Un statut dédié aux Français de l’étranger, une meilleure politique d’intégration et de reconnaissance de l’autre, une évaluation de l’image de la France à l’international et particulièrement en Afrique. Autant d’axes importants évoqués dans l’entretien ci-après avec Erwan Davoux, candidat républicain à la 9ème circonscription des Français de l’étranger, qui regroupe 16 pays d’Afrique (dont la Tunisie, l’Algérie et le Maroc) aux élections législatives de juin prochain.
Première partie d’une longue discussion
WMC : Lors du dernier débat qui avait opposé Emanuel Macron et Marine Le Pen, juste avant le second tour de l’élection présidentielle, les Français résidant à l’étranger ont été complètement ignorés. C’est comme s’ils n’existaient pas. Alors qu’il y a quand même en dehors des frontières de l’Hexagone une forte présence française. Par quoi expliquez-vous cela?
Erwan Davoux : Exactement. Nous avons observé ces dernières années la confirmation de la tendance du repli sur soi. Les débats dans notre pays sont devenus franco-français. C’est comme si la France vivait en vase clos, comme si la mondialisation ne la touchait pas, ou encore qu’elle souhaitait mettre des barrières et des protections. C’est comme si elle nourrissait une suspicion envers tout ce qui est étranger ou différent.
Personnellement, je suis contre ces choix et cette tendance. Je pense que la France ne peut être une puissance qui compte et qui influence le cours de choses que si elle est ouverte sur le monde et attractive pour les autres. Ni les Etats-Unis ni la Russie ne se suffisent à eux-mêmes. La France n’est pas un très grand pays. Elle n’est pas un Etat continent, aussi bien sa superficie que le nombre de français par rapport à la population mondiale, font que si elle veut s’imposer à l’international, si elle veut exister, elle doit être ouverte et attractive pour les autres.
Et effectivement dans le débat que vous avez évoqué, les questions abordées étaient franco-françaises. Nous n’avons pas relevé ne serait-ce que l’esquisse des politiques étrangères qui pourraient être envisagées par notre pays. Les préoccupations des Français qui vivent à l’étranger -qui sont quand même 2,5 millions- n’ont pas été soulevées.
On n’en parle pas parce que l’idée dominante est que les Français de l’étranger sont soit des fonctionnaires, soit des cadres expatriés. Ce n’est pas vrai. La population française à l’étranger ne cesse d’augmenter. Elle augmente et elle se diversifie. Les Français vivant hors frontières nationales représentent la France dans toute sa diversité. Il y a une part importante d’entrepreneurs qui estiment que monter des projets en France est très compliqué et préfèrent s’implanter à l’étranger. Le problème de la France est qu’elle a adopté une politique confiscatoire. Donc les entrepreneurs qui choisissent d’entreprendre en Tunisie, au Maroc ou en Côte d’Ivoire, pensent qu’il est beaucoup plus simple pour eux de se projeter ailleurs.
Effectivement, je pense que le gouvernement français n’accorde pas assez de considération aux Français vivant à l’étranger. Ces Français qui, souvent, prennent des risques, et qui sont considérés comme des nantis. Ils sont pourtant entrepreneurs, retraités, ou encore étudiants ou compétences expatriées. Il est temps que la France leur accorde l’importance qu’ils méritent.
Vous aviez parlé lors d’une interview que vous aviez accordée à un confrère au mois de février 2017 que vous étiez en train d’élaborer un plan pour la création d’un statut particulier pour les Français de l’étranger. Où en êtes-vous par rapport à cela?
J’avais effectivement évoqué cette idée alors que j’étais en campagne avec Alain Juppé, lors des élections primaires de la Droite et du Centre. J’étais responsable des Français de l’étranger. J’ai pensé à la création d’un statut qui visait en quelque sorte à corriger les contraintes nées de l’éloignement géographique. Et en la matière, j’ai axé ma réflexion sur deux domaines particuliers.
D’abord, celui de l’enseignement. L’enseignement en France est gratuit. La contrepartie est que les Français s’acquittent des impôts sur le revenu. Ce n’est pas le cas de nos compatriotes à l’étranger, où l’enseignement n’est pas gratuit. Il y a quand même un problème qui se pose partout et c’est celui des frais de scolarité qui n’arrêtent pas d’augmenter d’une année à l’autre.
