Tout le monde s’accorde à considérer que le principal défi pour la Tunisie aujourd’hui est celui relatif à sa situation économique dangereuse et à la crise aiguë de ses finances publiques.

Cette situation économique et financière constitue aujourd’hui une menace sérieuse pour la vie du citoyen tunisien et pour la démocratie tunisienne naissante, et par définition fragile.

Et pourtant ! Que voyons-nous en face?

1- Les chiffres -pourtant officiels car publiés par l’INS, la BCT ou l’Administration en général- sont tournés, retournés, tordus parfois pour refléter des améliorations de situation qui simplement n’existent pas. Est-ce de l’inconscience, ou alors s’agit-il simplement d’un refus de voir la vérité en face ? Le premier pas sur la voie de la résolution de n’importe quel problème n’est-il pas de reconnaître d’abord qu’il y a un problème ? Continuons à nier nos difficultés, et nous n’en résoudrons aucune.

2- Maintenant que le remaniement ministériel est fait et approuvé par l’ARP (nous savons pertinemment que l’essentiel se passe en dehors de l’ARP qui fonctionne parfois comme une simple boîte de résonance), une question se pose: ce remaniement reflète-t-il la moindre volonté, la moindre vision, la moindre stratégie de sauver l’économie et les finances publiques tunisiennes ? La réponse est NON. Les quelques objectifs chiffrés annoncés par le chef du gouvernement lors du discours pour obtenir la confiance de l’ARP dans le nouveau gouvernement (taux de croissance économique, taux d’endettement public, taux de déficit budgétaire, etc.) ne constituent nullement une stratégie, et ne peuvent pas être le résultat d’un diagnostic réel de la situation. La feuille de route annoncée par le chef du gouvernement n’en est pas une et elle est simplement IRRÉALISABLE.

3- Les quelques informations qui ont filtré concernant le budget de l’État et la loi des finances 2018 vont dans le même sens. En effet, la loi des finances 2018 ne comporterait aucune volonté, aucune vision et aucune stratégie pour sauver l’économie et les finances publiques tunisiennes. Dans tous les pays du monde, la loi des finances est supposée refléter la politique et les choix du gouvernement. Ce n’est plus le cas en Tunisie. Le gouvernement devient un simple comptable qui affecte les maigres ressources de l’Etat selon le modèle d’un budget atteint par le syndrome de la calcification. Lorsque les salaires de la fonction publique représentent 50% du budget, et les dépenses courantes + le service de la dette + le déficit de la Caisse de compensation représentent plus de 40% du budget, que reste-t-il pour exprimer les choix et la politique du gouvernement ? Rien ou presque. La marge de manœuvre du gouvernement est ainsi quasiment nulle.

4- Dans ces conditions, pourquoi s’inquiéter de la valeur du dinar. En effet, le dinar a perdu plus de 60% de sa valeur depuis 2010, et près de 20% de sa valeur depuis le début de 2017. Le dinar n’est que le miroir qui reflète la situation économique et financière. Tant qu’on n’a pas engagé une véritable stratégie de sauvetage de l’économie, le dinar continuera à glisser. L’euro pourrait en effet valoir jusqu’à 3D200, voire 3D300 d’ici le milieu de l’année 2018 si rien n’était fait dans le sens du sauvetage de l’économie et des finances publiques tunisiennes. Dans ce même sens, le FMI a considéré lors de sa dernière revue de la situation que la Tunisie doit adopter une politique de change souple (comprenez : il faut laisser le dinar glisser encore) considérant que le dinar est encore surévalué de 17,6%!

LES SOLUTIONS EXISTENT. NOUS LES AVONS PROPOSÉES, ET NOUS POUVONS LES PROPOSER ET LES DÉFENDRE ENCORE: DIAGNOSTIC, PLAN D’AJUSTEMENT STRUCTUREL ET RÉFORMES PROFONDES.

CONSCIENCE DE LA GRAVITÉ DE LA SITUATION, VOLONTÉ, VISION ET STRATÉGIE SONT INDISPENSABLES POUR POUVOIR AVANCER.

Un commentaire d’Ezzedine Saïdane