Les plus hautes autorités du pays se sont probablement réveillées mardi matin 18 juillet 2017 avec la gueule de bois. La nuit précédente a en effet été très, très longue. Car, lundi en début de soirée, la catastrophe depuis longtemps annoncée s’est produite: le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) a condamné l’Etat tunisien dans le litige l’opposant à la société ABCI Investments Limited au sujet de la Banque franco-tunisienne.
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Avant la décision du CIRDI : L’Etat tunisien persiste dans sa fuite en avant?
D’après nos informations, le tribunal arbitral relevant du groupe de la Banque mondiale a estimé que l’Etat tunisien est responsable dans ce dossier, qu’il lui est reproché d’avoir exproprié l’investissement d’ABCI Investments Limited par la contrainte exercée sur son ancien président d’honneur, Abdelmajid Bouden, et qu’il –c’est-à-dire l’Etat- a organisé un déni de justice, violé le droit de l’actionnaire majoritaire de la BFT à gérer sa propriété, et, ce faisant, le droit tunisien et le droit international et l’ordre public international.
En conséquence de quoi, le CIRDI décrète que l’Etat tunisien doit réparation des préjudices causés à ABCI Investments Limited.
Aussitôt informé de la terrible nouvelle, le chef du gouvernement Youssef Chahed aurait, selon nos informations, convoqué un conseil des ministres qui s’est réuni dans la soirée. Une réunion dont serait sortie la décision de mettre sur pied une commission dont on ne connaît pas la mission.
Elle regrouperait tous les ministres (Mabrouk Korchid, Domaines de l’Etat et des Affaires foncières; Ghazi Jeribi, Justice), conseillers (Lotfi Ben Sassi, conseiller-chef du pôle économique au cabinet de Youssef Chahed, et, semble-t-il, président de ladite commission), certains hauts responsables de la présidence du gouvernement (Asma Shiri Laabidi, conseillère juridique du gouvernement, et Najoua Khraief, directrice générale des affaires économiques, financières et sociales), ainsi que le gouverneur et le vice-gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Chedly Ayari et Mohamed Rekik.
Maintenant que le CIRDI a rendu sa décision sur le fond, c’est-à-dire qu’il s’est prononcé sur la responsabilité, la deuxième phase, celle de la détermination des réparations que l’Etat tunisien va devoir verser à ABCI commence dans la foulée.
Le tribunal arbitral international a en effet donné à l’Etat tunisien et ABCI un délai de huit jours –jusqu’au 25 juillet 2017- pour se mettre d’accord sur un calendrier pour cette deuxième phase. Si les deux parties n’y parviennent pas, c’est le CIRDI qui se chargera d’en élaborer un.
Dans une déclaration à Radiomed, reprise par un site web de la place, Mehdi Ben Gharbia, ministre chargé des Relations avec les instances constitutionnelles et la Société civile, a affirmé qu’il «faudra encore des années pour déterminer la valeur du préjudice et le montant à verser». Erreur, la –longue- expérience passée du CIRDI nous apprend que la détermination des réparations à payer ne dure que quelques mois. Ce qui veut dire que le coup de massue financier –si l’Etat ne change pas de comportement- tomberait au plus tard au début de l’année prochaine.
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