La Chine a pris la dimension économique qui est la sienne sur la scène internationale. En mal de refondation de son économie, la Tunisie réussira-t-elle un partenariat d’avenir avec le géant chinois?
La disproportion est totale entre la Tunisie et la Chine. La Tunisie compte 12 millions d’habitants, la Chine comprend 12 millions d’entreprises, a-t-on laissé entendre à l’ouverture du Tunis Forum, événement organisé par l’IACE sur le thème “l’avenir est-il au partenariat avec la Chine“, vendredi 7 juillet.
Un meeting, une découverte
Tout nous oppose. La langue, la distance et l’asymétrie de standing. Mais l’appétit de puissance de la Chine et l’impératif d’émergence de la Tunisie nous rapprochent. Il faut le voir pour le croire. Le meeting tuniso-chinois, dans l’enceinte de l’IACE, baignait dans une atmosphère de franche volonté de découverte l’un de l’autre. On sentait un effet de magnétisme. Chacun est attiré par l’autre. On a fini par se rencontrer. Une dynamique de rapprochement est en train d’opérer.
Dans la foulée de cette rencontre, trois conventions ont été paraphées. C’est là une des retombées de la Conférence internationale sur l’investissement “Tunisie 2020“, organisée en novembre 2016. On parle d’une enveloppe d’investissement de 120 millions de dinars. La première convention a été signée par le Groupe LOUKIL et la Banque industrielle et commerciale de Chine (ICBC). Il s’agit d’un financement destiné à promouvoir le centre commercial ”Tunisia Africa MALL” lequel fait partie du mégaprojet ”Port Financier de Tunis“.
Ce projet, qui va enfin voir le jour, est situé à Raoued. L’investisseur tunisien précise que le coût du projet s’élève à 60 millions de dollars. Rappelons que le Mall s’étendra sue une superficie de 200.000 m2, soit 20 hectares.
Un deuxième accord a été conclu entre l’ICBC et AMEN BANK pour développer des relations d’affaires entre les deux pays. Ahmed El Karm a précisé à ce sujet qu’il comporte des lignes de financement qui seront gérées par Amen Bank. Un des objectifs recherché par Amen Bank est de procurer des financements aux entreprises tentées par le grand large, et notamment l’implantation physique en Afrique.
Par ailleurs, ce partenariat peut s’étendre, demain, au financement d’opérations d’envergure, dans le cadre du PPP.
Enfin, la troisième convention a été signée entre HUWAEI et la Société Industrielle d’Appareillage et de Matériels Electriques (SIAME) passé dans le groupe El Arem. On croit savoir qu’il s’agit de fabriquer des smart grid, c’est-à-dire des compteurs électriques intelligents.
La Chine par les chiffres
Alors, on connaissait l’importance de ses réserves de change qui avoisinent les 4.000 milliards de dollars. On était impressionné par sa croissance à deux chiffres. A présent on découvre l’ampleur de ses IDE lesquels avoisinent 100 milliards de dollars, pour l’année 2014. L’importance des relations avec l’ASEAN fait que 70% de ces investissements sont faits en Asie, 8% en UE et à peine 4% en Afrique pour un montant de 3,5 milliards de dollars dont seulement 1,4 million de dinars en Tunisie.
Ils sont 120 millions de touristes chinois à partir annuellement à la découverte du monde.
Le solde de nos échanges avec la Chine sont extrêmement pénalisants. Le déficit commercial en 2015 a atteint près de 3,3 milliards de dinars. Cela représente le tiers environ de notre déficit global. Il faut rappeler que la Tunisie, dans son effort de rééquilibrage du déficit avec la Chine, a accepté de coter le yuan chinois sur son marché domestique.
Quelles perspectives de partenariat à l’avenir
Lors de son intervention, Aldo Alcese, PDG de Fincorp, une société espagnole d’investissement, a présenté une perspective de partenariat entre la Tunisie et la Chine qui est relativement enthousiasmante.
Prenant acte du Brexit et de la préférence nationale de l’administration Trump -deux éléments qui font que le monde anglo-saxon tourne le dos à la Méditerranée, à l’UE et à l’Afrique-, il plaide pour une triangulation avec la Chine. Il voit d’un bon œil un attelage entre la Chine, l’Europe et l’Afrique.
Aldo Alcese affirme que la Chine a ciblé la Tunisie et le Maroc comme ses portes d’entrée pour l’Afrique. Il est vrai qu’avec le Maroc, l’affaire est déjà scellée car une plateforme constituée de 100 entreprises chinoises est en train d’être mise sur pied. Nous ne voyons rien de tel avec la Tunisie. Et notre économie porte les stigmates de la compétition avec la Chine. Elle nous a rudement concurrencés sur le marché du textile en Europe et pas toujours de manière loyale.
Un million de prisonniers travailleraient dans le textile chinois au prix d’un bol de riz. Cela fait mal aux pays compétiteurs.
Par ailleurs, le made in China inonde le marché informel tunisien, ce qui a ravagé notre économie. Et on connaît les méfaits des jouets chinois sur la santé des enfants.
Bill Gates affirmait en 2000 que le XXIème siècle sera le siècle de la technologie et que l’Amérique est le détenteur de la technologie.
D’autre part, peut-on vraiment, comme le soutient de manière lyrique Aldo Alcese, tourner le dos au monde anglo-saxon? La Hong Kong Shangai Bank (HSBC) est contrôlée par des investisseurs anglo-saxons. Il est évident qu’il y a un potentiel à développer avec la Chine. Mais en faire un pari d’avenir nous paraît quelque peu hasardeux.
Wait and see !