En plus, la qualité de l’enseignement régresse. Le statut des Français à l’étranger concernant l’enseignement se traduit, pour moi, par une meilleure instruction et la maîtrise des coûts et des frais de scolarité.
La deuxième question qui m’importe est la fiscalité. Il s’agit d’accorder un traitement équitable aux Français à l’étranger. Lors de son quinquennat, François Hollande a assujetti tous les Français de l’étranger au paiement de la CSJ et de la RDS. Cette taxe sert à combler le déficit du régime de sécurité sociale. Sauf que ceux qui vivent hors des frontières nationales n’en profitent pas. Ils ont leur propre caisse, celle des Français à l’étranger. Ce texte de loi a été condamné par la Cour de justice de la Communauté européenne. Hollande a dû réviser sa copie.
Donc il s’agit d’enseignement, de fiscalité et d’une couverture assurance. Un Français qui a un projet à entreprendre à l’étranger et qui peut perdre son travail pour une raison ou une autre -une catastrophe naturelle, un changement de régime- perd tout. Nous sommes passés par là en 2004 en Côte d’Ivoire. Je propose la création d’une assurance au coût raisonnable, soutenu au début par l’Etat en partenariat avec un grand assureur français.
Nous proposons aux Français qui prennent des risques et qui ont créé leurs entreprises à l’étranger d’être assurés en cas de coup dur, et cette formule n’existe pas aujourd’hui.
Je propose également de créer un fonds d’investissement. C’est en fait un fonds d’amorçage en quelque sorte. Il concerne les entrepreneurs qui ont une idée intéressante, innovante, audacieuse et bien réfléchie pour le lancement d’un projet et qui ne peuvent pas obtenir de prêts des banques, ou difficilement. Nous pouvons les aider au moins dans la phase de lancement. C’est ainsi que nous pourrions mieux, en tant qu’instances du gouvernement français, accompagner et protéger nos compatriotes à l’étranger. J’espère que, même si Alain Juppé, mon candidat, n’est pas devenu président de la France, ce statut spécifique à nos compatriotes à l’international verra le jour. Je le défendrais corps et âme et je continuerai à le défendre et à le porter, si je suis élu.
Vous vous présenterez sous quelle bannière en tant que député? Parce qu’aujourd’hui, c’est la confusion en France, nous n’arrivons plus à distinguer la droite de la gauche. Quant à Macron, il est de droite tout comme il est de gauche alors…
Oui. Il y a une certaine confusion. Je me suis, personnellement, engagé très jeune dans la politique. J’avais 16 ans et ma référence était Jacques Chirac. A l’époque, il y avait le RPR; la famille gaulliste qui est devenue l’UMP, puis Les Républicains. Je suis fidèle à cette famille et je serais candidat sous cette étiquette. Celle des Républicains, aux élections pour les Français à l’étranger qui se tiendront les 4 et 18 juin. Le premier tour a lieu une semaine avant celles se déroulant en France. Le deuxième se tient le même jour. J’ai été d’ailleurs étonné que pour ces élections, le gouvernement ait supprimé le vote électronique. Je l’ai dénoncé, parce que c’est un dénier la démocratie. Pour voter, il faudrait aller dans les bureaux de votes physiques, comme ce qui s’est passé pour la présidentielle. Ce n’est pas évident.
Prenez l’exemple de la Côte d’Ivoire, il y a des bureaux de vote à Abidjan seulement. Les votants doivent faire 8 heures de route, donc soit vous y allez, soit vous ne votez pas. Au Mali pareil, en Tunisie ça serait moins difficile. Mais c’est discriminatoire, surtout qu’auparavant les votes électroniques ont été tolérés. J’estime que prendre cette décision à deux ou trois mois du scrutin est un manque de considération pour les Français de l’étranger.
En 2012, il y a eu des votes électroniques, pourquoi pas en 2017? Si la France est incapable d’assurer en 2017 ce qu’elle a assuré en 2012, c’est inquiétant.
Quelles seraient les véritables raisons derrière cette décision d’après vous?
