La plénière de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), consacrée à la discussion du projet de loi organique n°60-2016 relatif aux violences faites aux femmes, a été levée lundi 24 courant sans être allée à son bout, c’est-à-dire au vote des 43 articles.
Les députés ont adopté un certain nombre d’articles jusqu’à l’amendement de l’article 227 bis du code pénal qui a obtenu l’aval de 113 députés et a été rejeté par un seul député, contre 5 abstentions.
Les députés avaient voté auparavant 14 autres articles du projet de loi et procédé à l’amendement des articles 226 et 227 du code pénal.
Ce projet de loi établit les dispositions permettant d’éradiquer toutes les formes de violence basée sur le genre social afin de réaliser l’égalité homme-femme et de préserver la dignité humaine.
Comportant 43 articles dans sa version actuelle, ce texte adopte une approche globale qui va de la prévention aux poursuites pénales, les sanctions ainsi que la protection et l’assistance des victimes.
Lors de cette séance plénière, la ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, Néziha Abidi a estimé que la discussion de ce projet de loi qui a été marquée par des divergences de points de vue “représente un moment historique, sans précédent”. Elle a, par ailleurs, souligné que son département a veillé à ce qu’il accorde tout l’intérêt nécessaire à cette loi pour qu’elle puisse “voir le jour dans les plus brefs délais. Notre objectif ultime consiste à préserver les droits de la femme victime et de sanctionner son agresseur”, a-t-elle souligné.
Elle a, par ailleurs, rappelé qu’une loi relative au congé parental est actuellement soumise à la Présidence du gouvernement, précisant qu’elle vise à accorder à la mère un congé d’un mois avant la naissance de son enfant et au père un congé pour naissance.
La ministre a, également, affirmé que son département a mis en place tous les mécanismes nécessaires visant à lutter contre toutes les formes de violence faites aux femmes, citant à cet égard l’entrée en opération d’un numéro vert pour dénoncer les cas d’agression.
Dans leurs interventions, les députés ont relevé certaines lacunes dans ce projet de loi dont essentiellement la question relative à la majorité sexuelle fixée à l’âge de 13 ans. Ils ont estimé que cette question telle qu’elle a été définie dans le texte représente “un crime contre l’enfance et une violence du code des droits de l’enfant, étant donné qu’il est “inadmissible”, selon eux, de “parler de consentement sexuel à cet âge précoce”.
L’article 227 bis, qui prévoit d’arrêter les poursuites judiciaires à l’encontre de l’agresseur si ce dernier épouse la victime, a été également critiqué par certains députés qui ont estimé que ce projet est une “humiliation à l’encontre de la femme” et vient “légitimer le viol”.
Par ailleurs, d’autres députés ont salué ce projet de loi qui, selon eux, représente une “révolution législative”. Ils ont souligné dans ce contexte qu’il est en harmonie avec la constitution et les accords internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la Tunisie.
Ils ont, à cet égard, mis l’accent sur la nécessité de surmonter les divergences politiques et idéologiques afin de préserver la femme, l’enfant, la famille et la société tunisienne dans son ensemble de toutes les formes de violence.
Pour certains députés, si l’adoption de ce projet de loi est importante, il n’en demeure pas moins que cela reste insuffisant pour protéger les droits des femmes. Ils ont, à cet égard, appelé à la nécessité d’intensifier les campagnes de sensibilisation dans les régions intérieures et rurales afin de lutter contre les mentalités misogynes.
Ils ont, dans ce contexte, estimé que le budget octroyé au ministère de la femme (137 millions de dinars au titre de 2017) reste faible pour mener des campagnes de sensibilisation et d’information pour mettre en œuvre cette loi.
La commission des droits, des libertés et des relations extérieures à l’ARP avait adopté à l’unanimité le rapport sur ce projet de loi, le 10 juillet courant.
Il comprend un résumé de ses travaux sur ce dossier et des auditions de l’ensemble des parties concernées: ministères de la Femme et de la Justice, société civile, Union nationale de la femme tunisienne (UNFT), Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), l’association Parlementaires pour la Famille, la Ligue des électrices tunisiennes, l’association Voix de l’Enfant, la commission de la Femme à l’Instance Vérité et Dignité ainsi que plusieurs experts dans ce domaine.