La direction générale Fonds monétaire international (FMI) a décidé d’expliquer ses engagements en Tunisie, en s’adressant direct aux Tunisiens, lesquels ne perçoivent pas, réellement et objectivement,la coopération entre le Fonds et les autorités tunisiennes.
Pour ce faire, le FMI, à travers son site Web, s’est mis à la place du Tunisien moyen, en se posant neuf (9) questions aussi concrètes que pertinentes et d’y apporter les réponses objectives.
Que fait le FMI pour aider la population tunisienne?
Le FMI apporte à la Tunisie ses concours financiers, son assistance technique et ses services de formation pour améliorer le fonctionnement de son économie dans l’intérêt de tous les Tunisiens. Le pays a été touché par une succession de chocs liés à des attentats terroristes (qui ont pesé sur le tourisme et l’investissement), à la chute des cours des produits de base qu’il exporte et au repli de la croissance des principaux partenaires commerciaux, dont l’Europe. Il s’en est suivi un ralentissement de la croissance, une augmentation du chômage et une poussée de la dette publique et extérieure.
Les crédits du FMI peuvent accorder au pays une marge de manœuvre financière à l’heure où il adopte les changements nécessaires pour relancer la croissance et promouvoir une prospérité partagée. Ils sont moins coûteux que les financements des marchés privés, ce qui permet d’épargner des ressources budgétaires pouvant ainsi être allouées au financement de l’éducation, de la santé et des investissements publics. Les concours du FMI peuvent en outre avoir un effet de catalyse sur les apports des autres partenaires au développement et faciliter l’accès aux marchés internationaux de capitaux.
Outre ses crédits, le FMI offre un appui aux réformes économiques de la Tunisie sous la forme de conseils et d’assistance technique. Le FMI et les autorités tunisiennes conviennent qu’il est urgent d’agir pour améliorer la situation économique, créer des emplois et relever les niveaux de vie de tous les Tunisiens.
Les conseils que le FMI fournit aux autorités s’appuient sur l’expérience accumulée par l’institution auprès de nombreux autres pays qui cherchaient à relancer la croissance dans des conditions comparables. Le FMI fournit une assistance technique dans des domaines tels que l’administration fiscale et la supervision bancaire.
Quel type de prêt la Tunisie reçoit-elle?
Les autorités tunisiennes ont élaboré un vaste ensemble de réformes économiques qui reçoivent l’appui du FMI dans le cadre d’un accord au titre du mécanisme élargi de crédit (MEDC). En mai 2016, le Conseil d’administration du FMI a approuvé un prêt d’un montant total de 2,9 milliards de dollars qui sera débloqué par tranches sur une période de 4 ans.
Le taux d’intérêt applicable aux concours financiers du FMI à la Tunisie est plus favorable que celui qu’offrent les marchés financiers. Il est actuellement de l’ordre de 2% sur une base annuelle moyenne, niveau nettement inférieur au taux de 6% d’une récente émission euro-obligataire.
Quelles sont les principales caractéristiques du programme?
Le programme définit des politiques destinées à maîtriser l’augmentation rapide de la dette publique —qui représente actuellement 60% du PIB— et jeter les bases d’une croissance durable capable d’améliorer le niveau de vie de tous les Tunisiens. Il prévoit notamment de maintenir le déficit budgétaire (actuellement de 6% du PIB) et les dépenses courantes à un niveau viable. Il vise en outre à élaborer des mesures fiscales à moyen terme et à adopter une vaste stratégie de réforme de la fonction publique qui permette d’améliorer la disponibilité, la qualité et l’efficience des services publics.
Le FMI travaille en étroite collaboration avec les autorités tunisiennes depuis 2011 pour les aider à remettre l’économie sur la bonne voie tout en évitant que les populations pauvres n’aient à assumer le gros des ajustements nécessaires. Les mesures convenues avec le gouvernement tunisien sont ambitieuses et devraient permettre d’opérer les ajustements propices à la croissance et à l’emploi dont la Tunisie a besoin pour stabiliser son lourd déficit budgétaire, réduire les emprunts extérieurs et orienter le ratio d’endettement sur une trajectoire baissière.
Ce prêt ne risque-t-il pas d’alourdir la dette de la Tunisie et de détériorer davantage la situation économique?
Le financement du FMI a pour vocation d’aider les pays à faciliter leurs ajustements économiques en leur apportant une marge de manœuvre et en leur accordant plus de temps pour corriger les problèmes et les déséquilibres sous-jacents. La Tunisie continue d’afficher des déficits budgétaires et commerciaux, et ceux-ci doivent être financés. L’augmentation à court terme de la dette tunisienne se fera à des conditions beaucoup plus favorables que s’il avait été fait appel aux marchés financiers: le taux d’intérêt annuel est de l’ordre de 2% alors que le taux d’une récente émission euro-obligataire de l’État tunisien était de 6%.
Les conseils de politique générale du FMI tiennent-ils compte de la situation socioéconomique du pays et de son environnement sécuritaire?
Le FMI est pleinement conscient de la difficile situation socioéconomique que traverse le pays et des défis sécuritaires qu’il est constamment appelé à relever. Les conseils de politiques de l’institution s’appuient toujours sur l’évolution de la situation du pays.
Le chômage en Tunisie est trop élevé: il dépasse 30% chez les jeunes et les femmes. L’investissement est trop faible pour créer suffisamment d’emplois et les déficits budgétaires et extérieurs sont obstinément élevés.
