Le substitut du Procureur de la République près le tribunal de première instance de Tunis et porte-parole du pôle judiciaire économique et financier, Sofiène Selliti, a affirmé que les magistrats ne sont pas responsables de la lenteur de l’examen des affaires de corruption, et que les raisons derrière cette lenteur dépassent les magistrats, a-t-il justifié dans une déclaration à l’agence TAP.
Pour lui, la longueur des procédures judiciaires du Code de procédure pénale, le peu de moyens (financiers et logistiques) et la non activation de la loi organique portant création du pôle, sont autant d’obstacles entravant le processus judiciaire. Le pôle judiciaire économique et financier compte seulement sept magistrats chargés de l’examen de milliers de dossiers de corruption en plus des affaires pendantes de droit commun, a-t-il argumenté.
Le président de l’Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC), Chawki Tabib, a critiqué dans des déclarations médiatiques la lenteur de la justice dans l’examen des dossiers de corruption, pointant du doigt le manque de moyens financiers et logistiques accordés aux instances et structures en charge de la lutte anti-corruption et les faibles budgets alloués à cet effet.
Pour Sofiène Selliti, le système procédural interminable et la complexité des affaires de corruption administrative et financière font que les procédures judiciaires prennent beaucoup de temps et d’effort. Avant d’atteindre la phase du procès, une affaire judiciaire comporte plusieurs étapes, a insisté Selliti.
Les juges sont en charge d’un nombre important d’affaires, ce qui veut dire qu’ils doivent travailler dans des meilleures conditions en comparaison avec d’autres pays qui ont entrepris des mesures en matière de lutte contre la corruption, a soutenu Selliti, ajoutant que le pôle judiciaire et financier ne répond pas aux conditions élémentaires de travail.
Sofiène Selliti a appelé le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a tenir compte de la compétence des pôles judiciaire et financier en charge des dossiers de corruption et de terrorisme soit en le dotant des ressources humaines nécessaires ou en évitant la mutation des juges qui y sont affectés.
Il s’agit également, selon lui, de réfléchir à la création de la fonction de “magistrat de liaison” à l’instar d’autres pays qui a pour mission de faciliter l’exécution des commissions rogatoires internationales. Les magistrats ont émis une centaine de commissions rogatoires pour récupérer les fonds détournés sans parvenir aux résultats souhaités, a-t-il dit.
Il y a lieu aussi, selon Selliti, d’activer les mécanismes tels qu’énoncés dans la loi organique portant création du pôle judiciaire économique et financier s’agissant notamment du recrutement d’experts. Le juge ne tranche un dossier qu’après la parution des rapports d’experts. Cela peut prendre deux ans. La loi exige 3 experts pour chaque dossier, a-t-il indiqué.
Pour ce qui est des dossiers soumis par l’Instance nationale de lutte contre la corruption, Selliti a affirmé que plusieurs dossiers ont pu être traités alors que d’autres doivent faire l’objet d’un surcroît d’investigation. A défaut de moyens d’investigation requis, le juge affecté au pôle judiciaire et financier se trouve dans l’obligation d’envoyer des dossiers à des brigades sécuritaires spécialisées pour mener l’enquête nécessaire, a-t-il précisé.
Selliti a mis l’accent en outre sur l’importance de garantir une protection sécuritaire aux magistrats en charge des affaires de corruption.
Une série d’arrestations a été menée, fin mai dernier, à l’initiative du gouvernement contre des personnes suspectées de corruption, de contrebande et d’implication dans des réseaux de l’économie parallèle en application des dispositions de l’article 5 de la loi relative à l’état d’urgence en date du 26 janvier 1978.
La Commission de confiscation a procédé à la saisie des biens et au gel des comptes bancaires d’une dizaine de personnes soupçonnées d’avoir profité de leurs relations avec des personnes dont les biens ont été confisqués en vertu du décret n°13, de l’année 2011, portant sur les biens de Ben Ali et de sa famille.