Deux événements meurtriers graves ont eu lieu le 18 et 19 mai 2017 en Libye. Au regard de leur gravité, ils risquent de changer la donne dans toute la région et compromettre sérieusement le processus de réconciliation et de paix engagé sous l’égide de l’ONU dans ce pays voisin. Cette escalade de la violence en Libye pourrait également impacter la Tunisie dont le sud est déjà en ébullition.
Des militaires et civils exécutés de sang froid
Le premier évènement a eu lieu au sud du pays. Localisée à 650 km au sud de Tripoli et à 50 km de Sebha au sud de la Libye, la base de Brak al-Shati, contrôlée par l’Armée nationale libyenne (ANL) autoproclamée par le général Haftar, a été attaquée, selon des sources militaires, par “la 3ème Force, un puissant groupe armé de la ville de Misrata (nord), officieusement loyal au gouvernement d’union nationale (GNA)”.
Dernier bilan de l’attaque: au moins 141 personnes, des blessés et des disparus dont la plupart des soldats loyaux à l’homme fort de l’est libyen, Khalifa Haftar, ont été tués.
Ces soldats, qui revenaient d’un défilé militaire dans l’est de la Libye, n’étaient pas armés, pour la plupart. “Ils ont été exécutés”, selon Ahmad al-Mesmari, porte-parole de l’ANL.
Parmi les victimes figurent aussi des civils qui travaillaient sur la base ou qui se trouvaient aux alentours.
Conséquent : l’émissaire de l’ONU en Libye, Martin Kobler, s’est dit indigné “par des informations sur un nombre important de morts, y compris des civils, et des rapports selon lesquels des exécutions sommaires auraient pu avoir lieu”.
Le chef du GNA, Fayez al-Sarraj, aurait mis en place une commission d’enquête et décidé de “suspendre le ministre de la Défense, al-Mahdi al-Barghathi, et le commandant de la 3ème Force jusqu’à ce que soient identifiés les responsables” de l’attaque. Quant à Khalifa Khaftar, il a promis une vengeance terrible.
Par-delà la réaction des uns et des autres, cette attaque fait voler en éclats le timide rapprochement qui a eu lieu, début mai, à Abou Dhabi entre le chef du GNA, Fayez al-Sarraj, et Haftar, et surtout le fragile accord conclu entre les deux hommes en vue d’arrêter l’escalade militaire dans le sud.
Assassinat à Benghazi d’un grand chef de tribu pro-khaftar
Le second évènement est encore plus dramatique. Il consiste en l’assassinat, vendredi 19 courant, à Benghazi (Est de Libye) à la sortie d’une mosquée, du chef de la tribu Ouakir, Ibrik Louati, dans un attentat à la voiture piégée. Ce dernier est un des principaux chefs de tribus les plus respectés de Libye et qui a toujours soutenu le général Haftar.
Ces deux évènements d’une extrême violence ne sont pas fortuits. Ils viennent confirmer que le processus de réconciliation n’est pas du goût de plusieurs parties. Parmi celles-ci figure le bloc politico-militaire de Fajr Libya, qui rassemblait depuis l’été 2014 des forces islamistes, des représentants de la ville marchande de Misrata et les milices du chef de guerre de Tripoli, Abdelhakim Belhaj. Ce dernier avait déclaré dernièrement que “si jamais un conflit armé se déclenche à Tripoli, c’est toute la région qui s’embrasera“, allusion aux pays voisins. Le message est des plus clairs”.
Menaces sur la Tunisie
Ces événements viennent confirmer les craintes formulées récemment par Walid Phares, conseiller en politique étrangère de Donald Trump. En effet, il avait affirmé, début avril 2017 dans une publication sur Facebook, qu’”ils ont reçu des informations concernant des tentatives pour faire tomber le gouvernement tunisien”.
Selon lui, les islamistes en Libye et les islamistes en Tunisie sont en train de collaborer pour faire tomber le gouvernement tunisien.
Le conseiller de Trump a ajouté que “si ces informations sont correctes, ça sera un défi pour les modérés en Tunisie et en Afrique du Nord, et donc pour les États-Unis d’Amérique également”.
En outre, ces évènements montrent également que les troubles qui ont eu lieu actuellement dans le sud tunisien, plus exactement à Tataouine (sit-in d’El Kamour) et à Kébili (sit-in d’El Faoaur) ont des connotations déstabilisatrices pour la Tunisie. Elles vont dans le sens de la crainte exprimée par l’équipe Trump.
Pour mémoire, quelques jours avant la cérémonie de l’investiture du président américain, Donald Trump, son haut conseiller, Sebastian Gorka, avait fait part à un diplomate européen d’un plan pour diviser la Libye en trois parties. L’information avait été rapportée à l’époque par The Guardian.
Sur le plan de Gorka dessiné sur un mouchoir, la Libye était divisée en trois parties suivant les provinces de l’époque de l’Empire Ottoman.
Cela pour dire que la Tunisie, tout comme l’Algérie, se doivent d’être extrêmement vigilantes à leurs frontières avec la Libye, objet d’un plan diabolique de division et de déstabilisation. Il y a péril en la demeure.
Quant au gouvernement tunisien, il a tout intérêt à régler au plus vite la problématique des insurrections non encadrées et aux desseins non avouables dans le sud du pays. Sinon, c’est le pire qui nous attend.