Pour une bonne nouvelle c’en est vraiment une. Le gouvernement vient, enfin, de satisfaire une ancienne revendication des producteurs de dattes du sud de Tunisie. Celle de disposer enfin, à Kébili, d’un Office national des dattes (OND).
Cette décision, qui fait suite à l’accord conclu, le 26 août 2017, entre le gouvernement et les sit-inneurs de la région de Kébili, n’a malheureusement pas été assez médiatisée, alors qu’elle ne manque pas d’intérêt pour les “palméiculteurs“ de cette région et des gouvernorats voisins (Tozeur, Gabès, Gafsa…) dans la mesure où elle vient mettre fin à une certaine injustice.
Une perche de salut…
Pour mémoire, à défaut d’une structure d’encadrement et de régulation capable de collecter la production, de la conditionner et de la vendre à des prix compétitifs à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, à l’instar des offices du blé et de l’huile d’olive, les producteurs de dattes étaient obligés de brader, le plus souvent, leur production au profit de revendeurs (conditionneurs et exportateurs) sans foi ni loi.
A titre indicatif, le prix du kilogramme de dattes sur pied, vendu à Kébili entre 2 à 2,5 dinars, est écoulé par les revendeurs dans les grandes villes à 10 dinars le kilo (soit 5 fois plus) et à 10 euros à l’extérieur, soit dix fois plus. Autant dire que nous sommes bien loin du commerce équitable.
Les producteurs n’arrivent pas à admettre que leur production soit chaque fois bradée au niveau des lieux de production et valorisée ailleurs.
Autrement dit, ils estiment que, dans le processus de production des dattes, ils ne font que subir les externalités négatives (entretien et protection des palmeraies, pollinisation, pénurie d’eau, fertilisation, irrigation, entretien des oasis durant toute l’année, protection de la production contre les aléas climatiques…), alors que les externalités positives, voire la valeur ajoutée (commercialisation, exportation et autres avantages…), leur échappent et profitent à des conditionneurs et exportateurs basés dans des villes du nord (Sfax, Monastir, Nabeul, Tunis…).
Comble de l’injustice, les statistiques officielles classent la délégation de Grombalia (gouvernorat de Nabeul) au premier rang des zones exportatrices des dattes du pays sans en être le producteur.
Le fruit de la protestation pacifique
Les producteurs de dattes du sud tunisien ont décidé de se battre pour faire prévaloir leur droit à des prix “honnêtes”. Ils ont mis à profit le souffle de liberté qui règne dans le pays, depuis le 14 janvier 2011, et le droit de manifester pacifiquement dans la rue que leur garantit la nouvelle Constitution pour protester contre cette iniquité.
Point d’orgue de leurs protestations, la manifestation qu’ils ont organisée en novembre 2015 lorsqu’ils ont choqué l’opinion publique en déversant sur la voie publique des centaines de tonnes de dattes en signe de colère et de contestation de l’ordre établi.
Cette manifestation avait fait mouche et avait beaucoup ému les Tunisiens, ce qui avait alors poussé le gouvernement à accepter de créer, enfin, un office dédié aux dattes.
Avec la création de cet Office, les pratiques commerciales inéquitables précitées doivent, en principe disparaître. Car dorénavant, en cas de surproduction surtout, l’office va acheter aux producteurs la production à des prix étudiés, la collecter, la conditionner et l’exporter sur de nouveaux marchés.
Et s’il ne veut pas le faire, il doit instituer des incitations fiscales et financières pour encourager des investisseurs locaux à réaliser des centres de conditionnement…
La mission de l’Office national des dattes
La mission principale de l’office consistera également à encadrer les 40.000 palméiculteurs des oasis tunisiennes (32.000 ha au total), mettre au point les stratégies requises pour l’extension des palmeraies, l’amélioration du rendement du palmier dattier tunisien (25 kg actuellement par palmier contre 100 kg ailleurs) et l’exportation de la production vers de nouveaux marchés qu’il doit explorer et conquérir.
Au nombre des marchés ciblés, il y a lieu de citer les marchés africains, ceux d’Europe centrale et orientale (PECO), des pays islamiques du sud-est asiatique (Indonésie et Malaisie) et la colonie maghrébine en Europe qui reste attachée aux traditions culinaires à base de dattes.
Perspectives à l’horizon
L’enjeu est de taille lorsqu’on sait que les dattes, chiffres à l’appui, sont en passe de devenir un produit agricole biologique stratégique à l’exportation, autant que l’huile d’olive ou les agrumes.
C’est que la production de dattes ne cesse d’augmenter et de générer d’importantes ressources en devises. Elle est estimée annuellement à plus de 115.000 tonnes dont 70.000 tonnes de Deglet Ennour (doigt de lumière), variété considérée comme la meilleure. Ce produit connaît un franc succès sur les marchés intérieur et extérieur.
La Tunisie, premier exportateur de Deglet Ennour, en exporte, annuellement, une moyenne de 30.000 tonnes dont 15.000 tonnes sur le seul marché européen. Par pays, la France est le premier client de la Tunisie, suivent l’Italie, les Etats-Unis d’Amérique, l’Allemagne, la Belgique et les pays du Golfe.
Chiffre record en 2015, la Tunisie a exporté 100.000 tonnes pour une valeur de 500 millions de dinars en devises.
En somme, nous pouvons avancer que, avec cet office, de nouvelles perspectives s’ouvrent devant les palméiculteurs en matière d’écoulement de leur production à des prix compétitifs. Ils ont payé le prix en protestant haut et fort contre leur exploitation scandaleuse par des revendeurs, et ils en récoltent aujourd’hui le fruit, d’autant plus que ces nouveaux “programmes d’environnement et d’arboriculture fruitière (plantation d’arbres) créés certes pour employer les jeunes mais surtout pour étendre le couvert vert dans le sud. L’extension des palmeraies ne manquera pas d’en tirer profit, à coup sûr, et ce au grand bonheur des communautés de cette partie du pays.