Imperturbable, serein et sûr de lui et combien engagé, amoureux de la Tunisie et passionné par son travail, Khalil Laabidi, aujourd’hui président de l’Instance tunisienne de l’investissement, après avoir été DG de la FIPA, avait forcé notre admiration nous autres Tunisiens lors du dernier Forum Attijari Wafa Bank organisé en mars dernier autour du thème «Les nouveaux modèles de croissance inclusive en Afrique», lorsque, lors d’un panel, il a défendu le site Tunisie bec et ongles réagissant positivement aux questions provocatrices de la journaliste chargée d’animer le panel dédié au site Tunisie.
Une très grande maîtrise de ses dossiers lui a permis de répondre avec force détails et arguments à toutes ses interrogations, pas vraiment innocentes, et où l’animatrice ira jusqu’à lui dire que la toute puissante UGTT ne plaide pas en faveur de l’encouragement des investissements en Tunisie. Loin d’être désarçonné, Khalil Laabidi lui rétorqua que les investisseurs considèrent que les compétences sont un facteur déterminant pour eux, ce dont est riche la Tunisie. «En dépit des problèmes de stabilité politique et des revendications sociales fortes et exigeantes, la Tunisie offre une réelle opportunité dans toute la région, c’est le pays des niches qui ne demandent qu’à être mises en lumière».
Cet économiste de formation, diplômé de l’Ecole nationale des impôts de France (ENI, 1996) et de l’Ecole nationale d’administration (ENA – Tunisie, 1997), enseignant la fiscalité à l’Université Paris Dauphine de Tunis et titulaire d’un certificat de formation de la Banque mondiale sur la «Solution mondiale pour le commerce intégré WITS, mérite amplement le poste qu’il occupe aujourd’hui.
“Je reste convaincu que la première ressource d’une institution… ce sont les femmes et les hommes qui y travaillent, et je suis conscient que le facteur managérial et relationnel y tient incontestablement un rôle décisif dans la performance de l’équipe”
Ses relations avec ses collaborateurs sont empreintes de respect et de reconnaissance du travail de l’autre: «Je préfère le mot “coéquipiers” à celui “collaborateurs”, et je pense que le travail d’équipe, c’est la clé de la réussite. Comme disait Mandela, “aucun de nous, en agissant seul, ne peut atteindre le succès”. Je reste convaincu que la première ressource d’une institution, quelle qu’elle soit, ce sont les femmes et les hommes qui y travaillent, et je suis conscient que le facteur managérial et relationnel y tient incontestablement un rôle décisif dans la performance de l’équipe. Cela suppose évidemment un ensemble de facteurs techniques et organisationnels adaptés tels que le management par processus pour optimiser la performance de chaque coéquipier en réunissant les équipes autour de projets, une communication interne continue et pertinente et un système d’informations de qualité».
Tout au long de sa carrière professionnelle, il a assuré nombre de missions au sein de l’Administration tunisienne dont la négociation des conventions internationales de non double imposition et la coopération avec l’OCDE, mais il a également fait partie du groupe des experts des Nations unies sur des sujets de fiscalité internationale. C’est lui qui présidait le réseau méditerranéen des Agences de promotion de l’investissement «ANIMA Investment Network», avant d’être nommé président de l’Instance tunisienne de l’investissement depuis avril 2017.
“Elle constitue une composante de la politique de promotion de l’investissement dans le pays et elle répond aux interrogations que l’investisseur tunisien ou étranger peut se poser sur le cadre de l’investissement en Tunisie…”
«Ma mission à la FIPA a été axée sur la restructuration de l’attractivité de notre pays dans l’objectif de réussir la transition économique de la Tunisie. Une attractivité que l’on veut durable, qui aura à assurer un positionnement de la Tunisie dans les secteurs à haute valeur ajoutée et baliser le chemin de l’innovation. Le moment fort par excellence était la publication de la nouvelle loi de l’investissement, entrée en vigueur le 1er avril 2017. L’entrée en vigueur de cette loi est considérée comme un pas important pour assurer une économie plus efficace et plus ouverte. Elle constitue une composante de la politique de promotion de l’investissement dans le pays et elle répond aux interrogations que l’investisseur tunisien ou étranger peut se poser sur le cadre de l’investissement en Tunisie, les encouragements, les incitations financières ainsi que la gouvernance de l’investissement».
Khalil Laabidi a été désigné président du comité d’organisation de la Conférence internationale sur l’investissement “Tunisia 2020” en novembre 2016. Il en est fier. Pour lui, la conférence a été une réussite à plus d’un titre. De par la qualité des invités politiques de hauts rangs, des chefs de gouvernement, des établissements financiers internationaux, du secteur privé local et international, et de par les engagements pris par les partenaires de la Tunisie venus nombreux apporter leur soutien à la transition politique et économique du pays.
“A chaque édition du TIF, nous recevons en moyenne 1.900 participants dont 900 étrangers venus des quatre coins du monde, ce qui souligne l’intérêt qu’ils portent à l’investissement en Tunisie…”
Pour lui, l’organisation du Forum de l’investissement en Tunisie (TIF) reste vraisemblablement l’un des événements les plus marquants au niveau de la FIPA. «A chaque édition du TIF, nous recevons en moyenne 1.900 participants dont 900 étrangers venus des quatre coins du monde, ce qui souligne l’intérêt qu’ils portent à l’investissement en Tunisie. Je saisis l’occasion pour vous informer que la 17ème édition du TIF se déroulera les 09 et 10 novembre 2017…»
Le premier défi de Khalil Labidi en tant que DG de la FIPA avait été de garder les investisseurs sur place, de les encourager à rester et continuer leurs activités en Tunisie. «Nous avons dû, pour cela, déployer un double effort en termes d’assistance, d’encadrement et de résolution de problèmes administratifs, sociaux et autres; nous avons évité le départ de plusieurs investisseurs de la Tunisie et nous avons même pu les convaincre d’étendre leur activité dans notre pays».