Je pense que les raisons invoquées sont que les Français de l’étranger votent plutôt centre droite. Ce qui n’est pas du goût du PS. J’appelle mes compatriotes à faire des efforts, surtout que les élections législatives tombent en plein mois de ramadan, donc pour les Français musulmans, ce n’est pas évident du tout. Et quand il faut faire des centaines de km, c’est encore plus difficile. Heureusement qu’en Tunisie il y a des bureaux de vote à La Marsa, à Sousse, Djerba, Bizerte, Sfax et à Tunis. La Tunisie est plutôt bien servie mais il y a quand la contrainte des longs déplacements.
Il y a les Français de souche, il y a les binationaux, les préoccupations et les intérêts sont différents. Pour Marine Le Pen, déchoir un binational de la nationalité française a été un cheval de bataille dans sa campagne électorale. Comment comptez-vous sécuriser les binationaux en tant que député de droite?
Que Marine Le Pen en parle, ce n’est pas étonnant. Elle a toujours défendu la thèse d’une France frileuse, repliée sur elle-même, qui dénigre la diversité, ce que je combats frontalement. Mais que ce François Hollande, un président soi-disant socialiste, qui l’ait voulu, c’est choquant. Un projet de loi a été proposé par ses soins à inscrire dans la Constitution française qui est la quintessence des valeurs républicaines pour la déchéance de nationalité contre toute personne ayant participé à des actes de délinquance ou de terrorisme. Que pareille décision soit prise ça ne me dérange pas à condition qu’il n’y ait pas de discrimination entre les uns et les autres et qu’elle s’applique à tous les Français.
On a voulu inscrire en droit deux catégories de Français, dans la Constitution. Les vrais Français -de souche- en quelque sorte, et les Français de seconde catégorie. Je trouve que c’est indigne, j’ai combattu ce projet, minoritairement, et il m’en a coûté politiquement mais ce n’est pas important. Les «Juppéistes» l’ont combattu, parce que ce n’est pas conforme à l’idée que nous nous faisons de notre France.
La dernière fois qu’il a été procédé à une déchéance de nationalité, c’était pendant la Seconde Guerre mondiale au gouvernement de Vichy. Donc, que la Gauche soit contaminée par pareilles idées, ça prouve qu’il faut faire un effort important de pédagogie pour faire comprendre aux Français que l’avenir n’est pas sur le repli et ce n’est pas sur flatter l’instinct de conservation des Français.
Il est normal que les Français soient inquiets. D’abord il y a la crise économique qui n’en finit pas, et puis un nouveau phénomène de la vulnérabilité suscité par les attentats. Mais que les hommes politiques entretiennent cette inquiétude, c’est grave, car leur rôle est de rassurer et de rappeler la grande histoire de la France et ses traditions d’ouverture. Il suffit d’en débattre avec nos compatriotes en leur disant: voici ce que je propose, voyez ce que nous pouvons ensemble faire de la France dans 10 ans. Aidez-moi à construire des projets positifs, c’est le rôle que doivent jouer les hommes politiques.
Ne pensez-vous pas que pour les binationaux vivant en France ou la deuxième ou troisième génération, il y a un problème fondamental qui s’appelle “repères identitaires“? Les plus radicalisés dans notre pays sont ceux qui rentrent de l’étranger et particulièrement de France. Ne pensez-vous pas que l’intégration des Français musulmans reste difficile, c’est comme si ailleurs ils vivaient dans des ghettos?
Effectivement. En quelque sorte, ils sont sans racines, et donc très sensibles à des idéologies qui leur promettent de retrouver leur identité. Il y a aussi la question de la dignité et le sentiment d’appartenir à une communauté. Parce que nous voyons aujourd’hui est qu’ils ont le sentiment de n’appartenir à aucun de leur deux pays. C’est l’échec de l’intégration.
Je trouve que la double nationalité est une chance. Il faut la préserver; l’avoir, c’est avoir une double culture, une double appartenance et aimer les deux pays. Il ne faut pas rejeter les deux pays ou rejeter les deux cultures. Ne pas se sentir bien dans sa peau dans l’une ou dans l’autre est dangereux.
Vous évoquiez les ghettos. Pour beaucoup, il n’y a plus d’espoir et donc la radicalisation devient facile. Mais c’est parce que nous ne faisons pas les efforts nécessaires pour réussir le pari d’une véritable intégration.
Il y a eu un débat en France autour de l’apprentissage de la langue arabe et on est sorti dire “non il ne faut pas apprendre l’arabe dans les petites classes“. On laisse les jeunes se couper de leurs racines, apprendre un arabe de banlieues, se radicaliser, réciter des versets du coran dont ils ne comprennent même pas le sens.
