Après un peu plus de trente-cinq années marquées par de nombreuses péripéties et autres rebondissements, le litige opposant l’Etat tunisien à la société Arab Business Consortium Investment (ABCI) au sujet de la Banque Franco-Tunisienne (BFT) arrive enfin à son épilogue. Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), qui en est saisi depuis 2003, ne devrait en effet plus tarder à rendre sa décision arbitrale. Ce ne serait plus qu’une question de jours avant que le couperet tombe.
Pendant longtemps, Mabrouk Korchid, secrétaire d’Etat aux Domaines de l’Etat et aux Affaires foncières, a affirmé que la Tunisie allait l’emporter. Depuis peu, il semble être devenu moins optimiste: il situe à 50% les chances de l’Etat tunisien de gagner cette bataille. Ce qui veut dire que l’Etat risque fort, beaucoup que ne le dit M. Korchid, d’être condamné. Mais le secrétaire d’Etat n’en tire pas la conclusion qui pourtant s’impose par son évidence: négocier avec ABCI pour minimiser le coût de cette affaire pour la Tunisie.
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En effet, à quelques jours de l’échéance fatidique de la décision du CIRDI, le secrétaire d’Etat aux Domaines de l’Etat et aux Affaires foncières a accordé au site web de la place une interview dans laquelle il déclare en particulier «qu’il n’y aura pas de discussion avec ABCI avant le jugement du CIRD».
Cette déclaration se fonde sur une illusion: que c’est la partie tunisienne qui, dans cette affaire, a les cartes maîtresses en main lui permettant de décréter quand et comment ce litige doit prendre fin. Et, en particulier, que la recherche d’une solution amiable n’aurait lieu, le cas échéant, qu’une fois la décision du CIRDI rendue. Cette illusion se fonde aussi sur le décryptage de l’acceptation par ABCI de l’offre tunisienne de règlement amiable faite à deux reprises en octobre 2016. Pour l’Etat tunisien, cette acceptation constitue «un aveu de faiblesse» de la part de l’actionnaire majoritaire de la BFT. Qui conforte, donc, la partie tunisienne dans sa position: pas de retour à la table des négociations avant que le CIRDI ait rendu sa décision sur le fond du litige.
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Or, en réalité, c’est l’actionnaire majoritaire de la BFT qui est en position de force. Puisque, déjà fort de la décision de cette instance en 2011 de se considérer comme compétente dans cette affaire –ce qui, comme l’historique le prouve, préfigure une condamnation de la partie, en l’occurrence l’Etat tunisien, contre laquelle la procédure arbitrale a été introduite-, il a de fortes chances, de l’aveu même des autorités tunisiennes (dont M. Korchid), de l’emporter.
En fait, il n’est même pas sûr que la partie tunisienne veuille d’un règlement amiable même dans une phase ultérieure. L’idéal, au moins pour un bon nombre de responsables tunisiens, serait que la société ABCI ne réinvestisse pas en Tunisie, donc ne reprenne pas le contrôle de la BFT, que celle-ci –comme les déclarations et gestes des autorités l’indiquent de plus en plus clairement- soit liquidée, et que le dossier soit définitivement clos sans avoir à demander des comptes à ceux qui, successivement, l’ont piloté depuis 35 ans et, surtout, sans que les hommes d’affaires ayant contracté les centaines de millions de dinars de crédits aient à les rembourser.
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Coût financier et image ternie !
A supposer que ce scénario «idyllique» puisse se concrétiser, il sera très coûteux pour la Tunisie, tant financièrement qu’en termes d’image. D’abord financièrement. L’Etat devra régler intégralement –alors que l’actionnaire majoritaire de la BFT a déjà accepté le principe d’une réduction de ce montant dans le cadre d’une solution amiable- et en devises la pénalité à laquelle il risque très fort d’être condamné.
Mais la facture financière ne s’arrête pas là. Empêchée de reprendre le contrôle de son investissement, ABCI ira créer une banque ailleurs et aux frais de la Tunisie, comme lui en donnent le droit les règlements du CIRDI.
L’image ensuite. Son entêtement à refuser tout règlement amiable l’entamera fortement auprès non seulement d’ABCI mais des investisseurs étrangers en général en apportant la preuve que l’Etat tunisien ne reconnaît jamais ses erreurs et, partant, n’en corrige jamais les conséquences.
Last but not least, cette affaire –et en particulier le refus de recouvrer les centaines de millions de dinars de crédits accordés par la BFT à des hommes d’affaires, dont une partie sont bien «connectés»- risque de porter un coup, probablement mortel, à la campagne de lutte contre la corruption lancée récemment en démontrant que les plus hautes instances –gouvernement, présidence de la République et Assemblée des représentants du peuple- ne combattent la corruption que lorsqu’elle ne concerne pas des proches, amis ou alliés.
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