L’Instance Vérité et Dignité (IVD) exige que la Justice militaire lui cède les affaires sur les incidents de la chevrotine survenus le 27 novembre 2012 à Siliana, estimant être la seule autorité habilitée à examiner ce dossier. L’IVD l’a indiqué dans un communiqué rendu public vendredi 25 août 2017, et ce en application des dispositions de la loi sur la justice transitionnelle. “La mise en application du système de la justice transitionnelle engage tous les pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire)”, a-t-elle précisé.
Depuis les incidents de Siliana, l’Instance a reçu 21 dossiers, dont 16 dossiers d’arbitrage et de réconciliation ainsi que des dossiers à caractère social.
L’IVD critique aussi les déclarations faites jeudi par le Procureur général de la direction de la justice militaire pour qui les séances publiques que l’Instance envisage d’organiser sur les incidents de Siliana sont “une violation du principe du secret de l’enquête et une atteinte aux droits des parties concernées”. Ces déclarations représentent une violation de l’article 148 de la Constitution et des dispositions de la loi sur la justice transitionnelle, selon l’IVD.
En effet, en vertu de l’article 148 de la Constitution, “l’Etat s’engage à mettre en application le système de la justice transitionnelle dans tous ses domaines et dans les délais prescrits par la législation qui s’y rapporte”, rappelle le communiqué de l’instance.
Quant à l’article 48, “il prévoit aussi que la saisine présentée devant l’IVD est considérée comme interruptive des délais de prescription, ce qui interrompt l’examen des litiges soumis aux instances judiciaires et publiés devant elles”.
Conformément aux dispositions de l’article 8 de la Loi organique relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation, l’examen de telles affaires relève de la compétence exclusive des chambres spécialisées créées au sein des Tribunaux de première instance, a-t-elle poursuivi.
Dans ce communiqué, l’IVD renouvelle son appel à la direction de la justice militaire afin de répondre à ses demandes récurrentes d’accéder aux dossiers qui lui sont soumis dont en particulier le dossier de la chevrotine et celui des martyrs et blessés de la révolution.
Selon l’article 40 de la loi sur la justice transitionnelle, “pour s’acquitter de sa mission, l’Instance peut demander aux pouvoirs administratif et judiciaire, de même qu’aux instances publiques et à toute personne physique ou morale, de lui fournir les documents ou informations qu’ils peuvent avoir en leur possession et accéder aux affaires en saisine auprès des tribunaux, aux jugements rendus ou aux décisions émises les concernant”.
L’Instance Vérité et Dignité s’étonne de voir la justice militaire publier jeudi un communiqué dans lequel elle affirme que le conseil de l’Instance n’a pas encore élaboré la programmation des prochaines séances d’audition publique.
Tout en s’attachant à son droit de programmer des séances d’audition publiques consacrées aux violations définies par la loi sur la justice transitionnelle, l’Instance rappelle que l’article 38 de la loi en question stipule que l’Instance exerce ses fonctions et ses attributions avec neutralité et indépendance totales, conformément aux dispositions et principes mentionnés au Titre Premier de la présente loi et que nul n’est habilité à s’immiscer dans les activités de l’Instance ni à influer sur ses décisions.
Le Procureur général de la direction de la justice militaire a affirmé, jeudi, que les séances publiques que l’Instance Vérité et Dignité (IVD) envisage d’organiser sur les incidents survenus à Siliana le 27 novembre 2012 marqués par l’usage de la chevrotine, sont ” une violation du principe du secret de l’enquête et une atteinte aux droits des parties concernées “.
La diffusion de ces séances publiques peuvent influencer le bon déroulement de l’enquête et sont en violation des dispositions de l’article 109 de la Constitution qui interdit toute ingérence dans le fonctionnement de la justice, a ajouté le Procureur général de la direction de la justice militaire dans un communiqué. L’affaire étant pendante devant le Tribunal militaire de première instance du Kef, explique la même source.
Le principe de l’indépendance de la justice exige de tout pouvoir ou instance de s’abstenir de toute ingérence dans les affaires en cours d’instruction devant les juridictions compétentes, souligne la même source.
L’IVD a annoncé récemment que le conseil de l’Instance n’a pas fixé une date pour une séance d’audition publique consacrée aux évènements de Siliana, précisant que ce dossier fait partie de 18 autres déjà retenus par l’Instance à la suite des plaintes déposées par les victimes.
Les incidents de Siliana remontent au 27 novembre 2012 sous la Troïka. Ils avaient opposé des manifestants aux forces de l’ordre sur fonds de revendications sociales pour l’emploi et le développement de la région. Des centaines de personnes ont été blessées par des tirs de chevrotines dont 23 jeunes souffrant de séquelles (perte partielle ou totale de la vue).