Il faut reconnaître l’échec, et il faut arrêter de faire de la démagogie. Moi je suis pour l’apprentissage de l’arabe tôt dans les écoles pour les personnes qui le souhaitent. Mais cela doit être un apprentissage dans le cadre de l’école de la République, avec des professeurs formés pour cela. La langue arabe est une très belle langue, je suis en train de l’apprendre depuis 6 ans j’en suis très heureux.
L’expérience américaine en matière d’intégration ne devrait-elle pas inspirer la France qui est un pays d’accueil pour nombre de nationalités? Pourquoi aux Etats-Unis, pays d’immigrés, nous le savons, l’intégration se fait de manière aussi naturelle alors que ce n’est pas le cas de la France?
Je suis d’accord avec vous. En Europe, on présente les Etats-Unis comme une panoplie de races et d’origines. Et c’est vrai que dans ce pays, le multiculturalisme est perçu très naturellement. Quand on arrive aux States, si nous sommes talentueux, compétents, nous devenons des citoyens américains à part entière. Ce n’est pas le cas de l’Europe où il y a beaucoup de préjugés sur les origines des gens. Je crois qu’il faut revoir complètement la politique d’intégration, je ne vois pas comment nous pourrions faire sinon.
En France, il y a 4 à 5 millions de personnes qui ont la double nationalité. Il faut qu’ils s’y sentent à l’aise à partir du moment où ils respectent les valeurs de la République. Parce qu’il y a la République française et ses normes. Les lois s’imposent à tous. Une fois qu’on est en France et qu’on réussit, on est Français à part entière. Je dis souvent que sous la houlette de François Hollande, la France a continué à être une forteresse pour des gens qui ont du talent, qui ont du mal soit à venir étudier en France, soit à réussir sans être montré du doigt, parce qu’ils ne sont pas Français de souche bien que je n’aime pas cette expression.
Et bien sûr notre pays est aussi une passoire pour l’immigration clandestine. La France a complètement raté sa politique d’intégration. Il faut la revoir, il y a des élèves qui ont suivi leurs études dans des établissements français et qui n’ont pas la nationalité française. Ils ont du mal à venir continuer leurs études en France. Ils devraient pourtant le faire quand ils réussissent brillamment leur baccalauréat sans tracasseries administratives avec un visa francophone.
Le déclin de la Francophonie dans les régions du monde où la langue française était enseignée en tant que deuxième langue est notable. La France perd de plus en plus son empreinte culturelle dans nombre de pays et par là même son rayonnement à l’international. Comment expliquez-vous cela?
Vous mettez là le doigt sur un point essentiel qui est le recul très préoccupant de l’influence française et de la diplomatie française. La France avait un rayonnement particulier. C’était le cas du temps de Jacques Chirac, qui s’était opposé à la guerre en Irak notamment. Mais il n’était pas seul, il a réussi à attirer avec lui l’ensemble de la communauté internationale. Il avait raison, et ce que nous vivons aujourd’hui au Moyen-Orient est la conséquence de cette guerre.
La France avait aussi une politique arabe qui a disparu. Voyez le conflit israélo-palestinien, les colonisations reprennent de plus belle et où est la voix de la France? Nulle part. Et ce qui est encore plus grave est que personne n’attend plus rien de nous.
Concernant la guerre en Syrie, la France est éliminée d’office et ne compte plus parmi ceux qui cherchent une solution à la crise. Elle a eu des postures morales et les a communiquées mais personne ne l’a écoutées. Il y a eu un suivisme de la France d’autant plus inquiétant que les Etats-Unis ne savent plus où aller.
Sur la Syrie, Hollande a gonflé les muscles en disant: “nous allons intervenir“. Il s’est retrouvé abandonné par ses propres alliés.
Même chose, la France n’a plus de politique africaine. On nous dit tous que la France-Afrique c’est terminé. Bien sûr que c’est le cas. Il faut une nouvelle relation construite sur des bases égalitaires, de coopération, qui donnent la priorité au secteur privé, qui intègrent les ONG et la jeunesse africaine.
