Une visite politique par excellence ou plutôt de profiling que celle de Youssef Chahed, chef du gouvernement, aux Etats-Unis d’Amérique, du lundi 10 au mercredi 12 juillet 2017.
Nous l’avons spécifié auparavant, la nouvelle administration Trump voulait découvrir le nouveau régnant sur la présidence du gouvernement tunisien. Elle voulait savoir à qui elle avait affaire et loin des phrases retentissantes et vacillantes que l’on peut attribuer à la visite dans une option toute courtisane, il faut reconnaître que notre jeune chef du gouvernement a assuré. Il s’est exprimé tout au long de ses différents entretiens avec clarté et pertinence en traitant avec ses vis-à-vis américains d’égal à égal.
De notre envoyée spéciale à Washington, Amel Belhadj Ali
Ce qui ressort des différentes rencontres de Youssef Chahed est que l’Administration Trump a été séduite par le personnage. Une journaliste réputée et bien introduite sur la place politique à Washington a même confié qu’il se pourrait bien qu’il soit le leader tant attendu par aussi bien les Américains que les partenaires européens.
L’enseignement à en tirer, c’est que partout dans le monde, les personnes qui s’affirment, et qui ne se laissent pas intimider par les grands aussi puissants soient-ils, imposent le respect.
Et pour mettre fin aux polémiques stériles qui envahissent certains médias férus de sensationnalisme à deux balles et une intelligentsia en perte de vitesse, défaitiste, pessimiste et catastrophiste: non, au cours de sa visite, Y.C n’a montré aucun signe de faiblesse face à l’establishment américain et n’a rien négocié qui soit contraire aux intérêts de la Tunisie.
D’ailleurs, il n’y a pas eu à proprement parler des négociations mais plutôt des échanges servant à éclairer les Américains sur certains points peu connus par la nouvelle Administration US, curieuse de découvrir la Tunisie post-élections 2014.
Les efforts fournis par les services de l’ambassade tunisienne à Washington sont pour beaucoup dans la réussite de la visite. La présence d’un homme aussi influent que Jared Kushner, beau-fils de Trump, lors de l’entretien de Chahed avec Pence, vice-président des Etats-Unis, et personnalité influente au cœur même de la Maison Blanche chargée de la restructuration américaine «trop lourde», selon le président des Etats-Unis, est révélatrice à plus d’un titre. Elle illustre un intérêt réel des autorités américaines pour la Tunisie et au rôle qu’elle peut jouer dans la région.
Les principaux messages adressés par Chahed aux responsables américains, à l’issue de ses différentes rencontres avec James Mattis (secrétaire d’Etat à la Défense), Steve Munchin (secrétaire d’Etat au Trésor), Michael R.Pence ou encore avec le général H.R McMaster et la diaspora tunisienne vivant aux Etats-Unis sont nombreux.
- La Tunisie est un partenaire stratégique des Etats-Unis, c’est un pays qui peut y jouer un rôle important en tant qu’élément stabilisateur. L’initiative prise par Béji Caïd Essebsi pour une résolution pacifique de la crise libyenne citée à maintes reprises par le chef du gouvernement vise à montrer aux vis-à-vis américains le choix adopté par notre pays pour une diplomatie soft et une posture de neutralité choisie sciemment pour préserver des relations amicales et courtoises avec les autres pays.
- La Tunisie a prouvé sa capacité de résilience face au terrorisme et aux violences idéologiques et religieuses et, par conséquent, on doit la soutenir dans tous ses efforts, car ne disposant pas de grands moyens financiers ou de grandes richesses naturelles. C’est aussi un pays qui maîtrise le terrain et qui peut être de bon conseil pour ses homologues de par le monde.
- Dans notre pays, le terrain n’est pas favorable aux mouvements extrémistes parce que la société civile y est très active et la place des femmes importante.
- La guerre contre la corruption et le terrorisme se poursuivra tant que ces phénomènes continueront de menacer les institutions de l’Etat et la stabilité sociale. Les organisations des droits de l’Homme sont très actives en Tunisie et personne ne les empêche d’exercer leurs missions respectives, mais la sécurité nationale est une ligne rouge à ne pas franchir pour tout le monde: «C’est pareil dans tous les autres pays».
- La Tunisie est d’ores et déjà une démocratie, la transition politique étant conclue d’où l’importance de soutenir l’économie et les finances du pays. Des finances malmenées en partie parce que 17% du PIB a été consacré au renforcement des capacités des ministères de la Défense et de l’Intérieur.
- La Tunisie a besoin de tous ses enfants établis à l’international et de leurs compétences dans un monde globalisé: «Nous ne voulons plus que vous vous suffisiez de courts séjours dans votre pays natal, nous voulons que vous y investissiez et que vous l’aidiez à remonter la pente».
L’intervention de Youssef Chahed à la Fondation Heritage, temple du conservatisme aux Etats-Unis et un think tank qui participe activement à la mise en place des stratégies des Républicains conservateurs, a été appréciée. La séance des questions/réponses a révélé un homme qui sait de quoi il parle, qui va droit au but et qui défend les intérêts de son pays bec et ongles.
Un des premiers impacts de la visite de Chahed est que la Chambre des représentants a décidé de maintenir l’aide pour la Tunisie. Une résolution qui sera adoptée par le Congress et le Sénat.
Preuve que Chahed a bien su communiquer et qu’il a su gagner la confiance de l’Administration américaine. Il a prouvé que l’habit de chef de gouvernement lui va bien.
A propos de communication, juste une petite question à Lotfi Ben Sassi, conseiller économique du chef du gouvernement. Monsieur, dans votre formation «politique», si vous en avez une, est-ce qu’on ne vous a pas appris que les conseillers sont les hommes de l’ombre et qu’ils n’accordent pas des points de presse dans les lobbys d’un hôtel pour parler d’une entrevue tenue, en l’absence des médias, entre leur chef et le haut responsable d’un autre Etat?
Je pense que le chef du gouvernement serait bien avisé de vous envoyer suivre une formation à l’Institut national de défense (IND). Vous y découvrirez peut-être ce que c’est que le rôle d’un conseiller. Votre rôle n’est pas de seconder le chef du gouvernement, de mettre en avant votre savoir ou de lui faire de l’ombre mais de le seconder et de lui faciliter la tâche.