Changement de stratégie pour les nouveaux investisseurs
Concernant les nouveaux ou potentiels investisseurs, la politique d’intervention de la FIPA a été axée sur deux aspects: la promotion sectorielle -beaucoup plus que la promotion générale-, et le contact direct avec les investisseurs (porte-à-porte) au lieu des grandes manifestations, salons et foires. «Nous avons par ailleurs mis en place une politique «d’attraction de locomotives», à savoir l’attraction les grands groupes internationaux qui pourraient, par leur investissement dans le pays, attirer d’autres investisseurs dans leur giron. Nos arguments pour les convaincre sont clairs et nets: la Tunisie est un site très compétitif du fait de la profondeur de son marché de travail et la qualité des compétences qui défient toute concurrence».
“…je m’adresse aux investisseurs réticents, en négociant des projets avec de nouvelles visions et de nouvelles perspectives pour coller aux enjeux qui touchent l’économie de notre pays, de la région et de la Méditerranée”
Pour lui, il est capital de monter en gamme, afin d’intégrer les chaines de valeurs mondiales et accélérer la diversification et la sophistication de l’économie nationale. Une telle intégration pourra déclencher toute une série de dynamiques économiques, sociales, industrielles et technologiques qui peuvent conduire à une transformation de notre situation économique. «C’est ainsi que je m’adresse aux investisseurs réticents, en négociant des projets avec de nouvelles visions et de nouvelles perspectives pour coller aux enjeux qui touchent l’économie de notre pays, de la région et de la Méditerranée».
Quant à ses relations avec les médias, eh bien, c’est une autre histoire. «Je pense que les médias sont devenus plus exigeants et plus critiques et parfois intransigeants et c’est normal. J’espère toutefois qu’ils ne tombent pas dans des excès nocifs pour notre pays. En évitant la langue de bois et en adoptant un discours sincère et véridique, nous pouvons établir des relations de confiance et de partage avec les médias».
“La maturité et le pouvoir de discernement n’ont pas été toujours l’axe de leurs actions, animés par des objectifs électoraux pressants, la tâche de conjuguer l’économiquement correct au politiquement acceptable a été difficile…”
Il n’est cependant pas très tendre avec la classe politique, les experts et les acteurs économiques. «La maturité et le pouvoir de discernement n’ont pas été toujours l’axe de leurs actions, animés par des objectifs électoraux pressants, la tâche de conjuguer “l’économiquement correct” au “politiquement acceptable” a été difficile, mais le jeu en vaut la chandelle, et par le dialogue nous finissons toujours par convaincre».
Optimiste de nature, Khalil Laabidi est convaincu que le meilleur reste à venir. «Ma conviction n’est pas fortuite, il suffit de regarder attentivement et d’analyser l’environnement dans lequel nous évoluons. Le cœur de notre métier consiste à mobiliser des investissements directs et de consolider nos relations avec nos différents partenaires. Notre révision du cadre de l’investissement en Tunisie et la parution de la nouvelle loi étaient dans l’objectif d’aboutir à un climat d’affaires qui puise ses fondements dans les spécificités tunisiennes mais qui tienne compte également des expériences internationales et surtout des attentes des investisseurs internationaux. C’est ce qui m’encourage à considérer que la Tunisie est bien sur la bonne voie pour un horizon prometteur durant les prochaines années et c’est ce qui me motive, à chaque levée du soleil, pour donner le meilleur de moi-même».
Khalil Laabidi bataille pour la transformation de l’économie nationale, soit une condition sine qua non d’une reprise durable qui donnera des signes positifs à la communauté internationale des affaires. Le Plan de développement économique et social 2016-2020 annonçant les prémices d’un changement de vision de l’œuvre de développement, à commencer par le premier axe stratégique relatif aux réformes et bonne gouvernance pour accélérer la réalisation des projets publics et privés et les projets en partenariat public-privé, clé de voûte pour une optimisation des ressources et une meilleure efficacité aux niveaux des résultats, lui permet d’y croire…
“Nous serons les gardiens du temps pour répondre aux investisseurs dans les délais. Nous sommes en train de réduire le nombre des autorisations nécessaires à l’investissement…”
A la tête de l’Instance Tunisienne de l’Investissement (Tunisia Investment Authority – TIA), il s’est entouré d’une équipe de jeunes dynamiques, hautement qualifiés et prêts à relever des défis de toute nature par l’innovation et la créativité, et ce même en développant les procédures de travail et de traitement des projets d’investissement. La TIA sera l’interlocuteur unique, le «one stop shop», qui veillera à faciliter la vie aux investisseurs en leur permettant de suivre en temps réel l’avancement de leurs requêtes et de leurs dossiers. «Nous serons les gardiens du temps pour répondre aux investisseurs dans les délais. Nous sommes en train de réduire le nombre des autorisations nécessaires à l’investissement et de rendre effectif le système des incitations financières et fiscales pour qu’il réponde le mieux aux exigences de la période en matière d’investissement. Alors, une Tunisie prospère, là où l’investissement libre draine une croissance inclusive qui profite à toutes les catégories sociales, c’est comme ça que je la vois».
“La TIA sera l’interlocuteur unique, le «one stop shop», qui veillera à faciliter la vie aux investisseurs en leur permettant de suivre en temps réel l’avancement de leurs requêtes et de leurs dossiers”
Amel Belhadj Ali