Je suis très inquiet de voir l’image négative de la France chez la jeunesse africaine. Nous ne voyons pas de nouvelle politique africaine, la France est aujourd’hui incapable de la créer. Il y a eu l’intervention de la France au Mali qui était légitime et que nous avons soutenue, mais elle ne suffit pas pour créer une politique africaine. Nous ne pouvons accepter d’exister que lorsqu’il y a une crise majeure.
En termes d’influence en Afrique, la France recule. En termes de francophonie, d’enseignement, la diplomatie culturelle de la France -qui était forte-, est devenue le parent pauvre pendant ce quinquennat. Il faut sauver cette diplomatie culturelle, il faut arrêter de rogner sur les budgets de l’enseignement français à l’étranger. Il s’agit de -8% pendant le quinquennat de Hollande. Les instituts français se battent avec des budgets de plus en plus réduits, pour continuer à proposer un programme riche.
Nous avons la chance d’avoir des directeurs très engagés, mais avec des budgets aussi limités, nous sommes en train de ruiner l’influence de la France à moyen et long terme dans cette partie du monde. Il est capital de continuer à diffuser la culture et la langue françaises. Si nous voulons peser sur les affaires du monde, si nous voulons conserver un rayonnement et si nous voulons conserver une relation privilégiée, avec les pays de la rive sud de la Méditerranée et avec l’Afrique.
Pouvons-nous parler d’économie quand la culture et l’approche culturelle font défaut? Mais bien sûr dans le respect du pays d’accueil. La phase Hollande a «brillé» par un interventionnisme éhonté dans la politique intérieure de la Tunisie à titre d’exemple. Les ambassadeurs se conduisaient comme des résidents généraux!
Vous prêchez un convaincu. Je pense qu’il faut cesser cette espèce de néocolonialisme. J’ai été choqué qu’un François Hollande prenne carrément position dans l’élection présidentielle tunisienne pour monsieur Marzouki, parce qu’il y a des liens avec l’international socialiste. La France n’avait pas à prendre parti. Cela m’a vraiment choqué!
Pour ne pas personnaliser, j’estime que l’ambassadeur français en Tunisie doit être plutôt un grand diplomate et non pas un résident général. Il ne doit pas s’occuper des affaires internes et de politiques tunisiennes, mais faire en sorte que la France soit toujours le pays pionnier en Europe pour diriger les regards vers la Tunisie. Parce que la France ne sait plus faire, parce qu’elle ne pèse plus beaucoup en Europe, son déficit de crédibilité économique fait que sa voix est moins entendue. Le rôle qu’elle avait assuré de par le passé pour orienter ses partenaires vers la rive sud de la Méditerranée, elle le joue de moins en moins. Et pourtant, c’est ce qu’elle faisait de mieux. Etre pionnière au sein de l’Union européenne dans le Sud avec l’Allemagne qui joue son rôle au nord.
La France perd de son influence et l’ambassadeur est là pour faire valoir les politiques françaises dans leurs dimensions économiques et culturelles et pas se limiter à l’aspect sécuritaire.
Qu’un ambassadeur français déclare qu’il est là pour assurer, n’a pas de sens. Les Français en France ne sont pas plus en sécurité que les Français qui vivent ici.
Il revient à la Tunisie d’assurer la sécurité des Français et des étrangers qui y résident en Tunisie. C’est à l’Etat tunisien de le faire.
Je souhaiterais, en ce qui me concerne, que la France accorde à la Tunisie toute l’importance qu’elle mérite. Parce que la Tunisie est un pays pionnier. J’y suis né et j’y ai grandi. La première conscience politique que j’ai eue en Tunisie est celle du président Bourguiba, parce que c’est un visionnaire, c’est un grand homme. Il était omniprésent dans les infos. C’est lui qui m’a mis sur le chemin de la politique. La Tunisie à cette époque-là, et même avant ma naissance et avant l’indépendance, était un pays pionnier par beaucoup d’aspects. Elle l’a été à nouveau au moment de la révolution, et j’aimerais qu’on comprenne que la réussite de la Tunisie dans cette période est capitale –parce que non seulement c’est son avenir qui est en jeu mais beaucoup plus que ça- elle est un modèle pour toute une région. Et j’aimerais qu’on en prenne conscience et je ne suis pas sûr que la France fasse le nécessaire pour ça.
Entretien conduit par Amel Belhadj Ali