Durant la mise en œuvre du précédent programme qui avait reçu l’appui du FMI au titre d’un accord de confirmation durant la période 2013-15, d’importants objectifs et jalons avaient été modifiés pour tenir compte de l’évolution des circonstances; par exemple, lorsqu’il est devenu évident que la transition politique prendrait plus de temps que prévu et suite aux tragiques attentats terroristes de 2015.
La protection sociale est un pilier fondamental du programme de réformes du gouvernement. De manière plus générale, l’actuel accord au titre du MEDC, en place depuis mai 2016, insiste fortement sur les réformes nécessaires pour accompagner une croissance plus inclusive. Par exemple, les mesures fiscales que les autorités envisagent pour 2018 visent à rendre l’impôt plus équitable et à accroître les recettes, y compris grâce au renforcement des activités de recouvrement qui s’étaient affaiblies durant ces dernières années.
Dans le cadre du programme, le FMI et les autorités suivent de près les dépenses sociales en prenant comme repère un plancher minimum qui est ajusté deux fois par an. Le dernier rapport des services du FMI contient un chapitre qui analyse la protection sociale, les retraites et les services de santé, et en particulier les options qui permettront de rendre les politiques sociales plus justes et plus efficaces, par exemple en utilisant un identifiant social unique afin de mieux cibler l’aide en faveur des ménages vulnérables.
L’équipe des services du FMI a en outre engagé les autorités à rendre opérationnelle le plus rapidement possible la haute autorité de lutte contre la corruption.
La Tunisie s’efforce de mettre en œuvre une série de réformes, notamment celles liées à la masse salariale publique. Cette démarche a-t-elle un impact sur la stabilité sociale du pays?
La masse salariale de la Tunisie en pourcentage de sa production économique est l’une des plus élevées parmi les pays émergents et ne saurait être soutenable dans le contexte d’une augmentation rapide des niveaux d’endettement. Elle est passée de 10,7% du PIB en 2010 à 14,5% du PIB en 2016, et si les réformes ne sont pas mises en œuvre la masse salariale se hissera à 15% du PIB en 2018. Elle représente en outre environ 50% de la totalité des dépenses publiques, réduisant l’espace budgétaire pour l’investissement public et les transferts sociaux.
Or, il est vital d’allouer davantage de ressources à ces domaines prioritaires de manière à pouvoir avancer durablement dans l’amélioration des niveaux de vie de tous les Tunisiens, la création d’emplois pour les jeunes et la protection des populations les plus vulnérables.
Pourquoi l’achèvement de la première revue a-t-il pris si longtemps?
Le niveau de croissance plus faible que prévu et la transition vers un gouvernement d’unité nationale qui est entrée en fonction en août 2016 ont retardé la mise en œuvre de certaines politiques. Les autorités ont rattrapé beaucoup de terrain durant ces derniers mois en travaillant en étroite collaboration avec l’équipe des services du FMI et d’autres partenaires extérieurs, de sorte que plusieurs réformes essentielles sont désormais en place.
On citera à cet égard d’importants textes de loi pour le développement du secteur privé ainsi que le code des investissements et la loi sur les partenariats public-privé, l’amélioration du fonctionnement des banques publiques et une stratégie de réforme de la fonction publique destinée à améliorer la qualité des services et à réduire progressivement la masse salariale.
En outre, le programme du gouvernement, dont les détails figurent dans le plan de développement quinquennal récemment adopté, demeure parfaitement aligné sur les objectifs du FMI visant à préserver la stabilité macroéconomique et à renforcer la croissance inclusive. De manière plus précise il crée davantage d’emplois productifs dans le secteur privé.
Le FMI a-t-il recommandé la dépréciation du dinar tunisien?
Le FMI a recommandé d’évoluer vers un régime de change plus flexible, qui permette au dinar de réagir au jeu de l’offre et de la demande de devises. Le niveau sans précédent des déficits de la balance des biens et des services souligne la nécessité d’une certaine dépréciation dans le temps. Il n’est toutefois pas nécessaire de procéder à une correction brutale et nous n’en avons pas fait la demande. D’après nos estimations, actuellement le dinar n’est que légèrement surévalué aux alentours de 10%.
Pourquoi le FMI recommande-t-il d’imposer les faibles revenus?
La mobilisation des recettes intérieures est une composante vitale de la stratégie du gouvernement visant à obtenir les ressources nécessaires au financement des dépenses prioritaires dans des domaines tels que l’éducation, la santé ou les investissements publics. Globalement, les changements au système d’imposition dans le cadre du programme rendront la fiscalité tunisienne plus équitable et contribueront à une croissance plus inclusive.
De fait, les autorités accordent une attention toute particulière aux taxes sur les biens et services consommés de façon disproportionnée par les ménages aisés, comme par exemple les automobiles de luxe. Parmi les autres mesures envisagées, il convient de mentionner l’élargissement de l’assiette fiscale pour inclure les services des professions libérales. Ces réformes fiscales, en sus de l’intention des autorités de supprimer progressivement un impôt temporaire sur les bénéfices des entreprises, auront pour effet de doper l’investissement et, partant, de créer des emplois et de relever les niveaux de vie à long terme.
Enfin, le travail soutenu d’amélioration de l’administration fiscale bénéficiera de la mise en place d’une nouvelle direction des grandes entreprises qui s’emploiera également à recouvrer des arriérés d’impôts et de droits de douane d’un montant qui représente 6% du PIB. Ces initiatives feront en sorte que tous les contribuables assument leur juste part des obligations fiscales.