Après le limogeage indélicat sous la pression des syndicats de l’enseignement de l’ancien ministre de l’Education, Néji Jalloul, les observateurs de la chose publique tunisienne ont prévu, pour les jours à venir, une exacerbation du banditisme syndical.
Ces observateurs n’ont pas tort. Ils ont vu juste. En l’espace de dix jours après le limogeage de Néji Jalloul, un certain 30 avril 2017 – timing qui dit long du reste sur le cynisme du chef du gouvernement, Youssef Chahed- les syndicalistes se sentent en terrain conquis et multiplient provocations et déclarations menaçantes.
Deux récentes déclarations méritent qu’on s’y attarde. La première est à l’actif du secrétaire général adjoint de l’UGTT, Abdelkarim Jerad. Il a déclaré quelques heures après le départ de Néji Jalloul, que la ministre de la Santé, Samira Maraï, fera partie du prochain groupe de ministres partants. Pour lui, cette ministre est en train de gérer son département de façon catastrophique.
Le banditisme syndical sur les ondes de la radio
Il en sera probablement ainsi au regard de la démonstration de force avec laquelle l’UGTT avait géré le bras de fer entre les syndicats de l’enseignement et l’ex-ministre de l’Education.
La centrale syndicale étant, comme ses adhérents aiment à le scander à gorge déployée, la plus grande force dans le pays, “el ittihad aqwa qoua fil bled“. Face à la corruption de l’administration, à la déliquescence de l’Etat et de la classe politique en général, l’UGTT fait désormais la pluie et le beau temps.
La deuxième déclaration est à l’actif de Mastouri Gammoudi, secrétaire général du syndicat de l’enseignement de base. Lors d’une émission sur les ondes de la Radio nationale, le 8 mai 2017, il a pris en partie le jeune journaliste Ousfi Bsila, en le sommant sur un ton menaçant, hystérique et autoritaire, de ne plus critiquer l’UGTT “sinon les syndicalistes te feront taire”, a-t-il dit avant d’ajouter: “l’UGTT est plus grande que tout le monde et personne ne peut la critiquer” (une vidéo sur cette scène hystérique circule sur le Net).
Une nouvelle génération de syndicalistes voyous
Ces déclarations interviennent après celle encore plus grave du secrétaire général du syndicat de l’hôpital Habib Bourguiba à Sfax, Adel Zouaghi, quand il avait lancé à l’adresse de journalistes de la chaîne de télévision El Hiwar Ettounsi «Le jihad contre vous est halal».
Elles interviennent également après celle de Lassad Yacoubi, secrétaire général de l’enseignement secondaire, quand il avait déclaré sur les ondes de Radio Monastir que tous ceux qui n’apprécient pas les revendications matérielles de son syndicat “boivent l’eau de mer”.
Elles interviennent également après celle du secrétaire général de la Fédération générale de la santé, Othman Jallouli, qui avait proféré un torrent d’injures et de menaces à l’adresse de l’ancien ministre de la Santé Said El Abed, ministre que Lassad Yaccoubi avait comparé “au résident général français”.
Ces syndicalistes -les Jerad, Mastouri, Zouaghi, Jallouli ou Yaacoubi- ne sont pas des cas isolés. Ils sont représentatifs d’une nouvelle génération de syndicalistes nihilistes et flemmards, et ce pour une raison simple: leur rendement professionnel tout autant que celui de leurs troupes laissent à désirer. Il est tout simplement nul. Ce sont des éternels resquilleurs de la fonction publique. Le principe étant “tu es dans ce qui tu donnes”.
A titre indicatif, tous les maux -bien tous les maux- de la Tunisie viennent comme par hasard de la mauvaise qualité de l’enseignement et de l’incompétence de certains enseignants.
On pourrait avancer que la faute est au système et aux politiques, mais ces derniers ne sont jamais présents dans une salle de classe où l’enseignent est maître de céans.
Cela pour dire que ce gangstérisme syndical est hélas une exception syndicale tunisienne. Il importe de méditer sérieusement sur ce phénomène d’autant plus que partout dans le monde les syndicats voient leur influence se réduire comme une peau de chagrin. Or, le rôle historique qu’a joué l’UGTT dans l’indépendance du pays ne doit aucunement justifier ses dérives.
Le pays a plus que jamais besoin d’un leader politique de la trempe de l’ancienne Première ministre britannique Margaret Thatcher qui avait combattu, concomitamment et de manière ferme, le banditisme syndical et la corruption de l’administration. La Grande-Bretagne lui doit, de nos jours, progrès et prospérité.