec la publication d’articles dans divers organes de la place s’accordant tous sur l’absolue nécessité d’un tel amendement constitutionnel.
Les dernières personnalités en date à avoir apporté leur soutien au locataire du Palais de Carthage dans cette bataille sont Mohsen Marzouk et Kamel Morjane, secrétaires généraux respectivement de Machrou Tounes (le Projet de la Tunisie) et d’Al Moubadara Al Doutouria (l’Initiative destourienne).
Or, la remise dans le débat national de la question de la nature du régime politique ne peut pas ne pas être considérée comme la «preuve» d’un –plus que probable?- appétit de BCE pour un second mandat présidentiel. Car on imagine mal l’actuel chef de l’Etat se donner autant du mal pour faire amender la nouvelle Constitution s’il ne devait pas en profiter en premier. Mais ce n’est pas gagné d’avance. Car n’ayant pas réussi à convaincre le mouvement Ennahdha de l’appuyer dans cette croisade, BCE va devoir obtenir le soutien de la plupart des autres formations représentées à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) s’il veut arriver à ses fins.