L’Instance Vérité et Dignité estime que “la réconciliation n’implique pas l’impunité ni que des comptes ne soient pas demandés aux responsables des atteintes graves aux droits de l’Homme. Le principe la réconciliation n’est pas une alternative à la reddition des comptes mais son parachèvement”. L’IVD affirme également que “la confiance en les institutions de l’Etat ne peut pas être atteinte aussi quand les dépositaires de l’autorité publique déloyaux et coupables d’abus de confiance bénéficient de l’impunité”.
Cette mise au point fait suite à l’adoption par l’ARP d’une loi sur la “réconciliation administrative” accordant une amnistie aux fonctionnaires de l’Etat impliqués dans des affaires de corruption devant la justice.
Pour l’IVD, “une telle loi -nonobstant son inconstitutionnalité- envoie un message d’encouragement aux corrompus, alors même que le gouvernement affirme avoir déclaré la guerre contre la corruption. Elle aura pour effet de conduire à une prolifération de la corruption tout en mettant en échec les réformes institutionnelles tant attendues en vue d’instituer un Etat de droit”.
Du coup, l’IVD assure qu’elle aura du mal à remplir son mandat lié aux réformes institutionnelles, à la révision des législations et au filtrage des institutions de l’Etat.
“Ce texte sape l’un des fondements du processus de justice transitionnelle qui a pour objet de démanteler le système de corruption, de répression et de dictature, et à y remédier d’une manière à garantir que les violations ne se reproduisent plus, que soient respectés les droits de l’Homme et que soit consacré l’Etat de droit”, estime-t-elle, rappelant l’article 14 de la loi organique sur la Justice transitionnelle.
Elle déplore que “la nouvelle loi a été adoptée sans la moindre évaluation du processus de JT engagé depuis plus de trois années et en dehors de toute concertation avec l’IVD, violant ainsi l’obligation faite à l’Etat de faciliter la redevabilité en mettant en place “des mécanismes qui empêchent l’impunité ou la soustraction de responsabilité”.
Mais l’IVD va plus loin pour indiquer que la loi sur la réconciliation pose un grave problème de sécurité juridique en laissant deux mécanismes légaux différents assurer le même objet en parallèle, ce qui est à même de créer un conflit de normes et entraînant une ambiguïté quant à l’applicabilité de la loi en vigueur sur la justice transitionnelle, ou celle de la nouvelle loi”. Et pour étayer ses dires, l’instance rappelle l’avis de la Commission de Venise sur la loi sur la réconciliation selon lequel “l’harmonisation … est indispensable afin que le principe de la légalité et les règles de l’Etat de droit soient respectées et que la justice transitoire se réalise de manière transparente et efficace”.
“L’Etat se doit d’être crédible et cohérent. Il ne peut pas proposer deux mécanismes de conciliation parallèles et en conflit”, souligne l’Instance Vérité et Dignité. Elle relève que “le mécanisme d’arbitrage au sein de l’IVD accorde à tout auteur de violation -ou victime- la possibilité d’user de la voie de la conciliation, rappelant que la Commission “Arbitrage et Conciliation” de l’IVD a reçu 5.619 demandes d’arbitrage et en a traité 2.360. Elle procède à des investigations et conduit des séances d’arbitrage en présence du Chargé du contentieux de l’Etat, après avoir obtenu de l’auteur de violation par écrit un aveu public des violations commises ainsi que les montants devant être restitués à l’Etat et une demande de pardon écrite.
L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a adopté, mercredi 13 septembre le projet de loi sur la réconciliation administrative avec 117 voix pour, 9 voix contre et une seule abstention, et ce après deux ans de controverse sur cette loi qui accorde l’amnistie à des fonctionnaires de l’Etat impliqués dans des affaires de corruption.