«Vous verrez, il y aura un avant 10 mai et un après 10 mai, dans notre pays, n’ont cessé de clamer les conseillers du président de la République au mois de mai 2017 juste avant que Béji Caïd Essebsi ne prononce, en grandes pompes, son discours que nous espérions historique, au Palais des Congrès».
Des conseillers qui voulaient apaiser les voix inquiètes qui s’élevaient de toutes parts et dont la préoccupation centrale était: «Béji Caïd Essebsi a promis le rétablissement de l’autorité de l’Etat après son élection, où est l’Etat lorsqu’à chaque fois des sites sensibles de production sont pris en otage par des contestataires chômeurs dont les actions s’apparentent plus au grand banditisme qu’à des revendications sociales légitimes ou lorsque des actes délictueux bénéficient de l’impunité la plus totale?».
Six ans de désillusions, de souhaits raillés, de promesses non honorées et d’attentes déçues. Et pourtant, à la moindre lueur, le peuple tunisien reprend espoir. Et beaucoup avaient cru le Président de la République lorsqu’il avait annoncé des mesures draconiennes et rigoureuses contre toute atteinte à l’Etat en tant que puissance publique.
Le quotidien français «Le Monde» du 10 mai 2017 avait titré: «En Tunisie, la laborieuse tentative du président Essebsi pour rassurer un pays inquiet», et attaqué l’article en annonçant la décision du chef de l’Etat d’ordonner à l’armée de protéger les sites de production. Une information relayée par tous les médias et applaudie par les Tunisiens exaspérés de voir à chaque fois des militants bandits mettre à mal les centres d’approvisionnement en énergie du pays et les sites économiques générateurs de grandes ressources financières en devises.
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Par leurs pratiques d’une prétendue contestation «légitime» sur fond de revendications socio-économiques, cette poussière d’individus -parce qu’il faut oser les traiter ainsi aujourd’hui-, ont détérioré l’image de la Tunisie à l’international et mis à nu la faiblesse d’un Etat presqu’inexistant qui a peur de son ombre! Lâcheté politique? Il semble bien que ce soit le cas au vu du système instauré par l’Assemblée nationale constituante (ANC) où on a excellé dans l’art de diluer les responsabilités.
Sur le terrain, on ose attaquer les forces de l’ordre et les auteurs de ces attaques sont considérés comme des “héros“ et vivent dans l’impunité totale. Merci militants des droits de l’Homme!
C’est ce qui a d’ailleurs fait dire à Me Fathi Jamoussi, membre actif de la société civile à Sfax: «Je voudrais adresser un message à certains droits-hommistes, CPRéristes et gauchistes qui dénoncent aujourd’hui l’interdiction des protestataires au BAC d’accoster à Kerkennah (Un incident douloureux qui a eu lieu samedi 26 mai 2017). Vous avez transformé la transgression des lois en un droit acquis pour ces gens-là, vous avez été le feu qui a attisé ce chaos et participé à la perpétuation de cette honte, et vous avez justifié les actes de violence, la barbarie et le largage des voitures de police à la mer. Vous avez réhabilité tout cela en invoquant le droit de ces derniers à l’emploi et la liberté d’expression alors que ce ne sont pas les bons procédés pour défendre des droits quels qu’ils soient. Vous qui avez institutionnalisé la violation de la loi, ne dénoncez pas aujourd’hui des actes irresponsables, respectez notre intelligence et sachez que celui qui sème l’anarchie récolte la criminalité».
Il se trouve qu’à cause de son impuissance, l’Etat est aussi responsable de sa déliquescence que tous ces activistes apprentis politiciens qui ne comprennent rien à l’Etat et encore moins à la raison d’Etat. Pour eux et elles et dans une large part, la Tunisie représente peu ou rien sauf ce qu’ils peuvent en tirer comme privilèges ou ce qui leur permet de vendre leurs discours démagogiques à l’international ou à des fidèles inconditionnels pour lesquels la subordination aux personnes est de loin plus importante que la loyauté due au drapeau national!
L’Etat piétiné de Kerkennah à Kamour
Il y a eu l’affaire Kerkennah et le feuilleton tragicomique Petrofac, puis le Kamour et ses révolutionnaires mercenaires. Des chômeurs très nantis, selon nombre de témoignages, et des manipulés qui ont occupé les sites pétroliers en bénéficiant de tout le confort, allant des tentes dernier cri au couscous au mouton et aux gâteries gastronomiques. Le drame eut lieu lorsque le chef du gouvernement a été directement pris pour cible par ceux que nous pouvons aujourd’hui appeler «rebelles».
Il y a eu ensuite la sortie du Président de la République, mercredi 10 mai 2017, et son discours qui visait le rétablissement de l’autorité et du prestige de l’Etat, bafoués depuis des années.
Le peuple avait écouté, assimilé, voulu croire et attendu que l’Etat soit rétabli pour de nouveau se retrouver au point zéro si ce n’est pis!
Ce discours là que nous pensions décisif et qui avait annoncé la fin du chaos, du grand banditisme orchestré par des partis ou par des associations et la protection des sites de production par l’armée nationale ne s’est pas soldé par les résultats escomptés. Béji Caïd Essebsi avait pourtant ce jour-là (10 mai 2017) prévenu les récalcitrants quant aux conséquences de leurs actes et les avait appelés à assumer leurs responsabilités. Du coup, cela leur a donné du poil de la bête et ils ont continué, de plus belle, à ruiner l’économie nationale (sic). On ne joue pas avec l’armée, semblait-il dire. Eh bien non, il parait que le jeu avec l’armée est des plus passionnant et même amusant pour nos contestataires professionnels.
