L’UE prépare, pour le mois de septembre prochain, le lancement d’un plan de financement du développement en faveur des pays du pourtour sud de la Mare Nostrum.
Une délégation de parlementaires européens a séjourné en Tunisie, du 22 au 24 mai 2017. C’est une mission parlementaire régulière. L’UE prend en permanence le pouls du pays. Cela permet de mettre à jour, en permanence, le bilan de santé pour la Tunisie.
Le degré de coopération entre la Tunisie et l’UE est assez significatif pour les deux parties et, de ce fait, le contact doit être continu. A l’issue de leur séjour, les députés ont donné une conférence de presse au siège de la délégation européenne, mercredi 24 mai.
Réaffirmant la résolution européenne de faire de la Tunisie un partenaire stratégique, les députés européens annoncent, pour le mois de septembre prochain, la création d’un fonds Juncker bis, en faveur des pays de la rive sud de la Méditerranée. Leur consigne était, on ne peut plus claire, «mettez-vous en ordre de pouvoir lever des fonds grâce à des propositions bien ficelées».
Une coopération qui piétine…
L’UE a mis beaucoup de temps avant de finir par admettre que la Tunisie est une pièce maîtresse pour la stabilité dans la région. Pendant ces années d’hésitation, les Européens se contentaient de considérer que le développement de la Tunisie est, d’abord, l’affaire des Tunisiens. Elle n’avait peut-être pas vu qu’il y avait une réelle communauté d’intérêt. Cela a fait qu’elle a manifesté de l’empathie envers la Tunisie tout en gardant ses distances. Il est vrai que l’aide a augmenté de manière importante.
Depuis 2011, l’UE a accordé 1,2 milliard d’euros sous forme de dons et 800 millions sous forme de prêts concessionnels. Depuis 2011, elle a concédé à la Tunisie le statut de “partenaire privilégié“, qu’elle a élevé au rang de “partenaire stratégique“, récemment. Mais le round des négociations en vue de l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) gâchait tout cela. Les retombées du libre-échange inspiraient beaucoup de craintes de ce côté-ci de la Méditerranée.
Il faut rappeler que le deal du libre-échange pour les produits industriels n’a pas apporté la transformation économique recherchée par la Tunisie. Cette dernière a consenti à ouvrir ses frontières en pensant récolter de l’investissement et de la croissance et, in fine, du développement. On connaît le résultat. Et, depuis la révolution du 14 janvier 2011, le pays est pris en tenaille par un déficit de dynamisme et une frustration populaire face aux inégalités régionales. Si consistante que fut l’aide financière européenne, elle était en-deçà des besoins réels du pays. On était, davantage, dans une logique d’appoint que de rattrapage définitif du retard de développement pris par le pays.
Un livre blanc paru en 2011 montrait que pour couvrir ses appels en financement d’un statut particulier, celui de “membre sans l’adhésion aux institutions“ lui convenait. De la sorte, la Tunisie pouvait puiser dans les fonds structurels destinés au développement des régions européennes.
On peut mesurer l’efficacité de ces fonds en observant les progrès qu’a pu réaliser un pays comme la Pologne, sur les cinq dernières années. La Pologne est parvenue à transformer, en profondeur, la physionomie de son économie, accédant à un niveau d’émergence élevé.
Il y avait également cet espoir pour la Tunisie de bénéficier des soutiens du “Mécanisme de stabilisation financière“. La Grèce a pu en retirer plus de 200 milliards d’euros, pour raison de laxisme dans la gestion de ses finances publiques.
Une île comme Chypre en a puisé 9 milliards, en soutien à son système bancaire affaibli pour raison de proximité avec l’argent noir russe.
Les appels de financement de la Tunisie sont modestes et ils sont destinés au développement. Et l’expérience prouve que la croissance des investissements européens en Tunisie avait, en retour, une incidence positive sur les entreprises européennes. On est bien dans un cadre gagnant-gagnant. Alors quand l’UE avait lancé le fameux slogan ”More for More”, un espoir est né, laissant entrevoir un ancrage décisif avec l’UE. En bout de course, ceux qui se sont tirés d’affaire sont ceux qui ont négocié des accords bilatéraux significatifs.
La preuve de tout cela est le tandem que forme la France avec le Maroc. La relocalisation de l’industrie automobile française, avec PSA et Renault, a permis au Maroc de décrocher. La coopération européenne n’a pas donné un résultat aussi probant, avec aucun des pays concernés. Il est vrai que l’aide européenne a empêché le scénario de rupture économique, pour la Tunisie. Les aides pour le financement du déficit budgétaire, ou certains projets d’infrastructure, et ceux relatifs à des initiatives locales et de gouvernance régionale, sans oublier l’aide à l’innovation et les concours universitaires, ont été d’un apport opportun et salutaire.
Mieux qu’un plan Marshall, l’UE travaille à un plan Juncker pour la Méditerranée
L’UE, à l’heure actuelle, semble évoluer vers un nouveau paradigme de coopération avec les pays du pourtour sud de la Méditerranée. Ces derniers ne voulaient pas se laisser entraîner dans un schéma aliénant comme celui de la Chine ou du Mexique, avec les USA. Ils avaient de réelles prétentions de développement et ne se voyaient pas comme les petits ateliers, peuplés des petites mains, pour l’Europe.
Cette dernière, après moult secousses, tels la crise grecque, le Brexit, la menace terroriste et la désindustrialisation rampante, semble reconsidérer sa relation avec les pays du Sud.
Eider Gardziabal et José Manuel Fernandez, ainsi que Bernard Kolmel, lors de la conférence de presse, laissaient entendre que l’Europe est résolue à aligner les grands moyens pour redynamiser la vision de son partenariat avec le sud de la Méditerranée. Au vu du succès du plan Juncker qui n’est autre qu’un autre plan Marshall européen, l’UE aura une grande ambition pour elle-même et pour les pays du Sud.
Rappelons que le plan Juncker est parvenu à mobiliser la somme de 315 milliards d’euros et que ces ressources peuvent être dupliquées en faisant jouer l’effet de levier. Grâce à ce giga fonds, l’UE entend rattraper son écart de standing avec les USA.
Le plan Juncker pour la Méditerranée sera doté de 44 milliards d’euros, avec le même potentiel de duplication via l’effet de levier. Il sera présenté au Parlement européen au mois de septembre prochain. Et les députés nous informent qu’il sera mis sur pied sitôt qu’il sera voté.
Cette manne d’IDE et de financement de la dette publique pourrait apporter le complément de financement qui a fait défaut à la Tunisie, pour réaliser son Plan de développement sans avoir à solliciter le marché international. C’est une occasion d’émancipation financière, bien réelle.