La monnaie nationale pourrait connaître des moments difficiles si, dans les jours à venir, il y avait une demande soutenue des devises de référence, l’euro et le dollar. Le pays serait alors dans l’incapacité de satisfaire cette demande, étant donné la faiblesse du socle de réserves en devises, à 98 jours d’importation (21 juillet), c’est-à-dire au-dessous du seuil de sécurité fixé à 110 jours.
Comme d’habitude, c’est Mourad Hattab, économiste, membre du “Centre de Prospective et d’Etudes sur le développement”, toujours insatisfait, toujours alarmiste, qui l’a déclaré dans un entretien accordé à l’agence TAP.
Les réserves en devises ont sensiblement baissé à cette date, de 13 jours d’importation par rapport à 2016, pour se situer au niveau de 12,255 milliards de dinars, selon les données de la Banque centre de Tunisie (BCT).
D’après Hattab, “les conséquences se ressentiront aux niveaux de l’inflation, du taux du marché monétaire et de l’encours des crédits qui augmenteront de plus en plus alors que l’investissement, l’emploi ainsi que la consommation vont baisser en conséquence”.
“Les autorités ont expliqué cette baisse par le fait que la Tunisie n’a pas encore, encaissé la dernière tranche du crédit stand by du Fonds monétaire internationale (FMI), qui pourrait renflouer les réserves en devises du pays”, a t-il fait savoir.
Autre cause de la baisse des réserves en devises d’après l’économiste, la non comptabilisation des recettes touristiques puisqu’elles ne peuvent être encaissées qu’à la fin de la saison. Toutefois, il ne pense pas que les recettes touristiques puissent doper les réserves en devises, parce que les recettes de ce secteur sont très faibles. De fait, les négociations entre les tours opérateurs et les agences de voyages se font en dinar, dont la valeur par rapport au dollar et à l’Euro s’est dépréciée.
Il a pointé “une régression de plus en plus remarquable des recettes touristiques, en dépit d’un flux plus important des touristes enregistré…”.
L’effondrement des réserves en devises, a-t-il ajouté est dû aussi, à l’aggravation de l’endettement public et particulièrement de la dette extérieure de la Tunisie, ce qui crée une hémorragie des réserves en devises. Annuellement, la moyenne du service de la dette publique varie entre 4 et 5 milliards de dinars, représentant 40% des réserves en devises, ce qui représente un problème épineux.
Pour Hattab, “les réserves en devises sont très menacées par le service de la dette, d’autant plus que la Tunisie a contracté près d’une dizaine de crédits, dans un laps du temps de six mois (de début janvier jusqu’à fin juin 2017)”. A cet égard, il a critiqué la non publication depuis l’année 2012 du rapport sur l’utilisation de la dette extérieure.
En outre, le problème de l’importation anarchique demeure très inquiétant, d’autant plus le volume global des importations s’est élevé, à la fin de juin, à 23,607 milliards de dinars.
Dans son élan catastrophiste, l’économiste pense que “d’ici la fin de l’année, les importations nationales atteindront 50% du Produit intérieur brut (PIB), ce qui constituera une catastrophe économique pour la Tunisie, en passe de devenir un pays importateur qui ne crée aucune valeur ajoutée”.
Pour lui, “il n’y a pas beaucoup de solutions face à cette hémorragie de devises” qu’il qualifie de “désastreuse”, appelant au passage à protéger notre économie, en appliquant les normes de contrôle sanitaire et d’hygiène sur les importations et à supprimer les importations des produits superflus. A ce propos, il s’est étonné de l’importation de produits ayant leurs similaires en Tunisie.
L’expert a souligné “la faiblesse de l’application des droits de douane aux importations, soit un taux de couverture de 3%. Ces droits de douane ne génèrent annuellement que seulement 7 MD par rapport à un volume d’importation de 45 milliards de dinars”.