Tout d’abord un peu d’Histoire : tout le monde sait que Béji Caïd Essebsi (BCE) doit son accès à la magistrature suprême en 2014 au vote utile et massif des femmes. Environ 1,2 million “bajboujettes” sur un total de 1,731.529 ont donné l’avantage à ce vieux de 90 ans parce qu’elles avaient cru en lui, surtout en ses convictions laïques défendues lors de sa campagne présidentielle et en sa capacité de dissuader tout retour au pouvoir de l’islam politique déstabilisateur et déstructurant que représentaient Ennahdha et dérivés.
Malheureusement, les bajboujettes ont été très vite déçues lorsque BCE a décidé, dès les premiers jours de son mandat, de s’allier à Ennahdha de Ghannouchi pour gouverner.
Les choses ont empiré lorsqu’en l’absence d’un congrès du parti -renvoyé constamment-, Hafedh Caïd Essebsi s’était autoproclamé “Directeur exécutif“ du parti. Cette nouvelle donne a provoqué, dans un premier temps, la fragmentation du parti en plusieurs groupuscules politiques et le départ de l’écrasante majorité des cadres influents du parti, et dans un second temps, le recrutement de cadres.
Et pour reprendre ce constat du journaliste Zied El Héni (Shems FM ,1er juin 2017), selon qui “Nidaa Tounes était comme un rêve pour les Tunisiens, mais les choses ont changé lorsque Hafedh Caïd Essebsi a occupé le poste de directeur exécutif du parti et a changé le parti en un rassemblement de mafieux”.
En dépit de ces évolutions malheureuses, la mort dans l’âme, les bajboujettes déprimées et abattues ont encaissé ces trahisons perpétrées au nom de la raison d’Etat et respecté la légalité.
Les bajboujettes abattues sauvées par leurs députées
Mais, seulement c’était sans compter l’esprit rebelle et la bravoure de leurs députées.
Contrairement à l’exacerbation passive des bajboujettes électrices, les bajboujettes députées nidaistes, des femmes émancipées et affranchies, ont pris l’initiative de refuser le fait accompli et de dénoncer en public les dérives qui prévalent au sein de Nidaa Tounès.
Empressons-nous de signaler que ces députées ne s’étaient décidées à s’inscrire en faux contre la direction du parti que parce qu’elles avaient relevé de graves menaces que peut faire peser la direction de Nidaa Tounès sur la sûreté de l’Etat et sur sa stabilité.
«Hafedh Caïd Essebsi a la responsabilité de la direction du parti et cette personne n’a aucune compétence pour diriger ce grand parti. Il ne peut fédérer les gens et est incapable de porter son projet. Hafedh Caïd Essebsi est un cheval de Troie qui sert une panoplie de personnes, qui ont des ambitions politiques et des intérêts financiers qui n’ont rien à avoir avec le projet de Nidaa ou encore les intérêts de la Tunisie», a affirmé la députée Leila Chettaoui, accusée d’avoir été à l’origine des enregistrements fuités, sur des propos compromettants pour HCE et compagnie.
En pleurs, la députée, dont la décision de gel d’adhésion au parti et au groupe parlementaire a été décidée, avait déclaré, le 17 mars 2017 sur les ondes de Radio Med, «avoir peur pour son pays de Nidaa Tounes», et d’ajouter: «Nidaa Tounes pourrait même constituer un danger pour la Tunisie”.
Quelques jours après, le 18 avril 2017, la députée Nejia Ben Abdelhafidh démissionne du groupe parlementaire de Nidaa Tounes. Elle a critiqué le rôle de Chafik Jarraya dans le voyage de Libye et protesté contre le refus de la délégation parlementaire qui s’est rendue récemment en Libye en compagnie de Chafik Jarraya de donner des informations sur le dossier des enfants portés disparus dans ce pays à la Commission parlementaire des Tunisiens à l’étranger.
La direction de Nidaa Tounès, un clan mafieux
Fin mai 2017, la députée nidaiste Sabrine Goubantini sort de son silence, et condamne le refus du parti de soutenir le chef du gouvernement Youssef Chahed dans sa lutte contre la corruption et dénonce les liens étroits qui unissent des dirigeants de Nidaa Tounes et des barons de la contrebande et de la corruption, notamment Chafik Jarraya, poursuivi par le tribunal militaire pour trahison, atteinte à la sûreté de l’Etat et intelligence avec une armée étrangère.
Pour mémoire, Sofiene Toubel et Borhane Bsaies, respectivement porte-parole du parti et chargé des Affaires politiques de Nidaa Tounes, ont fait état publiquement et dans les médias leur amitié avec Chafik Jarraya.
Lazhar Akremi, co-fondateur de Nidaa, avait indiqué, pour sa part, que “la direction actuelle du parti a été recrutée par Jarraya, notamment le journaliste et ancien propagandiste de Ben Ali, Borhan Bsaies”.
Sure d’elle, l’élue Sabrine Ghoubantini a été auditionnée, le 5 juin 2017, par le juge d’instruction militaire en charge de l’affaire Chafik Jarraya, à la suite de ses déclarations concernant des menaces pour la sûreté de l’Etat venant de dirigeants de Nidaa Tounes.
L’élue a maintenu, devant le juge, ses accusations en les étayant par des données, des documents et des enregistrements audio. Elle a également cité des noms. Affaire à suivre…
La députée Wafa Makhlouf pointe du doigt HCE et Toubel
Et pour ne rien oublier, la député de Nidaa Tounes, Wafa Makhlouf, relaye ses collègues et publie, le 2 juin 2017, un post incendiaire sur sa page Facebook dans lequel elle remet en cause la légitimité des dernières décisions, notamment liées au limogeage de ses collègues. Elle a affirmé à cette occasion son entier soutien à ses collègues limogées et a réclamé l’arrêt de cette «mascarade». L’élue pointe dans son post le président du bloc parlementaire de Nidaa Tounes, Sofiene Toubel, et le directeur exécutif du parti, Hafedh Caïd Essebsi, qui prennent des décisions importantes, comme le gel d’activité ou le limogeage, sans revenir à l’instance politique et ses membres légitimes issus du Congrès de Sousse.
Moralité: l’étau se resserre, de plus en plus, autour de la direction actuelle de Nidda Tounès. Cette dernière risque gros surtout qu’elle est accusée de sérieuses menaces pour la sûreté de l’Etat. A ce sujet, Zied Hani a révélé, le 1er juin 2017, sur Shems Fm, que l’ex-directeur général de la Sûreté nationale, Abderrahmane Haj Ali, a été écarté du ministère de l’Intérieur après qu’il a intercepté des discussions entre HCE et un conseiller militaire dans une ambassade étrangère en Tunisie.
Tous les Tunisiens savaient que ce superflic n’était pas du goût de la famille royale actuelle. Il était particulièrement dans le viseur de la progéniture du président de la République, Hafedh Caïd Essebsi, qui, par le canal du porte-parole de l’époque du parti Nidda Tounès, le député Abdelaziz Kotti l’avait accusé, au mois de juillet 2016, d’espionnage et de filature.
D’après Kotti, “au lieu de s’occuper de faire tourner la machine sécuritaire, Abderrahmane Haj Ali aurait constitué une brigade spéciale chargée d’espionner le président de la République, sa famille et des membres de Nidaa Tounes”.
Ces accusations n’étaient pas fortuites. Les députées bajboujettes viennent d’y faire allusion. Nous comprenons qu’elles aient observé une certaine réserve et qu’elles n’aient pas tout dit mais le message est des plus clairs.