Entreprise publique déficitaire subventionnée annuellement par l’Etat à hauteur de plusieurs millions de dinars, la Société tunisienne d’électricité et de gaz (STEG), qui traîne des impayés d’un milliard de dinars et emploie 14.000 personnes gavées de moult avantages sociaux dont l’alimentation à vie, gratuitement, en courant électrique, souffre d’un management hasardeux et de non transparence.
Pour preuve, elle est constamment pointée du doigt pour mauvaise gestion par des experts d’institutions publiques et la société civile.
Le rapport annuel de la Cour des comptes de 2013 s’était longuement attardé sur cette problématique. Ledit rapport avait épinglé la STEG pour des dysfonctionnements fort coûteux pour l’Etat. Lui emboîtant le pas, l’Ordre des experts-comptables et l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE) ont récemment déploré le laisser-aller et la non-transparence manifeste qui prévalent dans une aussi grosse entreprise comme la STEG. Pour ces institutions, la STEG est l’exemple type de l’entreprise publique corrompue et mal gérée.
Le comble, c’est que cette entreprise qui, par l’effet des subventions, coûte non seulement cher au contribuable, se permet également le luxe de générer des manques à gagner et des surcoûts.
Deux exemples de récents surcoûts méritent qu’on s’y attarde.
Pourquoi la STEG aurait-elle ignoré un crédit japonais remboursable sur 50 ans?
Le premier a trait à la conclusion, au mois de juin 2017, de contrats entre la STEG et les groupes japonais Mitsubishi Hitachi Power Systems (Europe) et Sumitomo Corporation, pour la construction, à Radès, d’une nouvelle centrale électrique fonctionnant au gaz naturel.
D’une capacité de 400 mégawatts et d’un coût de 800 MDT, le clou de ce projet réside dans les avantages de son financement fourni par l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA). Il s’agit d’un crédit bancaire japonais d’un montant de 38,750 milliards de yens, pour une période de remboursement de 40 ans, avec un délai de grâce de 10 ans et un taux d’intérêt de 0,60%.
En dépit des avantages de ce financement, et là c’est le non-dit dans ces contrats, la direction générale de la STEG pour la période 2015-2016 n’a pas jugé utile d’y recourir alors qu’il était mis à la disposition de la Tunisie depuis le 17 juillet 2014.
Il semble qu’avec les Japonais, les commissions et autres pots-de-vin pour l’obtention de marchés ne soient pas dans leurs habitudes.
Conséquence : la direction générale de la STEG, par l’effet de ce retard, a été à l’origine de surcoûts qui seront générés par l’effondrement, depuis avril 2017, du dinar par rapport au yen et par l’augmentation prévue du coût des moyens de réalisation de cette nouvelle centrale.
Pourquoi la STEG préfère-t-elle le gré à gré?
Le deuxième surcoût a été généré par le lancement, dans la précipitation en 2015, de marchés sur la base d’estimations surdimensionnées fournies par la direction générale pour la période 2015-2016.
Profitant de la situation délétère qui prévalait, au mois d’août 2015, suite aux effets catastrophiques engendrés par l’attentat de Sousse, cette même direction a osé “épouvanter” -bien épouvanter- le gouvernement de l’époque, celui de Habib Essid. Elle avait fait croire alors au gouvernement que le pays risquait de connaître, durant l’été 2016, des coupures de courant dramatiques et lui avait fourni des estimations surdimensionnées, soit 8,5% d’augmentation de la capacité de la STEG pour satisfaire la demande durant l’été de 2016.
Craignant le pire, le gouvernement de l’époque était acculé à donner son aval pour la budgétisation et la production en urgence d’une capacité de 500 mégawatts, c’est-à-dire une centrale de 250 mégawatts à Bouchemma à Gabès et une autre de de même capacité à Mornaguia (ouest de Tunis).
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La direction de la STEG devait ensuite accélérer les procédures en accordant, sous prétexte de l’urgence et d’éventuelles coupures de courant à l’horizon, le marché de la centrale de Bouchamma au groupe américain Energy Electric, selon la technique de gré à gré.
Pour les experts, cette technique est connue pour accroître, en amont, le coût d’un projet de plus de 20% comparativement à l’appel d’offres.
Aux dernières nouvelles, cette centrale, actuellement opérationnelle, est en butte à de sérieux problèmes techniques, ce qui signifie de nouveaux surcoûts en aval.
Quid du marché de la centrale de Mornaguia?
C’est dans cet esprit également que le management de la STEG de l’époque aurait faussé les résultats de l’appel d’offres pour la réalisation de la centrale de Mornguia.
Pour mémoire, elle s’était entêtée, jusqu’à l’ultime minute, à défendre le dossier du candidat le mieux disant, l’allemand Siemens qui avait proposé un investissement de 470 MDT pour la réalisation de la centrale de Mornaguia, alors que le candidat italien en lice, en l’occurrence le groupe italien Ansaldo Energia, avait proposé 350 MDT, soit une différence de 120 MDT. De quoi construire une nouvelle centrale.
La STEG avait prétexté que Siemens répondait le mieux sur le plan technique au cahier des charges.
Soumis à l’approbation de la Commission supérieure des marchés (CSM), comme le stipule la loi, cette dernière avait purement et simplement rejeté les résultats de ces marchés et demandé le lancement d’un nouvel appel d’offres et la révision du cahier des charges. Pour la Commission, l’écart entre les deux offres était énorme. Ses experts n’avaient pas été convaincus des justifications techniques fournies par la STEG.
Selon nos informations, l’appel d’offres a été relancé et le dépouillement des offres est actuellement en cours au niveau technique.
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Au niveau du contribuable, le manque à gagner est perceptible à travers la privation de centaines de milliers de Tunisiens résidant dans les contrées enclavées de crédits pour le financement de projets d’électrification rurale.
Au niveau du budget de l’Etat, ces surcoûts sont synonymes de nouvelles pressions sur les finances publiques…
Espérons que la campagne menée actuellement contre la corruption touchera, également, les entreprises publiques.
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