Quatre mois après le discours de BCE, rien n’a changé et nous nous retrouvons de nouveau en pleines désillusions. Le sport favori de notre président serait-il de nous mener en bateau? Nous aurions aimé, monsieur, que vous ne nous promettiez rien que vous ne puissiez tenir. Il se trouve que nous nous trouvions de nouveau face à la célèbre maxime: «Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent».
Des deux lignes parallèles à l’armée qui protègent les sites : que de promesses !
Après la promesse d’une impossible coalition avec les islamistes, car “Nous sommes deux lignes parallèles qui ne peuvent s’unir”, nous voilà face à une armée et à des forces de sécurité qui peinent à faire régner l’ordre alors que des aigrefins ferment les vannes dans les sites pétroliers et tout récemment ont pris en otage l’île de Kerkennah. Leur justification? Les patrouilleurs de la garde maritime de Sfax ont saisi une embarcation où se trouvaient 6 marins-pêcheurs pratiquant la pêche illégale. Il fallait peut-être les autoriser à enfreindre la loi pour qu’ils ne réagissent pas en attaquant le véhicule des unités de la garde maritime causant une perte de près de 20 mille dinars et empêchant le ferry de la SONOTRAK d’accoster en assiégeant les accès du port de Sidi Youssef.
Vous dites PRESTIGE de l’Etat, monsieur le Président? Pour qu’il y ait prestige, il faut qu’il y ait un Etat capable de se faire respecter et d’imposer son autorité!
Le tout puissant Etat tunisien a dû acculer les transporteurs de Kerkennah à changer d’itinéraires pour éviter la confrontation !
Même posture face aux spécialistes de la fermeture des vannes dans les sites pétroliers: l’Etat et son armée préfèrent observer. Pourquoi se mettre sur le dos “les militants chômeurs”? Que les sociétés pétrolières quittent les lieux en désespoir de cause et désespérées face à la déficience de l’Etat tunisien, ce n’est pas aussi grave que de mettre fin aux pratiques insensées de certains activistes. La Tunisie perd des centaines de millions de dinars ! Qu’à cela ne tienne, il y aurait toujours le peuple pour payer le prix et plus d’impôts sur les entreprises pour remédier à la défaillance de l’Etat.
Le plus malheureux est que ce sont les manifestants qui mettent en joue l’Etat tunisien. Il paraît, selon le porte-parole des réfractaires ds Sud, Salem Ben Arfa -plus efficace, du reste, que celui du gouvernement-, que l’Etat auquel on a donné un ultimatum d’un mois pour l’étude de deux projets au profit de Kébili (l’un agricole et l’autre industriel) n’a pas été discipliné et n’a pas respecté les délais. Il fallait donc le sanctionner en fermant les vannes, ce qui fut fait au vu et au su des forces armées.
Où est la volonté politique dans tout cela?
Vous disiez “Protection des sites par l’armée”, monsieur le Président? «L’Etat» de Kébili vous a répondu! Reconnaissez qu’en matière d’autorité, celui de “Kébili” comme celui de «Kerkennah» sont de loin plus imposants que l’Etat de la Tunisie entière avec ses forces de l’ordre, son armée et son gouvernement!
Dans ces nouveaux nés «Etats post révolutionnaires», on décide des timings de la fermeture et de l’ouverture des vannes et de celles des ports. Dans ces États, les ordres des contestataires sont respectés et l’Etat tunisien se soumet!
Max Weber, juriste réputé, définit l’Etat comme étant une entité qui se caractérise par l’existence d’un pouvoir de contrainte qui permet d’assurer la pérennité de l’organisation politique et juridique d’une population et d’un territoire.
En Tunisie, l’Etat est en situation permanente de soumission ! Pourquoi? Par manque de moyens ou de volonté de faire régner l’ordre? Quelle image renvoyez-vous au reste du monde, monsieur le Président!
Au moins avant le 10 mai 2017, vous n’aviez pas scandé haut et fort le retour de l’Etat dans toutes ses dimensions, nous ruminions notre colère en attendant que l’Etat décide de se faire respecter.
Aujourd’hui, au vu de ce qui se passe et de l’incapacité de l’Etat à faire régner l’ordre et à mettre au pas ceux qui ne le respectent pas et qui ne se soumettent pas à la loi, nous n’attendons plus rien, monsieur le Président ! Et nous ne nous étonnons plus de voir la centrale syndicale prendre la place de l’Etat en négociant avec les récalcitrants partout sur tout le territoire national. En l’absence de l’Etat, il faut bien qu’une institution assume.
Nous n’espérons plus rien, ou peut-être bien que si.
Osons espérer que la souveraineté du peuple ne continuera pas à se traduire au quotidien par la transgression des lois, le mépris à l’adresse de l’Etat et à l’encontre de ceux qui représentent son autorité et la destruction des acquis socioéconomiques de la Tunisie.
A quoi bon des discours, monsieur le président de la République, si vous ne traduisez pas vos paroles en actes?
Le peuple tunisien espère toujours, mais fasse Dieu qu’il n’attende pas indéfiniment!
Amel Belhadj Ali