“Le pouvoir actuel, en dépit des atouts dont il dispose, ne détient pas l’arsenal juridique et policier suffisant, pour s’attaquer à la haute criminalité économique, bien installée depuis des lustres et qui plus est a su se doter d’une façade de respectabilité”. C’est Hédi Sraieb, Docteur d’Etat en économie du développement, qui s’exprime ainsi dans un entretien accordé à l’agence TAP, et ce suite aux dernières arrestations et mesures engagées par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre la corruption.
Dans cet entretien, répondant à la question de savoir si l’on peut qualifier “de guerre contre la corruption” les dernières arrestations, l’économiste indique: “Le gouvernement entame une action dont on ne sait pas bien encore où elle pourrait le mener. Au-delà de la fulgurance de l’action et du secret de sa préparation, qui font précisément penser à une guerre, le reste est tout de même bien confus”. Et il ajoute: “L’homme d’affaires arrêté l’est-il pour des faits de délits ou d’infractions ou pour des faits de crimes et d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Ce n’est pas tout à fait la même chose! il est possible que les deux forfaits soient intimement liés, mais il faut attendre que la justice, -pour l’instant militaire-, se prononce”.
“Quand le gouvernement assène des coups, il faut qu’il s’attende à en recevoir. Croire que ceux qui détiennent les multiples réseaux de scélérats, vont rester les bras croisés…”
Plus loin, Hédi Sraieb assure ne pas vouloir donner de recommandations ou de conseils au gouvernement: “… Il y aura bien des péripéties et des retournements. Il faut juste avoir à l’esprit le fait que quand le gouvernement assène des coups, il faut qu’il s’attende à en recevoir. Croire que ceux qui détiennent les multiples réseaux de scélérats, vont rester les bras croisés, c’est tout de même méconnaître et nier le degré de décomposition de l’Etat et de la société civile elle-même! Force est de constater qu’avec les seuls cadres institutionnels dont dispose le gouvernement, il y a peu de chances qu’il puisse mener une lutte victorieuse jusqu’à son terme”.
“Il n’a échappé à personne que les services de l’Etat (sa justice, sa police, son administration (douanes) et autres…), que tous ces corps constitués sont largement gangrenés”
Pour étayer ses dires, il souligne : “Je ne présume pas de la “bonne volonté” du gouvernement, celle-ci est manifeste! Mais elle risque fort de devoir composer avec la faiblesse de ses moyens. Il n’a échappé à personne que les services de l’Etat qu’il s’agisse de sa justice, de sa police, de son administration (douanes) et autres…que tous ces corps constitués, sont largement gangrenés”.
Hédi Sraieb rappellera par ailleurs que “… Partout où ce combat est mené, les gouvernements se sont dotés de lois spéciales comme de corps de magistrats et de police totalement dédiés à cette action. Tout le monde parle de “Mani pulite” (opération mains propres menée en Italie), sans jamais véritablement relater ses conditions, ses épisodes (souvent sanglants), ses véritables résultats”.
“Partir la fleur au fusil est pour le moins prendre des risques inconsidérés. Avoir l’opinion avec soi est, certes, important mais insuffisant”
L’économiste estime également que pour mener à bien cette lutte contre les multiples malversations, il est impératif de réunir les conditions de son efficience. “Partir la fleur au fusil est pour le moins prendre des risques inconsidérés. Avoir l’opinion avec soi est, certes, important mais insuffisant. Il est vrai que ce gouvernement, en frappant vite et fort, peut créer un choc psychologique dans la sphère protéiforme de la malversation…mais là aussi c’est insuffisant”.
“Comme vous avez pu le constater, il est surtout question de contrebande voire de trafics illicites (armes), mais pas du tout de blanchiment d’argent, de détournement de fonds publics, de fraude fiscale ou de change…”
Compte tenu de tous ces facteurs, Hédi Sraieb en conclut que “… le pouvoir actuel ne dispose pas l’arsenal juridique et policier pour s’attaquer à la haute criminalité économique bien installée depuis des lustres et qui plus est a su se doter d’une façade de respectabilité. Comme vous avez pu le constater, il est surtout question de contrebande voire de trafics illicites (armes), mais pas du tout de blanchiment d’argent, de détournement de fonds publics, de fraude fiscale ou de change, d’abus de confiance et d’abus de biens sociaux, de recel de trafic d’influence…et j’en passe”.